Reconnaître !

16 janvier 2011, 2ème dimanche A, Jn 1,29-34 /

Nous relisons ce dimanche le récit du baptême de Jésus, mais dans une dynamique très différente des évangiles synoptiques (Matthieu, Marc et Luc). Avec Jean, le récit, beaucoup moins factuel, renvoie à une question primordiale de son évangile : comment connaître Dieu, ou plutôt, comment le reconnaître ? Ces verbes, qui apparaissent près de soixante fois dans son évangile, établissent clairement le lien entre salut, plénitude, joie et connaissance de Jésus-Christ… En sommes-nous tout à fait convaincus ? Si oui, avons-nous le désir de faire connaître, reconnaître, le Christ à d’autres ?

Reconnaître son désir !

Le premier pas, pour se tourner vers le Christ, consiste certainement à identifier, à reconnaître son désir profond. Finalement, qu’est-ce que je cherche ? À être heureux ? C’est-à-dire ?… À avoir de l’argent ? À être reconnu ? À fonder une famille ? À donner sens à ma vie ? À être aimé ?… Derrière cette multiplicité de désirs, ne s’en cacherait-il pas un seul plus essentiel ? N’est-ce pas la quête de plénitude qui m’habite, la quête de Dieu ? Saint Augustin, comme bien d’autres disciples du Christ en fera aussi la découverte : « Mais moi, ce n’était pas de vos créatures les meilleures, c’était de vous seul […] que j’avais faim et soif et on ne me servait que de brillants fantasmes. » (Confessions III, 6)… Mais avant de pouvoir reconnaître cette vérité existentielle, Augustin confessera d’abord : « Bien tard je t’ai aimée, ô Beauté si ancienne et si nouvelle, bien tard je t’ai aimée. Et voici que tu étais au-dedans, et moi au-dehors, et c’est là que je te cherchais, et sur la grâce de ces choses que tu as faites, pauvre disgracié, je me ruais ! Tu étais avec moi et je n’étais pas avec toi ; elles me retenaient loin de toi, ces choses qui pourtant, si elles n’existaient pas en toi, n’existeraient pas. » (Confessions X, 27) Propos tout à fait en consonance avec le prologue de Jean : « Le Verbe était dans le monde, et le monde fut par lui, et le monde ne l’a pas reconnu. Il est venu dans son propre bien et les siens ne l’ont pas accueilli. » (Jn 1,10-11) Reconnaître que notre désir ultime, que notre Patrie (cf. St Augustin), que notre demeure c’est Dieu, voici déjà tout un préalable !

Reconnaître Dieu en Jésus Christ !

La deuxième étape, qui correspond plus particulièrement au texte d’aujourd’hui, consiste à reconnaître, en Jésus Christ, le chemin vers Dieu, le visage de Dieu, Dieu lui-même. Si, et j’insiste, si nos contemporains recherchent la finalité ultime de leur vie, s’ils consentent à reconnaître leur unique désir, alors, peut-être, pourrons-nous, comme Jean le Baptiste, leur indiquer « l’Agneau de Dieu », celui qu’ils recherchent sans le connaître. Souvent, me semble-t-il, nos paroles de croyants sont trop lointaines de nos interlocuteurs, trop rapides, trop extérieures et donc irrecevables… Une fois encore, j’en trouve une belle illustration dans les Confessions d’Augustin (cf. Confessions III, 12). Vous le savez, Monique, la mère d’Augustin, versera de nombreuses larmes pour la conversion de son fils ? Aussi, le jour où elle vient trouver un évêque, pour lui demander de s’entretenir avec son fils afin de réfuter ses erreurs, l’évêque lui répond que cela ne servirait à rien, « mais, dit-il, laissez-le comme il est ; priez seulement pour lui. Par ses lectures il reconnaîtra lui-même son erreur et son impiété. » Nul ne peut faire le parcours de la foi à la place d’un autre, puisqu’il en va de la reconnaissance personnelle, en Jésus Christ, de Celui que nous cherchons fondamentalement. Mais, bien sûr, pour pouvoir le reconnaître, encore faut-il qu’il nous soit d’abord annoncé et  le rôle du Baptiste est central pour orienter la quête des chercheurs de Dieu. La ligne de crête, sur laquelle se maintenir n’est donc pas simple, et combien de mères, comme Monique, en font encore aujourd’hui l’expérience : donner le goût de Jésus Christ, susciter la quête existentielle tout en laissant son enfant suivre, à son rythme, son propre chemin spirituel.

Se reconnaître en Jésus Christ !

La dernière étape pour devenir disciple, c’est de suivre le Christ ! Deux disciples de Jean Baptiste, chercheurs de Dieu et bénéficiaires du témoignage de Jean envers Jésus, vont se mettre à la suite de Jésus Christ. Est-ce uniquement parce que Jean leur a dit « voici l’agneau de Dieu » ? Apparemment pas, car de nombreux autres disciples de Jean, qui l’ont aussi entendu, ne semblent pas avoir emprunté la même trajectoire… Puisque Jean, l’évangéliste cette fois-ci, nous dit qu’il en va de la reconnaissance, on peut facilement en déduire que, non seulement les disciples de Jésus ont reconnu en lui le visage de Dieu, mais qu’ils ont aussi reconnu en lui le visage de l’homme pleinement réalisé. Puisqu’ils ont reconnu en lui leurs aspirations profondes, c’est-à-dire puisqu’ils se sont reconnus en lui, alors ils ont pu se mettre à sa suite… Là encore, ce travail intime en chacun, à la fois nous échappe et, à la fois, dépend de notre témoignage, c’est-à-dire du visage du Christ, homme et Dieu, que nous donnons à voir… Permettrons-nous à d’autres de se reconnaître en Jésus-Christ ?

Pour que d’autres puissent faire ce travail de reconnaissance,

saurons-nous, comme Jean Baptiste, indiquer l’unique Sauveur,

mais aussi, comme lui, nous tenir en retrait ?

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Une réponse à Reconnaître !

  1. Du psaume 39 (40) de ce deuxième dimanche du temps ordinaire (16-01-2011), je retiens : «Voici, je viens».
    À titre de témoin «digne de Dieu» — hors du Centre Séves — escomptant sur l’action continuelle de la Trinité, action soulignée par Origène, voici mon commentaire :
    Bénéficiaire de cette théologie, dans une dynamique beaucoup moindre, puisse mon témoignage, en des mots de profane, indiquer l’unique Sauveur !

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