Chemin de vie…

12 septembre 2010, 24° dimanche C, Lc 15,1-32 /

Habituellement, à partir du récit du « Fils prodigue », l’accent est mis sur la grande miséricorde du Père, ce qui est tout à fait juste. Mais, pour approfondir d’autres harmoniques de ce texte, regardons cette fois-ci plus précisément le chemin de vie de ce fils cadet. Ne nous parle-t-il pas du chemin de vie d’un grand nombre de nos contemporains et peut-être du nôtre : une autonomie revendiquée, une crise salutaire et une fraternité renouvelée ?

Une autonomie nécessaire !

Le jeune fils, désireux de sortir du cocon familial, réclame donc sa part d’héritage pour courir l’aventure et découvrir la vie. Remarquons, d’emblée, que le père ne lui fait aucun reproche et acquiesce immédiatement à sa demande. De la même manière, nos sociétés occidentales réclament leur autonomie vis-à-vis de Dieu : Soit sous la forme d’un agnosticisme bien commode – « On ne sait pas ce qu’il en est de Dieu, autant faire alors comme s’il n’existe pas » –  ; soit sous la forme du refus d’un certain Dieu oppressant et aliénant ; soit, dans de rares cas, sous la forme d’un athéisme convaincu et réfléchi. Dans tous les cas, le Père continue de prodiguer à chacun sa part d’héritage : un souffle de vie, un soleil qui brille, une terre où habiter…  Que ce soit au plan de l’histoire de l’humanité ou au niveau individuel, cette autonomie, cette prise de distance n’est-elle pas nécessaire pour grandir vers une relation plus mature avec Dieu ? En effet, le fils aîné, n’ayant pas pris cette distance, n’arrivera pas à sortir de la jalousie et à découvrir la miséricorde du Père… On le sait, ce fils aîné évoque des juifs de l’époque mais aussi, certainement, des gens très pieux d’aujourd’hui, apparemment très fidèles, mais enfermés dans de fausses images de Dieu. Le jeune fils, lui, fera l’expérience de cette miséricorde, pourra laisser tomber ses fausses images du Père –« Je ne mérite plus d’être appelé ton fils… » – et passer de la mort à la vie. Accueillons donc, sereinement, cette autonomie revendiquée par nos contemporains. N’est-elle pas nécessaire pour passer de la mort à la vie ?

Une crise salutaire !

Après avoir profité de son héritage et exploré les pays lointains, le jeune fils est rattrapé par une question de vie et de survie, une crise salutaire qui va lui permettre d’aller vers son père et de le découvrir en vérité ! Dans chaque vie survient ce type de crise : perte du travail, vie de couple difficile, confrontation à la maladie, à la mort… Et les questions existentielles, mises entre parenthèses un temps, ressurgissent… Ces questions existentielles se posent non seulement au niveau individuel, mais également sur un plan plus global. Nos sociétés occidentales, après avoir gaspillé les ressources de la planète et vécu « une vie de désordre » (cf. Lc 15,13), s’interrogent : le chemin emprunté est-il le bon ? Pouvons-nous continuer à empoisonner la planète ? Où nous mène cette société de surconsommation ? Peut-on encore se voiler la face sur les rapports injustes que créent nos modes de vie, entre pauvres et riches ? etc… Et ils sont nombreux à tenter de répondre à ces questions, non seulement sur un plan technique mais sur un plan spirituel ! Sauf que… à la manière du jeune fils, leur chemin de conversion (un mot devenu cher au monde de l’écologie par exemple), reste encombré par les fausses images de Dieu, les propos convenus sur le christianisme, mais aussi l’image parfois déroutante renvoyée par l’Église… Cependant, même si ce retour au spirituel emprunte des chemins insolites, la crise vécue n’est-elle pas déjà salutaire ?

Une fraternité renouvelée…

Le chemin de vie évoqué plus haut, partant d’une autonomie nécessaire à une redécouverte de l’essentiel à l’occasion d’une crise existentielle, ne mènera pas nécessairement au christianisme… Et pourtant, c’est bien le cas pour un certain nombre de  « nouveaux convertis », de « recommençants » ou d’adultes qui se font baptiser ! Quelle est notre attitude face à ce phénomène… Serons-nous, comme le frère aîné, jaloux de ces nouveaux convertis ? Mais cette remarque part, peut-être, d’une fausse certitude… En effet, sommes-nous des frères aînés empêtrés dans nos fausses images de Dieu et nos dévotions surannées, n’avons-nous pas nous aussi fait le parcours du jeune fils ? N’avons-nous pas pris nos distances avec certaines images de Dieu et fait l’expérience de sa miséricorde, n’avons-nous pas dû nous convertir ? Si c’est bien le cas, nous sommes des mieux placés pour accueillir ceux qui viennent à la foi et cheminer avec eux vers une foi plus mature, mais aussi pour accompagner, vers une rencontre personnelle avec Jésus Christ et son Père, tout ceux qui cherchent un nouveau sens à leur vie… Saurons-nous inventer de vrais lieux de rencontre, de dialogue, de fraternité renouvelée pour désencombrer le chemin du retour au Père ou, plutôt, de la découverte, enfin, du Dieu-Père ?

Le chemin du jeune fils n’est pas l’itinéraire des moutons noirs…

C’est le chemin de vie de tous les disciples du Christ !

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3 réponses à Chemin de vie…

  1. Monique dit :

    « Dans tous les cas, le Père continue de prodiguer à chacun sa part d’héritage : un souffle de vie, un soleil qui brille, une terre où habiter… »
    J’avais jamais vu le soleil qui continue inlassablement de briller comme quelque chose de l’héritage du Père ! Que j’aime cette idée ! Je veux la dire à tout le monde, je crois ! Elle est d’une simplicité… désarmante !

  2. Virginie dit :

    Je suis arrivée « par ricochet » sur ce blog il y a un an et je le lis régulièrement depuis. Cette fois encore, j’apprécie le message de fond que vous délivrez mais j’ai une objection sur la forme, plus exactement sur « l’agnosticime bien commode ». L’agnostique que je suis trouverait bien plus commode d’avoir la grâce de la foi et l’espérance qui l’accompagne. Pour moi être agnostique ne signifie pas « faire comme si Dieu n’existait pas » ou le rejeter, mais juste ne pas percevoir sa présence, sa bienveillance, ne pas savoir dialoguer avec Lui. Ce n’est pas Le nier. J’ai beau être témoin de cette foi chez d’autres, je ne peux pas prétendre la partager. Pour moi être agnostique n’est pas « commode » ou lâche, c’est au contraire une marque d’honnêtete et de respect envers moi-même et envers tous les croyants.

  3. Thérèse L.-Vézina dit :

    Ce texte n’a rien perdu de sa valeur initiale. Nous y retrouvons les harmoniques
    nécessaires à notre cheminement vers une fraternité renouvelée … Merci !

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