Suite aux cours de cette semaine…
L’origine du péché, c’est la satiété !
Pour Origène, nous confiait le P. Michel Fédou, l’origine du péché c’est la satiété… Quelle piste intéressante ! Nous devisions, en effet, de la Trinité et Origène précisait que si le Père donne à tous les êtres l’existence, le Christ, puisqu’il est logos rend certains êtres raisonnables quant à l’Esprit, il sanctifie ceux qui se rendent disponibles à son action, notamment les baptisés… Ainsi l’action continuelle sur nous du Père, du Fils et du Saint Esprit nous rend, de degrés en degrés, « digne de Dieu », capable de Dieu et Origène poursuit : « Cependant c’est à grand peine, si cela est possible, que nous pouvons envisager la vie sainte et bienheureuse dans laquelle, quand nous y sommes parvenus après beaucoup de luttes, nous devons rester sans être jamais saisi par la satiété de ce bien ; mais plus nous percevons de cette béatitude, plus le désir de la posséder s’étend et s’augmente en nous, dans la mesure où plus ardemment et avec plus de capacité nous recevons et possédons le Père, le Fils et l’Esprit Saint. » (Traité des principes, I,3,8)… Désir ou satiété, il en va bien de la vie et de la mort, non ?
Des moines mobiles !
Deux cours, sur l’histoire des religieux et sur la théologie de la vie religieuse, nous invitent à repenser l’identité propre de la vie religieuse et à renouveler notre vocabulaire. La Sr. Sylvie Robert nous faisait remarquer, avec plusieurs auteurs, que nous n’avons plus de nom ! En effet, le concile Vatican II, a rejeté, à juste titre, le vocabulaire de la perfection, employé par le passé pour qualifié la vie religieuse comme l’état de la vie parfaite. Mais quel vocabulaire employer ?
– La vie religieuse ? Mais toute personne spirituelle a une vie religieuse…
– La suite du Christ par les conseils évangéliques (pauvreté, chasteté, obéissance) ? Mais tout chrétien est appelé à vivre de ces conseils évangéliques…
– La vie consacrée ? Mais tout baptisé est consacré à Dieu…
– Une vie de perfection ? Mais tout disciple est invité à « être parfait comme le Père céleste est parfait »…
– Une vie prophétique ? Elle ne semble pourtant guère être perçue comme telle !
De plus, le vocabulaire de « vie contemplative », ou « vie apostolique », ne convient plus, non plus, car une vie monastique non apostolique n’est pas chrétienne et une vie apostolique non contemplative ne l’est guère plus. Toute vie religieuse chrétienne doit être, et contemplative et apostolique !
Le P. Lécrivain, nous rappelait avec vigueur que la vie monastique est l’unique grande matrice de toute vie religieuse ! Ne retrouvons-nous pas là la grande intuition de notre fondateur, le P. d’Alzon, qui grâce à sa proximité avec la pensée d’Augustin voulait une congrégation de moines-apostoliques ? Dans l’état actuel de mes réflexions il me semble que le vocabulaire le plus approprié serait celui de moines stables ou moines mobiles, ou si vous préférez de moines hors de la cité et de moines dans la cité… Cela ferait-il sens aujourd’hui ?
La bible, un livre qui grandit avec celui qui grandit !
C’est la relecture des Confessions d’Augustin, qui a permis au P. Dominique Salin, de nous rappeler cette phrase supposément célèbre : « La bible est un livre qui grandit avec celui qui grandit ! » Vous le savez, après la lecture de l’Hortensius de Cicéron, Augustin se tournant vers la Bible trouvera ce livre « indigne d’être comparé à la majesté cicéronienne. » (Confessions, III,5)… Mais relisant bien plus tard cette expérience, il se rendit compte que ce livre ne se découvre pas aux superbes, que son entrée est basse, qu’il faut courber la tête pour y entrer mais qu’il est fait « pour grandir avec les petits… mais je dédaignais d’être petit, et plein d’enflure, je me croyais grand. » (Confessions III,5) Accompagnant des groupes bibliques durant plus de dix ans, combien de fois avons-nous fait cette expérience d’une richesse qui se dévoile petit à petit, d’une profondeur des textes qui s’approfondit au fur et à mesure de nos explorations, mais encore faut-il décider d’entrer par la porte basse…
Eh ben, vous chômez pas dans votre école !
Votre premier paragraphe est difficile ! ! C’est vrai qu’Origène est déjà de lecture ardue… et à première vue un tantinet pessimiste… Je reviens après méditation.
En fait, je ne comprends pas, Benoît, ce que veut dire Origène quand il dit que « l’origine » du péché, c’est la satiété… » Ce qui me frappe toutefois, c’est le type d’études qui se passe pour vous, Benoît : « Nous devisions de la Trinité… » ! dites-vous simplement. Un gros bravo ! Je suis très contente pour vous !
Fruit de ma méditation, je me lance : je ne comprends pas, avec les propos que vous abordez avec votre enseignant, comment vous êtes passés de l’existence de tous les êtres, en distinguant ceux qui sont raisonnables et ceux qui ne le sont pas, et de raisonnables à conscients de leur fin, comment vous êtes passés, dis-je, au Père, au Fils et à l’Esprit Saint. Autrement dit, de la métaphysique – anciennement appelée Théologie, j’en conviens –, à des notions qui appartiennent à la chrétienté. « Le bien est ce que toutes choses désirent », avait dit Aristote quelques années avant Origène, mais pour l’être raisonnable, le bien ce n’est rien de moins que le Souverain Bien. Bref, ce qu’il y a de meilleur. Il est vrai qu’Aristote nous laisse sur notre appétit s’agissant du Souverain Bien, même s’il le place comme une sorte de résultat d’une vie de contemplation. Mais, s’il ouvre la porte, il ne va pas plus loin. Puis-je supposer que ce « Logos » grec, celui de l’être qui est raisonnable, étant resté obscur en ce qui a trait au Bien tant désiré (la vérité aime à se cacher), c’est une grâce divine, un jour, qui nous a été faite : ce Logos, ce Verbe, s’est incarné ? Et à partir de là le discours chrétien… Je confonds tout ou pas ?
Suite… : si l’on accepte que le plus haut degré dans les choses est cause des degrés moindres – ainsi c’est le Beau lui-même qui est cause des choses belles, le feu (en tant que feu) qui est cause des choses chaudes, etc., alors comment la satiété peut-elle être la cause, « l’origine », du péché ? Ou bien la satiété est le péché le plus grand, ou bien tous les péchés relèvent du manque de désir, ou « sont » un manque de désir… Quelle est la solution du théologien ?
Où me suis-je aventuré !… Mais puisque j’ai lancé le sujet je ne peux me dérober…
Par où commencer ?… D’abord, nous n’avons pas vraiment abordé, en cours, la question de la satiété comme origine du péché, c’était une petite digression de la part de l’enseignant, dans un cours qui porte sur l’Esprit Saint chez les Pères de l’Église… Mais cette piste de réflexion a piqué ma curiosité…
Partons d’une grande question : qu’est-ce que le péché ? Si je m’en tiens au récit d’Adam et Eve, le péché est ce qui nous empêche d’emprunter le chemin de vie que Dieu a préparé pour nous. Ce récit de la Genèse ne nous parle pas, bien sûr, d’un péché commis à une époque donnée dont nous hériterions, mais nous dit que sur le chemin de la vie, il y a des voies qui mènent à la mort et au mal et des voies qui mènent à la vie et au bien. Pour le formuler autrement, chaque être humain doit apprendre à mener sa vie, en faisant face à des épreuves fondamentales qui sont de quatre ordres, dans le récit de la Genèse toujours :
1- la relation à Dieu
2- la relation Homme / Femme
3- la relation fraternelle
4- la relation à la Création
1- Le péché, dans la relation à Dieu, consiste à faire de lui un rival, et donc à vouloir s’auto-réaliser sans lui. C’est-à-dire en étant, pour soi même, son propre Dieu, sa propre fin… Alors que donner sa place à Dieu, c’est accepter que je sois appelé à être plus grand que ce que je crois être : « Dieu s’est fait homme pour que l’homme devienne Dieu ! »… Le mystère du christianisme c’est celui de la divinisation de l’homme, refuser cela, c’est écouter la petite voix qui me dit que ce que je suis me suffit, la voix de la satiété !
2- Le péché, dans la relation Homme / Femme, consiste à passer du côté de la domination, ou de l’indifférence alors que nous sommes créés pour se secourir, s’épauler mutuellement sur le chemin de la vie. Je ne peux pas développer ici tout le commentaire de la Genèse, mais en gros si le mal réussit à séduire Eve, c’est en partie dû à l’absence de son véritable partenaire : Adam… Là encore, croire que l’on peut se suffire à soi-même, c’est écouter la petite voix de la satiété !
3- Idem en ce qui concerne la relation fraternelle : « Suis-je le gardien de mon frère ? » demande Caïn… Notre société n’illustre-t-elle pas abondamment le fait que nous nous satisfaisons de la situation de pauvres laissés sur le bas côté de la société, de pays « qui ne pourront jamais s’en sortir », d’îlots de richesse au milieu d’un océan de misère, écoutant la petite voix de la satiété, qui tue en nous le désir d’une vraie fraternité universelle !
4- Quant à la Création, si nous espérions pour elle le Royaume de Dieu, nous ne l’exploiterions pas sans vergogne… « Gaspillons ce qui nous a été transmis… après nous le déluge… », pas d’avenir, pas de désir pour une Création réussie… C’est la petite voix de la satiété !
Je ne me retrouve donc pas dans le « ou bien, ou bien… », « Ou bien la satiété est le péché le plus grand, ou bien tous les péchés relèvent du manque de désir, ou « sont » un manque de désir… » Je dirais que le manque de désir pour soi, pour l’autre, pour le monde est un chemin de mort… La satiété ne fait donc pas nombre avec d’autres péchés « elle n’est pas le péché le plus grand », mais les engendre… L’expression que « tous les péchés relèvent du manque de désir », ne me satisfait pas tout à fait non plus, car le lien me semble trop immédiat.
L’image, certainement trop psychologisante, qui me vient, est celle de l’enfant à naître, qui, s’il ne sort pas du sein maternel, s’il se « satisfait » de sa situation emprunte un chemin de mort. Sa satiété, supposons que cela relèverait de sa volonté, engendrerait la mort…
Ai-je fais avancer la réflexion ??? Pour un dimanche soir, c’est suffisant…
Quand aux questions du passage de notions métaphysiques à des notions chrétiennes (commentaire 2)… Je ne suis pas sûr de pouvoir y répondre… Il me semble que les Pères de l’Église fonctionnent autrement, car ils partent, non pas de la métaphysique, mais d’un donné de foi et des Écritures, donc de notions chrétiennes pour arriver à des notions chrétiennes explicitées grâce aux catégories de la métaphysique… Par exemple : « Tout fut créé par Le Verbe (logos) » donnée scripturaire, donc Origène explique que le rôle spécifique du Fils, au sein de la Création, consiste à donner la raison aux êtres raisonnables…
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Bien compliqué tout cela. Pour moi le péché serait quelque chose comme ceci: refuser que Dieu et sa Parole Incarnée qu’est Jésus soient le chemin de mon bonheur et de mon épanouissement. C’est mettre Dieu de côté à certains moments, dans certaines situations. C’est aller contre ma conscience ou ce que sussure l’ Esprit en moi.