25 décembre 2010, Fête de la Nativité, Jn 1,1-18 /
Le prologue de Jean : quelle hymne ! Chaque année, pour le jour de Noël, la liturgie nous propose de méditer ce merveilleux texte, mais comment se rendre de nouveau disponible à l’écoute, à la lecture, à la méditation de ces versets qui nous semblent déjà tellement connus ? Noël peut-il opérer ce miracle en nous ? Car, de même que l’émerveillement devant un nouveau-né, un nouvel être vivant, engendre une relation unique entre lui et moi, de même chaque lecture, chaque méditation d’un texte vivant engendre une nouvelle relation entre lui et moi… À fortiori quand il s’agit d’un texte d’évangile. Espérons que les quelques pistes ci-dessous soutiendront ce travail en vous…
Au fondement : le Verbe créateur !
Le premier outil pour renouveler notre lecture, consiste à relire le début du texte non pas avec des verbes au passé mais au présent, afin de sortir d’une lecture par trop chronologique : « Au fondement est le Verbe, la Parole de Dieu, et le Verbe est tourné vers Dieu, et le Verbe est Dieu. Il est au fondement tourné vers Dieu.» La première expression de l’Évangile de Jean, traduite habituellement par « au commencement », est la même que celle utilisée pour le début de la Genèse. Elle ne vise pas un temps chronologique mais veut indiquer ce qui est premier, ce qui est à la source, ce qui est au principe (cf. version latine In principio), d’où cette lecture possible au présent. Au fondement de toute chose se trouve, donc, le Verbe, la Parole. Et Jean précise bien, non pas que le Verbe est auprès de Dieu de façon statique, mais son expression grecque implique un mouvement : le Verbe est tourné vers Dieu, il est en relation, en dialogue avec Dieu. Et ce dialogue, riche de Vie et de Lumière -où l’on décèle la troisième personne de la Trinité, l’Esprit Saint- fait œuvre de Création depuis le commencement du monde jusqu’à aujourd’hui. Le Verbe n’est pas l’origine, mais le vecteur de la Vie qui à sa source dans le Père : « tout est par lui », « la vie est en lui ». C’est donc bien de la Trinité dont il s’agit : le Verbe, la Vie et la Source c’est-à dire le Fils, l’Esprit et le Père ! Or c’est de ce Verbe créateur dont il est question dans ce petit enfant né d’une femme à Bethléem !
Au fondement : le Verbe en enfantement !
Jean, dans son prologue, ne nous donne pas vraiment la raison de l’Incarnation, il n’évoque pas un monde dévoyé, brisé à venir réparer… On a plutôt le sentiment d’une certaine continuité, dans le déploiement de la Création qui passe par l’Incarnation du Verbe. C’est effectivement un enfantement du Verbe dans le monde que nous sommes conviés à contempler : le Verbe suscite tous les éléments du monde -« tout fut par lui »-, c’est-à-dire qu’il anime de l’intérieur, de façon implicite pourrait-on dire, toute matière, du règne minéral au règne animal en passant par le règne végétal. Et c’est cette dynamique même de la vie du Verbe qui se déploie dans le monde, qui lui donne sens et qui devrait éclairer notre propre compréhension du monde : « et la vie était la lumière des hommes ». Mais les êtres humains, en général, ne reconnaissent pas cette présence, cette logique de la Création (logique, vient de logos, le Verbe) : « Il était dans le monde, lui par qui le monde s’était fait, mais le monde ne l’a pas reconnu. ». Alors, après le temps préparatoire, de sa présence implicite vient le temps de sa présence explicite : « Le Verbe est la vraie lumière qui en venant dans le monde illumine tout homme… Il est venu dans son propre bien ! » C’est donc bien d’une nouvelle étape de cet enfantement du Verbe dans le monde dont nous parlons. Non pas une Incarnation accidentelle, mais un parachèvement de la Création. Or c’est de cet enfantement du Verbe dont il est question dans ce petit enfant né d’une femme à Bethléem !
Au fondement : le Verbe prend chair !
La dernière partie du prologue utilise un terme qui redit bien ce parachèvement, un mot typique de ces hymnes christologiques des premiers chrétiens, celui de « Plénitude ». En prenant chair, le Verbe vient mener à sa plénitude, non seulement la Création, de façon théorique, mais la vie concrète de chacun d’entre nous. Le Verbe vient assumer ce qui donne chair à notre vie : un milieu de naissance, une famille, une culture, un travail mais aussi des blessures d’enfance, des incapacités à aimer, des fragilités, la corruptibilité de notre corps, et finalement notre finitude et notre mort. Et par sa grâce, c’est-à-dire par sa proposition gratuite de vie, il nous donne, à notre tour, d’assumer tout cela et de le mener à sa plénitude en lui, le Verbe de Dieu : « Tous, nous avons eu part à sa plénitude, nous avons reçu grâce après grâce. » Or c’est de ce Verbe qui assume notre chair, dont il est question dans ce petit enfant né d’une femme à Bethléem !
Saisirons-nous l’occasion de cette fête de Noël pour revenir au fondement de notre vie,
pour accueillir, en nous et autour de nous, le Verbe en désir d’enfantement ?
Belle homélie nous rappelant les fondements du sens de notre vie et me rapprochant de la vraie Beauté du monde…ici maintenant.
Paix-Joie profonde à tous en ce temps précieux de la naissance. Goûtons et contemplons en offrant la lumière reçue.
Mes salutaions fr Benoît
Il y a deux semaines, puisque je travaillais, je suis allé à la messe à St-Thomas d’Aquin le soir. C’était Monseigneur Lacroix qui célébrait et au cours de son homélie il a raconté l’histoire d’un couple qui devait se marier. Un quart d’heure avant la cérémonie, la mariée arrive en pleur et dit au prêtre que le mariage n’aura pas lieu puisque le fiancé est pris dans une tempête de neige.
Elle demande au prêtre de l’annoncer aux invités et de leur demander de bien vouloir passer directement au banquet qui aurait dû suivre la cérémonie, étant donné que tout était déjà commandé et la fête eu lieu.
L’évêque américain, qui avait raconté cette histoire à Monseigneur Lacroix, lui dit, qu’après réflexion, cela ressemblait à nos Noël d’aujourd’hui: cadeaux, fêtes, banquets, réjouissances … Mais pas d’époux, pas de sacrement, pas de PRESENCE.
Mais nous, nous sommes privilégiés. Nous avons le Frère Benoît pour nous aider à approfondir les textes de l’Évangile.
Milles mercis et joyeux Noël.
Christian
P. S. : Nous avons eu une très belle cérémonie au Montmartre, la nuit du 24, sobre et profonde
P. Benoît écrit :
« La liturgie nous propose de méditer ce merveilleux texte [de Jean], mais comment se rendre de nouveau disponible à l’écoute, à la lecture, à la méditation de ces versets qui nous semblent déjà tellement connus ? Noël peut-il opérer ce miracle en nous ? … chaque lecture, chaque méditation d’un texte vivant engendre une nouvelle relation entre lui et moi… À fortiori quand il s’agit d’un texte d’évangile. Espérons que les quelques pistes ci-dessous soutiendront ce travail en vous… »
Ce qui me frappe, en cela tout comme Christian Sacy, c’est comment Benoît par ses « pistes » a le don chaque fois non seulement de ‘soutenir’ ce travail de lecture, de méditation, de relation concrète en nous, mais aussi et surtout de ‘susciter le goût, le désir’ (et même le courage) de lire, de méditer, de pousser plus loin cette sorte de relation vivante avec le texte dont le terme, s’agissant de l’évangile, est, quant à moi, affolant ! Christian dit que nous avons eu, la nuit du 24, une « très belle cérémonie sobre et profonde » ! Je suis contente qu’il en ait parlé. C’est cette profondeur qu’on touche parfois, qu’on a le sentiment d’effleurer un bref instant certains jours, qui personnellement m’affole.
Benoît est parti pour recevoir une formation de formateur ; la belle affaire ! N’a-t-il pas déjà ce talent de transmettre la vie ? Je parle bien sûr de cette vie profondément et essentiellement humaine qui est l’objet de toute éducation. Benoît dira sans doute que je me trompe, que cette vie dont il parle dans ses commentaires, c’est celle, divine, du Christ. Mais justement, son commentaire d’aujourd’hui, et l’évangile de saint Jean, ne disent-ils pas qu’à partir de l’incarnation du Verbe divin – qui a pris chair et qui vit parmi nous – c’est tout humain, être de chair, qui a acquis la dignité « vivante » de fils de Dieu ? Et que donc, parler de l’humain en tant qu’humain, c’est ipso facto parler de cet être créé qui a part au divin ? J’aime particulièrement cette phrase du commentaire de Benoît : « On a plutôt le sentiment d’une certaine continuité, dans le déploiement de la Création qui passe par l’Incarnation du Verbe »…
Enfin, tout cela est vite dit, est comme facile à dire, mais qu’en est-il de la réalité concrète que cela laisse supposer ? C’est ça qui m’affole. Bref, tout cela, cet affolement abyssal, c’est la faute à Benoît, on est d’accord, non ? De joyeuses et tendres Fêtes à tous ceux et celles qui se donnent sur le blog de frerebenoit ! !