À propos de la vie spirituelle…

La semaine fut bien remplie par une session au titre surprenant : « La vie spirituelle des religieux » ! En contrepoint à nos sessions habituelles, où nous ne sommes que seize, pas moins de 365 religieuses et religieux participaient à cette session du Centre Sèvres qui aborde chaque année un aspect de la vie religieuse. La richesse de ces quatre jours tenait déjà dans la variété des propos et des intervenants. Parfois sous forme de conférence plus théologique, parfois de manière plus historique ou sous l’aspect d’un témoignage plus personnel, les prises de parole se complétaient bien. D’autre part les lieux, les fonctions, les rôles à partir desquels chacun s’exprimait, nous offrirent un beau panel : théologien, théologienne, père abbé, laïque associée, évêque, supérieur provincial, frère ou sœur « de base », moine âgé, sœur très active etc.

Une synthèse étant impossible, j’aimerais vous partager, de manière tout à fait subjective, quelques traits saillants de nos échanges:

–          Plusieurs intervenants partagèrent d’abord leur malaise par rapport au titre : « La vie spirituelle des religieux ! », comme si elle était à côté de la vie, comme si, dans notre vie, il fallait se ménager quelques espaces pour notre vie spirituelle (temps de prière, temps de ressourcement…), avant de « repartir au charbon ». Cette schizophrénie est intenable dans la durée ! C’est l’ensemble de notre vie qui doit être spirituelle -animée par l’Esprit- sans quoi il n’y a pas de vie spirituelle !

–          Intégration, cohérence, unification de la vie… Voici à la fois un travail toujours à faire, et un trait caractéristique de la vie religieuse : le religieux est celui qui organise toute sa vie autour d’un unique amour, d’un « Toi seul », d’une vie sans cesse en présence de Dieu. Une communion avec Dieu qui doit s’incarner dans une communauté fraternelle locale, dans une communauté de foi universelle et dans une communion toujours plus grande avec l’ensemble de la société et l’ensemble du cosmos !

–          Le « Toi seul » original que nous disons au Christ engage notre corps dans la vie spirituelle (cf. les vœux). C’est une autre façon d’offrir son corps que dans le don des corps dans le cadre du mariage. Sans doute nous faut-il retrouver cette dimension corporelle de la vie spirituelle : un rythme de travail ; un rapport à la nourriture et à la santé ; une plus grande liberté par rapport au virtuel qui nie le corps etc…

–          Pour vivre dans la durée une vie animée par l’Esprit des points d’attention :

  • mettre la lectio divina, au cœur de nos vies, non pas trop sous forme de technique, mais de telle manière que la méditation de la Parole de Dieu irrigue naturellement notre vie…
  • vivre un projet fraternel continuellement réactualisé
  • créer les conditions d’une vie spirituelle structurée (place du silence, ascèse de vie, régularité, relecture)
  • répondre aux soucis du monde, être sensible aux signes des temps
  • vivre en osmose avec le peuple chrétien, avec la vie de l’Eglise
  • revaloriser la dimension eschatologique : la vie religieuse comme une fenêtre ouverte sur l’au-delà !

–          On ne choisit plus aujourd’hui, comme ce fut le cas parfois dans le passé, la vie consacrée pour des raisons sociales ou humanitaires, mais sur la base d’une expérience spirituelle forte ! Il nous faut réenchanter le quotidien, pour que notre vie soit un chemin viable et enviable :

  • Libérer du faire et de l’activisme et rendre disponible à la rencontre de Dieu
  • Oser partager en communauté nos expériences spirituelles
  • Redonner sa place à la beauté (notamment dans la liturgie)
  • S’entraîner au discernement face aux multiples possibles
  • Promouvoir le don de soi, pour que la vie religieuse soit à la hauteur du don initial généreux de sa vie

–          Je reprends encore cinq défis pointés :

Ad intra :

  • Fécondité (un art de vivre qui donne le goût de Dieu)
  • Radicalité (revenir aux racines de notre être)
  • Vulnérabilité (nos fragilités permettent de bouger, d’être disponible à l’Esprit)

« Bienheureux les fêlés car ils laissent filtrer la lumière… »

Ad extra :

  • Être des réserves de sens pour l’humanité
  • Offrir des écoles de spiritualité chrétienne

–          Tout un aspect de la réflexion portait également sur la façon de se réapproprier nos héritages spirituels, de les réinventer dans notre situation particulière avec ce que chacun est, dans un état de vie (religieux, laïc associé), un lieu, une culture et une époque particulière… Après une période où l’on a beaucoup parlé de charisme, la « nouvelle mode » promeut l’expression « patrimoine spirituel ». Plusieurs auteurs contemporains ont, en effet, dénoncé un certain déplacement du mot charisme (dans la vie religieuse), alors qu’il qualifiait au départ l’ensemble de la vie religieuse ayant reçu un charisme particulier pour l’Église et pour le monde, et alors que l’accent chez saint Paul était mis sur l’unité dans un même corps des divers charismes, on en est venu à utiliser ce mot comme un fanion pour se distinguer des autres congrégations religieuses, au risque de figer la vie dans des formules voulant saisir le charisme. L’expression « patrimoine spirituel », semble donc plus dynamique et invite à l’accueil sans cesse renouvelé du souffle de l’Esprit au sein d’une tradition : une « stabilité historique faite de l’instabilité de ses expressions. » Comme Grégoire de Nysse y invitait déjà ses contemporains au IV° siècle : « Celui qui monte ne s’arrête jamais d’aller de commencements en commencements par des commencements qui n’ont jamais de fin. »

Cette vie des religieuses et religieux, une vie spirituelle, peut-elle faire sens aujourd’hui ? Peut-être si l’on en croit la réception surprenante du film « Des Hommes et des Dieux ! »…

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2 réponses à À propos de la vie spirituelle…

  1. Jean-Michel dit :

    Intéressant, mais pas vraiment nouveau. C’est le balayage de l’ensemble des questions qui se posent qui est éclairant. Je ne sais pas ce qu’ont pu dire des moines et moniales. J’ai souvent entendu et lu, de leur part, que leur vie était une quête d’un Dieu qu’ils ne parviennent jamais à saisir; quand ils en découvrent une faible lueur d’autres surgissent aussi obscurs; et , ce faisant, ils découvrent peu à peu la vraie nature de l’homme; alorsd leur coeur est emplie de joie devant un Dieu aimant qui laisse à ‘homme sa liberté J’ai aussi entendu et lu que cette quête se faisait souvent dans le désert ou l’aridité. Cela ne concerne pas que les contemplatifs; les gens d’action, malgré une foule de dérivatifs possibles, n’échappent pas à cette sorte d’ascèse purificatrice. En a-t-til été question ?

  2. Daniela et Christian dit :

    Merci de prendre le temps pour nous partager, semaine aprés semaine, tes réfléxions et tes découvertes. Pour nous c’est toujours un enrichissement. Tellement vrai que je me suis permis de lire, au dernier 5à 7 du Montmatre, un extrait d’une de tes dernières méditations qui m’avait particulierement rejoint dans mon quotidien. ‘Conscient de notre inadéquation avec l’idéal de l’Évangile…Puisque les pauvres sont proclamés bienheureux’
    C’est un texte je l’ai médité durant toute la semaine en y confrontant ma vie de tous les jours.

    Merci de tout coeur

    Daniela et Christian

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