7 novembre 2010, 32° dimanche C, Lc 20,27-38 /
Les Sadducéens, juifs ne croyant pas à la résurrection, cherchent à piéger Jésus sur le sujet, à partir d’un cas d’école – comme on aime en poser dans la tradition rabbinique -. Leur questionnement rejoint le nôtre : « Qu’en est-il de la résurrection ? ». Mais nos questions ne sont-elles pas trop alambiquées sur le sujet ? Jésus livre, au contraire, une réponse limpide, et nous invite à vivre pour Dieu dès maintenant.
Questions alambiquées…
Les Sadducéens, partant d’un raisonnement logique, visent à démontrer que la résurrection n’existe pas : « une femme, veuve sept fois, aura-t-elle sept maris à la résurrection ? N’importe quoi ! » Remarquons la faiblesse de leur pseudo raisonnement… Qu’un homme ait plusieurs femmes (comme cela était possible dans le judaïsme ancien) ne les choque pas, mais qu’une femme ait plusieurs maris leur semble tellement ridicule que cela justifierait la non-existence de la résurrection… Cette façon de poser le problème nous paraît bien caduque et notre contexte culturel est très différent, mais n’abordons-nous pas, nous aussi, la question de la résurrection de façon trop alambiquée ? Dans notre monde matérialiste, plusieurs personnes posent la question à partir du « comment cela peut-il se faire ? ». Puisque notre corps disparaît, rongé par les vers ou réduit en cendres, comment envisager une résurrection ? Puisqu’il nous semble reconnaître parfois des personnes ou des situations, comme si nous les avions déjà vécues, n’est-ce pas plutôt de réincarnation dont il s’agirait ? Puisque certains semblent avoir expérimenté la proximité de la mort comme un passage, à travers un tunnel, vers une lumière apaisante où les attendent ceux qu’ils ont aimés, existe-t-il réellement quelque chose après la mort ou est-ce seulement une production de notre cerveau lorsqu’il s’éteint ? Bref, les questions alambiquées ne manquent pas… Mais, posons-nous les bonnes questions ?
Réponse limpide !
Jésus répond d’abord que la question des Sadducéens est à côté de la plaque, car ils projettent simplement un prolongement de la vie matrimoniale d’ici-bas dans l’au-delà. Or, dans le Royaume de Dieu, il n’y a plus de contrat de mariage (heureusement diraient certains)… Il n’y a plus de recherche de descendance (à l’origine de cette loi demandant d’épouser la veuve de son frère)… Il n’y a plus de possession de l’autre (n’oublions pas que le mariage par amour est une invention récente, et qu’il s’agissait plutôt, par le passé, d’un acquis patrimonial)… Mais la vraie réponse est ailleurs : « Dieu n’est pas le Dieu des morts mais des vivants ; tous vivent en effet pour lui. »(Lc 20,38)… Cette vraie réponse est de l’ordre de celle que l’on donne à un enfant qui vient de perdre sa mère : « ta maman n’est pas disparue, elle est dans le ciel et dans ton cœur, tu pourras toujours lui parler quand tu voudras. C’est-à-dire qu’elle existera toujours tant qu’elle existera pour toi !… » Cette réponse vous semble-t-elle manquer de consistance ? Et pourtant, n’est-ce pas la réponse de Jésus : « Tous vivent en effet pour Dieu ! » Même si leur corps à disparu, tout ce que fut leur vie est recueilli en Lui, existe en Lui… Or, si nous croyons que Dieu est au fondement de l’Être du monde, exister en Lui c’est exister tout simplement ! Cette vie en Dieu est donc de la même nature, que nous soyons encore ici-bas ou déjà de l’autre côté… Dieu n’est pas le Dieu des morts, mais des vivants… Réponse limpide !
Vivre pour Dieu dès maintenant !
Alors oui, il faut sans cesse le répéter, car nous avons du mal à y croire vraiment, la mort à craindre n’est pas celle de notre corps mais celle d’une mort à Dieu, d’une mort aux autres, d’une mort à ce que nous sommes en profondeur : c’est ce qu’on appelle le péché. Exister, au contraire, c’est vivre en ressuscité dès maintenant, mettre au cœur de nos vies ce qui a de la valeur aux yeux de Dieu : fraternité, amitié, amour, don de soi… toutes choses déposées et cachées en Lui, à partir desquelles il nous ressuscitera. Saint Paul résume cela magnifiquement : « Du moment que vous êtes ressuscités avec le Christ, recherchez ce qui est d’en haut. […] ; c’est en haut qu’est votre but, non sur terre. Vous êtes morts [au péché], en effet, et votre vie est cachée avec le Christ en Dieu. Quand le Christ, votre vie, paraîtra, alors vous aussi, vous paraîtrez avec lui en pleine gloire. » (Col 3,3)
Alors, désirons-nous quitter nos questions alambiquées sur l’au-delà ?
Désirons-nous accueillir la réponse limpide de Jésus ?
Et vivre pour Dieu dès maintenant ?
La résurrection de la chair c’est ici maintenant…En Lui pour Lui avec Lui.
Là, je dois dire que je suis perdue ! J’ai repassé votre commentaire, P. Benoît, toute la fin de semaine et ma foi, je ne comprends ni l’évangile, ni votre commentaire ! En fait, une seule pensée m’est venue – je regarde trop de Colombo – : personne ne s’est jamais demandé comment cette femme a pu perdre 7 maris ? ? C’est au moins un peu louche, mon cher Watson ! Bon, je sais, c’est pas très correct mais… bref je ne comprends rien à cet évangile, et votre commentaire, généreux, ne m’éclaire pas.
La méditation sur la réalité de la mort et de la résurrection me rappelle l’hymne
« Il viiendra un soir » du Choeur des moines de l’Abbaye d’Aiguebelle (France 2007) :
« Ce soir là, sur nos peurs, l’amour l’emportera ».
Si le thème de la semaine dernière était le désir, il s’agit cette fois de la vie et la mort. Et comme le frère Benoît me conduisait à la réflexion qu’il y a désir «et» désir, que ce n’est peut-être pas si clair que ça au fond, de la même manière cette semaine, il me conduit à penser qu’il y a vie «et» vie!
En fait, je suis très surpris par le lien qu’il fait entre la vie après la mort, qui après tout ne correspond à rien dans notre expérience, et «notre» vie, qui est tout ce que nous «connaissons», et qui est par définition mortelle. J’aurais eu envie de penser a priori que c’était comme l’eau et l’huile, comment faire un lien entre ces deux «choses»?…
Pourtant, il me semble que le frère Benoît y parvient… En fait, quand il fait intervenir le terme «péché», cela me provoque encore un réflexe, comme avec «désir» la semaine dernière! Cette fois, c’est l’idée de «difformité», «handicap» qui me vient à l’esprit, selon ce qu’on m’a appris de son étymologie en tout cas… Bref : l’idée d’une sorte de maladie, c’est-à-dire d’une puissance de mort «dans» la vie. Et il ajoute que peut-être que la vraie «mort» à craindre, plutôt que celle qui nous attend tous et qui avec raison nous fait peur, serait cette mort-là. J’aime son expression de «mort à Dieu» puis «aux autres», et finalement à «ce que nous sommes en profondeur», c’est-à-dire à soi-même. Bref : une «mort» à toute la réalité dans laquelle nous sommes pourtant plongés! Grave «handicap» s’il en est! Pourrions-nous donc être des espèces de «morts-vivants» dont les yeux ne voient rien? Et est-ce que cette perspective nous «inquiète», elle? Comment savoir que nous sommes vraiment «en vie»? Finalement, c’est peut-être juste moi qui radote, mais ce sont mes questions de la semaine dernière sur nos «vrais» désirs qui reviennent!…
Le vieux Socrate parlait d’une «caverne» où demeurent la plupart des hommes, ignorants même de leur ignorance et satisfaits de la vie pourtant médiocre qu’ils y vivent, parce qu’ils ne connaissent rien d’autre. On pourrait voir dans ces «cavernes» nos conforts, habitudes, sécurités, préjugés, etc. qui nous paraissent la seule et vraie «vie». Toute la difficulté était selon cet ancien philosophe d’en sortir, pour atteindre le monde «véritable», qui est «dehors» et qui est notre vrai «milieu» pour exister en fait. Cet autre appel à la «vraie vie» me paraît semblable à celui que fait le frère Benoît à même cet évangile. J’en suis d’autant plus étonné que celui-ci semble tout à fait parler d’autre chose à première vue, et qui nous dépasse, même si ça rejoint une de nos angoisses profondes.
Au bout du compte, le frère Benoît semble vouloir nous suggérer que cette éventuelle «autre vie», quelle qu’elle soit, doit forcément avoir un lien avec la «vraie» vie de cette existence-ci, et non pas avec ses contrefaçons privées que nous préférons peut-être souvent, coupés du monde, des autres, et finalement même de soi, malgré tout… Aussi, quand Jésus nous dit que le Dieu qu’il nous annonce est un Dieu des «vivants» et non pas des «morts», est-ce que ce serait également une invitation à vivre notre vie dans son vrai milieu humain, en soi-même et avec les autres, tout en espérant dans la foi que c’est là, et non pas dans nos belles «cavernes», que Dieu nous attend? Peut-être même pour nous pousser éventuellement «plus loin» que cette vie-ci, d’une manière que lui connaît? C’est ce que semble dire notamment le frère Benoît, et je trouve cela fort éclairant pour cet évangile plutôt déroutant…
Géniale, Daniel, ta réflexion ! J’avais sauté un bout du commentaire du P. Benoît, un bout clé : « La mort à craindre n’est pas celle de notre corps mais 1e) celle d’une mort à Dieu, 2e) d’une mort aux autres, 3e) d’une mort à ce que nous sommes en profondeur (…) Exister, au contraire, c’est (…) mettre au cœur de nos vies ce qui a de la valeur aux yeux de Dieu : fraternité, amitié, amour, don de soi… toutes choses déposées et cachées en Lui, à partir desquelles il nous ressuscitera.» Je vais re-méditer le commentaire du P. Benoît et je pressens déjà – je viens de le relire trois autres fois – la richesse cachée sous les mots qui m’ont fait m’égarer. Je crois que j’ai lu le texte comme un texte et non comme un dialogue. Je n’ai pas prêté attention au son de votre voix, Benoît. Pardonnez-moi… Ici, au Montmartre, c’est votre voix qui modulait votre enseignement, qui me permettait le transformer en « monde », c’est-à-dire en lumière. Moi, cette fois, j’ai bêtement buté sur « l’écorce des mots » comme le disait Ortega. Toi, Daniel, tu as vu la célèbre caverne de Platon, et c’est sans doute ce qui m’a réveillée. Si ce blog n’existait pas, il faudrait l’inventer !