Science et foi…

2 janvier 2011, Fête de l’Épiphanie, Mt 2,1-12 /

Le récit de l’Épiphanie illustre à merveille l’alliance possible entre science et foi. Car, malgré la mauvaise foi de quelques faux philosophes populistes d’aujourd’hui, il n’y a pas vraiment opposition entre science et foi, mais bien plus un appel respectif à une vérité toujours plus haute, toujours plus juste. En fait, dès la naissance du christianisme, le dialogue s’est instauré entre philosophie, science et théologie et, si il y a une chose que l’on ne peut nier à l’Église, c’est sa fécondité intellectuelle au long des siècles qui produisit les plus grands penseurs occidentaux en tous domaines. Observons simplement, à partir de notre texte, le parcours qui, d’un saint Augustin à un physicien comme Louis Leprince-Ringuet, par exemple, permit à de nombreux chercheurs de vérité de concilier science et foi.

Une quête existentielle !

Le premier pas, qui finalement est celui de chaque humain, relève de la quête existentielle. Pourquoi le monde ? Quel est son sens ? Quelle est ma raison d’être ? Ces questions animaient assurément les mages, ces sages venus d’Orient. Ils ne sont ni rois, ni trois dans l’évangile, mais plutôt des quêteurs de sens, qui pratiquent une des hautes sciences de l’antiquité, à savoir, l’astrologie. Ils scrutent les étoiles, non par simple curiosité gratuite, mais pour déceler les signes des temps et y répondre par leur vie. En effet, dès qu’ils comprennent le sens de ce nouvel astre qui vient de naître, ils se mettent en route pour « rendre hommage » au roi des juifs et lui apporter des présents somptueux. Ils avaient certainement pressenti, en cette royauté nouvelle, une dimension existentielle qui dépassait, de loin, ce petit peuple juif qui n’était, à l’époque, que l’ombre de lui-même. Ces véritables chercheurs de sens interpellent les scientifiques d’aujourd’hui et le curieux qui sommeille en nous : quand nous cherchons à comprendre, à inventer, quelle en est la finalité ? L’opposition ne se situe donc pas tant entre la science et la foi, qu’entre des préoccupations matérialistes et une quête existentielle…

Une quête éclairée !

Étant maîtres dans leur art, ces sages orientaux sont donc allés directement à Jérusalem, le siège de la royauté juive, pour y rendre hommage au nouveau roi. Mais ils ne le trouvent pas… leur science a des limites… C’est un point essentiel à noter ! Oui, les éminents chercheurs de chaque époque, déployant l’intelligence humaine à son maximum, peuvent découvrir de grandes choses, et inventer bien des outils extraordinaires, mais encore leur faut-il reconnaître les limites de leur science et ne pas faire des extrapolations abusives, du type : « Nous n’avons pas rencontré Dieu sur la lune ou dans nos télescopes donc il n’existe pas… » Les mages vont avoir besoin du peuple détenteur de la Parole de Dieu pour éclairer leur quête : selon les Écriture, c’est à Bethléem que doit naître le Messie. De même, nulle intelligence humaine ne peut découvrir, à l’aide de microscopes ou de philosophie, que le vrai visage de Dieu se donne à voir, non seulement dans un enfant, mais surtout dans un homme crucifié, abandonné des siens et mort sur une croix. C’est là qu’intervient la nécessité de la Révélation. Les humains cherchent, en effet, le sens de la vie, l’ultime, le divin, Dieu parfois… Et, en réponse, Dieu vient éclairer leur quête en se révélant dans l’histoire humaine, de façon voilée, jusqu’à ce que sa Parole prenne chair. Ainsi, recherche existentielle et accueil de la révélation définitive en Jésus de Nazareth sont deux mouvements intérieurs qui collaborent en vue de la Vérité.

Une quête en dialogue !

Les subtilités ne manquent pas dans ce texte que l’on croit connaître : ce n’est qu’après avoir été éclairés par la Parole de Dieu que le signe de l’étoile devient évident. En effet, les Mages avaient vu se lever une étoile nouvelle et, par leur science, en avaient déduit qu’il s’agissait de la naissance d’un grand roi juif, d’où leur voyage vers Jérusalem, mais l’étoile ne leur indiquait pas encore le chemin… Ce n’est qu’après avoir reçu l’éclairage de la Parole de Dieu, leur précisant que l’enfant devait naître à Bethléem, que l’étoile les guida : « Voici que l’astre qu’ils avaient vu se lever, les précédait jusqu’à ce qu’il vint s’arrêter au dessus de l’endroit où était l’enfant. À la vue de l’astre ils se réjouirent d’une très grande joie.»(Mt 2,10) Deux éléments forts importants sont à retenir ici. La Parole de Dieu ne vient pas anéantir la recherche scientifique mais elle vient l’éclairer : l’astre est encore plus parlant ! De plus, elle ouvre à une cohérence de vie qui apporte une « très grande joie ». Finalement, quand science et foi entrent en dialogue et s’épaulent mutuellement, une unification de notre être est possible, car nous ne sommes pas que cœur, ou qu’intelligence mais les deux…  Alors, une joie profonde, celle du véritable chercheur de sens, celle du véritable chercheur de Dieu peut enfin nous habiter.

Ces mages, ces scientifiques, chercheurs de sens et de bonheur,

N’interpellent-ils pas « l’humain moderne » que nous sommes ?

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2 réponses à Science et foi…

  1. Avancer à notre rythme — soutenu de la « Prière d’Alliance » ! Voilà un programme pour l’année 2011 dans la poursuite de notre quête existentielle — quête éclairée par P. Benoît Bigard à qui nous souhaitons une sainte Année. TLV

  2. Monique dit :

    « Finalement, quand science et foi entrent en dialogue et s’épaulent mutuellement, une unification de notre être est possible, car nous ne sommes pas que cœur, ou qu’intelligence mais les deux… Alors, une joie profonde, celle du véritable chercheur de sens, celle du véritable chercheur de Dieu peut enfin nous habiter. »

    Que je suis contente de lire ça, cher P. Benoît ! ! Des textes comme le vôtre sont rares !
    En fait, je crois que si plusieurs personnes ne vont pas spontanément dans votre sens, c’est qu’elles confondent science et méthode scientifique. Ce que vous ne faites pas, bravo. La science est la recherche de la connaissance vraie et la méthode scientifique moderne est le postulat qu’il n’y a pas de connaissance hors des mathématiques : pour elle, les objets à connaître sont réduits à de simples quantités, poids et mesures. Même l’être humain y passe et nous en souffrons tous. Cela étant, je ne comprends pas pourquoi tant de gens se méfient de la science alors qu’ils ont une foi aussi solide qu’irréfléchie en la méthode scientifique… C’est vrai que la méthode scientifique nous épate en rendant possibles la technologie, les statistiques, les prévisions météorologiques ; mais enfin, ni la technologie, ni les statistiques ni les prévisions n’ont quelque chose à dire sur le sens de la vie, sur le bonheur, sur l’amour, sur les questions existentielles, comme vous le dites. Ni sur ce pourquoi je dois me lever chaque matin. Ces enfants des mathématiques nous donnent des faits, uniquement des faits. Ce ciel rose de l’aube est-il beau ? Pour la méthode scientifique, il n’y a pas de rose, et pas de ciel non plus ! Ce sont des faits de météo, coïncidence de degrés d’humidité, de force des vents, de thermodynamique, etc. ; des chiffres, point à la ligne… Rien pour rendre très heureux ! Pourtant, le rose de l’aube à la Maison rose du Montmartre est d’une beauté à faire fondre concrètement les résistances de mes malheureux adolescents en rupture avec la vie… Épiphanie, manifestation du Bien par le Beau, dirait, avant la lettre, le vieux Platon.

    Il est exact que nous voulons plus. Nous voulons cette unité de la raison et du cœur, comme vous le suggérez (il n’y a que le sage qui parle comme ça !). La vraie science amène chaque fois le chercheur à s’émerveiller devant l’ampleur de l’univers, devant la question de l’origine et celle de la fin : un Einstein, un Whitehead, Ilya Prigogine, Max Planck, Pascal, etc., ont chacun à leur manière témoigné de leur intelligence contemplative. Le vrai qu’ils cherchaient ne peut être différent du Vrai, autrement le Vrai serait relatif et donc serait une pure opinion qui change au gré des jours et des époques. Déjà les philosophes avant Socrate (il y a donc quelques 3000 ans !) se sont préoccupés intensément d’établir la vérité du Vrai, et Platon a montré un Socrate en train de se battre pour dénoncer ceux qui enseignaient que rien n’est vrai et qu’il ne s’agit, en fin de compte, que d’être habile à défendre son point, quel qu’il soit. Ce combat lui aura coûté la vie, on s’en souvient…

    Là, je sens que je vais être polémique (!) : Ce combat serait-il possible pour nous encore aussi naïvement aujourd’hui, ou bien nous montrons-nous orgueilleux devant cette tâche ? Il est trop facile de citer « out of the blue » un Nietzsche, un Michel Onfray ou un Richard Dawkins pour dire tranquillement que la philosophie et la science n’ont rien à dire de l’Essentiel. Ressentiment ? Corporatisme ? On a ses pauvres à soi, chantait Jacques Brel, il ne faut pas se les faire voler. Ça me fait de la peine. L’histoire du christianisme nous montre, comme vous le dites si justement, la quantité impressionnante de personnes en quête de savoirs tant philosophiques que scientifiques : les pères de l’Église entre autres, et surtout, en effet, saint Augustin, notre héros ! Nous avons un long passé de sciences et de dialogues « bienveillants » qui nous ont donc montré la voie…

    Mais en effet, la science et la philosophie sont des activités humaines, la foi et la révélation sont divines ; il y a un point dans la démarche où le scientifique et le philosophe doivent céder devant le Mystère. Et si la science, comme la philosophie, a ses racines dans la notion de goûter (sapere), alors il n’est pas étonnant que plusieurs scientifiques, plusieurs philosophes se laissent emporter par ce qui a le plus de Saveur… Il y a deux choses pour lesquelles il vaut la peine de vivre, disait le philosophe – pourtant idéaliste et/ou rationaliste – Emmanuel Kant, « le ciel étoilé au-dessus de ma tête et la loi morale en moi ». Une lueur d’âme avait brillé au fond de son cœur, dit-on… Nietzsche n’a rien compris à cela, c’est pourquoi il s’est permis de scandaliser les hommes. Quoique… – Oups, on dirait bien que j’avais quelques comptes à régler, non ? Enfin, pas tout à fait : vous savez combien je m’énerve facilement !

    Benoît, j’aime toujours, chez vous, votre réalisme et votre profondeur. Merci de comprendre ces choses, ça m’est d’un grand réconfort. Et un stimulant pour ma tâche auprès des jeunes. L’année 2011 commence bien !

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