Vivre toutes les béatitudes !

30 janvier 2011, 4ème dimanche A, Mt 5,1-12 /

Les béatitudes ont souvent été dénoncées comme une incitation à se contenter de situations de pauvreté, de faim, d’injustice en attendant une consolation dans l’au-delà… Il va sans dire que cette interprétation n’est pas en accord avec l’esprit de l’Évangile, et même qu’elle est, au sens premier du terme, hérétique. Etymologiquement, en effet, hérésie vient du grec hairesis qui signifie choix, option particulière, prendre une partie au lieu du tout. Pour bien comprendre ce prologue du sermon sur la montagne, sommes-nous prêts à entendre et à vivre les huit béatitudes ? Je vous propose de les regrouper sous trois interpellations : entretenir le désir ; cultiver la bienveillance ; et se bousculer pour l’action !

Entretenir le désir !

Une première série de béatitudes invite à entretenir le désir : heureux les pauvres de cœur… heureux ceux qui pleurent… heureux ceux qui ont faim et soif de justice. C’est-à-dire, heureux ceux qui ne sont pas repus, rassasiés, qui ne se contentent pas de leur petit bonheur à quatre sous, mais qui se laissent toucher par le malheur des autres et désirent la joie pour tous, la justice, un bonheur plénier. Origène, Père de l’Église du III° siècle, avait déjà compris que l’origine du péché c’est la satiété, puisqu’elle est à la fois replis sur soi, -sur son petit confort-, fermeture à un plus grand bonheur possible pour soi et pour les autres, mais encore obstruction à l’action de la grâce de Dieu en nous. Les béatitudes nous invitent donc à entretenir ardemment le désir de bonheur pour tous, mais aussi le désir de plénitude, le désir de Dieu. Dans nos sociétés modernes, à l’horizon purement terrestre du consommateur satisfait, quelle actualité !

Cultiver la bienveillance !

Une seconde série invite à la douceur, à la bienveillance, à des attitudes évangéliques : heureux les doux… heureux les miséricordieux… heureux les cœurs purs. Ici encore, dans nos sociétés cyniques, où la peur de l’autre, le dénigrement des hommes politiques  et le soupçon sont constamment entretenus, comment témoigner, au contraire, de la confiance, de la bienveillance, de la douceur, du pardon ? Spontanément je pense à la communauté de Taizé, qui définit ses rencontres internationales comme les étapes d’« un pèlerinage de confiance sur la terre », confiance en Dieu et donc confiance en l’être humain, créé à l’image de Dieu, habité en profondeur par  le désir du Beau, du Bon du Bien. On le sait, cet accueil confiant de chacun n’est pas sans risque, cette douceur à tout prix non plus, elle a conduit Jésus à être crucifié, et le frère Roger à être poignardé. Sommes-nous prêts à cultiver cette bienveillance évangélique?

Se bousculer pour l’action !

La dernière série des béatitudes nous invite à l’engagement, à nous bousculer pour l’action : heureux les artisans de paix… heureux ceux qui sont persécutés pour la justice et pour la fidélité à Jésus Christ. Nous pourrions reprendre ici également les béatitudes qui évoquent la faim et la soif de justice ou même la douceur. Loin de nous entretenir dans un fatalisme inactif, les béatitudes nous demandent une seule violence : celle qui consiste à se faire violence à soi-même pour sortir de l’inaction et de l’indifférence, quel qu’en soit le coût. Loin de moi l’idée de cultiver la culpabilité face à nos limites en ce domaine… Mais, comme en attestent tous les grands témoins de la vie chrétienne, c’est en se laissant toucher par l’une ou l’autre situation tout à fait à notre portée, à notre mesure que, petit à petit, on peut se laisser emporter vers une charité plus grande, vers une action de plus grande ampleur, avec d’autres, qui nous permettront de donner toute la mesure à nos dons et à nos charismes.

Dans un même mouvement, désir et bienveillance suscitent l’action !

Alors, pour un bonheur plus grand,

désirez-vous vivre toutes les béatitudes ?

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4 réponses à Vivre toutes les béatitudes !

  1. Daniela et Christian dit :

    Quel magnifique commentaire. Et il tombe à point. Hier pour mes soixante ans, les enfants m’ont accompagné à la Messe. (Ce n’était pas au Montmatre…étant donné que pour 10h30 m’était impossible).
    Disons que l’homélie était un peu faible, et on en a entendu parler durant tout le repas…Alors pour contrebalancer…. on s’est empressé de leur envoyer ta méditation .

    Le 27 janvier j’ai fêté mes soixante ans, Daniela et moi avons été à la Messe et j’ai rendu grâce à Dieu pour toutes les personnes qui ont contribué à me faire grandir.
    Évidemment Christian et toi vous étiez inclus.

    Christian

  2. Je note un nouveau mot «Xéniteia» que le blogue a associé au mot d’usage connu, «Satiété».
    Dimanche le 30 janvier 2011, le “Prions en Église» [Novalis) nous suggérait de «mémoriser le texte des Béatitudes pouvant par la suite nous servir pour prier en tout lieu et toute circonstancce» (p.167). N’ayant pas obtenu la note de passsage, je dois quand même poursuivre mon pèlerinage vers l’esssentiel et opter pour une Béatitude convenant à mon âge certain : «Heureux les pauvres de coeur : le Royaume des cieux est à eux ! »

  3. Monique dit :

    « Cherchez la justice, cherchez l’humilité… » (Lecture du livre de Sophonie) Au fond, cette affirmation dit : si vous voulez être juste, cultivez l’humilité. Pourquoi est-ce que je comprends cet extrait comme ça ? C’est qu’être juste, c’est accepter de « donner à chacun ce qui lui est dû », selon une formulation philosophique classique. Or au niveau spirituel, c’est-à-dire, celui du cœur humain, que veut ce « chacun » dont on parle sinon être reconnu comme ayant de la valeur, de la dignité. Chacun veut être reconnu en tant que « personne ». Cela suppose pour celui qui veut être juste, c’est-à-dire pour celui pour qui la justice a une valeur telle que rien d’autre n’aurait de prix à ses yeux, cela suppose, dis-je, une conscience morale droite. Ce qu’est une conscience morale droite, nous ne le saurions pas si Jésus ne nous l’avait enseigné. Les codes, les normes éthiques ou de « déontologie » sont des instruments que nous nous faisons pour nous donner des guides ; mais ils se démodent et laissent des sphères de la vie hors de leurs règles. Celui, en somme, qui veut être juste, est renvoyé à lui-même. Les codes ne désignent que les cas les plus fréquents, les plus « ordinaires ». Au-delà, celui qui cherche à être juste est laissé seul avec lui-même. Où trouver des guides sûrs ? Certains, veulent s’auto-réaliser c’est-à-dire veulent, en effet, poser pour eux-même leur propre fin, comme dit Benoît dans un commentaire autour du péché comme satiété. ICI S’ARRÊTE MON COMMENTAIRE BOUFFÉ PAR MON &%*/? D’ORDI… !

  4. Monique dit :

    Ce que j’ajoutais – je ne sais pas encore une fois ce qu’a mon ordinateur contre moi – c’est que plutôt que prendre avec orgueil de faux dieux comme l’argent, le pouvoir, le divertissement, les chrétiens ont à leur disposition des traces écrites de l’enseignement du Dieu vrai. Son Fils nous a donné des clés dans son sermon « sur la montagne » ; il nous a dit : soyez bons, simples de coeur, doux, patients, compatissants, humbles, etc., ce sont les conditions pour être justes. C’est la phrase de P. Benoît qui m’a permis de lire ces Béatitudes autrement que je ne l’ai fait avant, quand il dit, en somme, que ces Béatitudes ont souvent été mal interprétées. « Il n’y a que la vertu qui rend heureux » disait-on autrefois ; Jésus nous en propose huit.

    Je disais tout ceci avec beaucoup plus de nuances, on s’en doute… Et je disais aussi que mine de rien et à distance, « frère Benoît.net » est en train de faire mon éducation religieuse… !

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