Une expérience nécessaire ?

20 mars 2011, 2ème dimanche de carême A, Mt 17,1-9 /

L’expérience de Pierre, Jacques et Jean rapportée dans ce récit de la Transfiguration sera centrale pour leurs vies d’apôtres. Bien des années plus tard, en effet, Pierre écrira : « Ce n’est pas en nous mettant à la traîne  de fables sophistiquées que nous avons fait connaître la venue puissante de notre Seigneur Jésus Christ, mais pour l’avoir vu de nos yeux dans tout son éclat […] et la voix [de Dieu], nous-mêmes nous l’avons entendue venant du ciel quand nous étions avec lui sur la montagne sainte. » (2 P 1,16…18) Et pour nous, est-il nécessaire de vivre une telle expérience de Jésus Christ ? Désirons-nous vivre une telle expérience ? Et comment l’authentifier ?

Une expérience toujours singulière !

Pierre, Jacques et Jean furent les uniques témoins de la Transfiguration. Le Christ les a choisis, eux, et emmenés « à l’écart sur une haute montagne ». Avaient-ils plus besoin d’être confirmés dans leur foi que les autres apôtres, était-ce en vue d’un dessein particulier, d’une exigence ultérieure plus grande ? Mystère… Paul aussi vivra « sa transfiguration », son expérience fondatrice, sur le chemin de Damas… Quant aux autres apôtres, rien de tel, mais les récits de rencontres fondatrices du Christ : Jésus s’invite chez Matthieu, malgré son statut de publicain, et celui-ci se découvre aimé en dépit de ses péchés. Philippe raconte à Nathanaël qu’il a trouvé celui qu’il cherchait et dont on parlait dans la Loi de Moïse, etc. Des expériences toujours singulières, qui mettront en route les disciples, mais des expériences pas forcément extraordinaires ni tout à fait décisives. Pierre, bien qu’il ait bénéficié de la vision du Christ transfiguré, le reniera trois fois… Paul, après sa chute, n’y verra plus rien jusqu’à ce qu’un chrétien plus expérimenté lui ouvre les yeux…. Les apôtres, après avoir bénéficié des multiples enseignements de Jésus, vu tous les miracles qu’il a opérés et vécu le lavement des pieds, l’abandonneront au jour de la Passion. Ces différentes évocations vous permettent-elles de revisiter votre ou vos propres expériences de Dieu ? Un moment unique dans votre vie que vous pouvez identifier ? Des rencontres qui vous auront révélé le visage de Dieu ? Des « petites » expériences  multiples tout au long de votre histoire ? De quelle contemplation singulière de la Transfiguration avez-vous bénéficié ?

Une expérience à rechercher ?

« Tu nous as faits pour Toi, Seigneur et notre cœur est sans repos tant qu’il ne demeure en Toi » (saint Augustin). Cultiver ce désir de contempler un jour le visage du Christ transfiguré relève bien de nous, mais quant à la forme, au moment et au lieu, comme pour toute rencontre, cela dépend des deux personnes qui désirent se rencontrer. L’évangile nous montre que Jésus prend ici toute l’initiative, mais Pierre, Jacques et Jean avaient auparavant mis librement leur pas dans les pas du Nazaréen et accepté les ruptures nécessaires pour marcher à sa suite. Les évangiles nous rapportent, à plusieurs reprises, que Jésus lui-même prenait les moyens nécessaires pour se mettre à l’écart et nourrir son intimité avec le Père. Or, ce temps de carême est justement un temps favorable pour se laisser mener à l’écart sur la montagne, dans le désert… Ou, si cette période ne correspond pas vraiment avec notre rythme de vie, le carême nous rappelle la nécessité de trouver notre temps et notre espace favorable pour nous laisser mener à l’écart : une retraite, une lecture spirituelle, un coin de jardin, une marche dans la nature… Oui, si nous désirons vivre une vraie expérience de rencontre de Dieu, encore faut-il en prendre les moyens. Pour que la rencontre puisse s’opérer, chacun doit faire un bout du chemin…

Une expérience authentique ?

Enfin, les repères ne manquent pas, dans les évangiles, pour authentifier une vraie expérience de rencontre du Christ. D’abord, un certain effet de surprise : ni Pierre, ni Jacques, ni Jean, ni Paul, ni Matthieu, ne s’attendaient à l’expérience qu’ils ont vécue. Ce qui incite à croire qu’elle ne fut pas le fruit de leur imagination, ou d’un échauffement mystique qu’ils auraient eux-mêmes suscité. Deuxièmement, l’expérience est toujours fugace : « Levant les yeux, ils ne virent plus que Jésus, seul » ; comme sur le chemin d’Emmaüs, où Jésus disparut dès que les deux disciples le reconnurent. Puisque nous ne sommes pas encore au ciel, les moments de communion au divin ne peuvent qu’être fugitifs, il nous faut redescendre de la montagne. Troisièmement, la Parole de Dieu vient éclairer notre expérience, d’où la présence ici de Moïse et d’Elie, la Loi et les Prophètes. Enfin, toute expérience authentique de Jésus Christ nous renvoie à la communauté fraternelle des disciples, au service, à l’annonce de l’évangile dans l’amour et l’humilité… Jésus Christ redescend de la montagne pour donner sa vie à Jérusalem… Pierre, Jacques et Jean sont renvoyés au témoignage qu’ils auront à rendre, après la Résurrection… Paul doit humblement se laisser guérir et enseigner par la communauté de Damas. L’expérience authentique de la rencontre de Jésus-Christ n’est jamais une expérience au service de mon confort spirituel personnel !

Contempler Jésus transfiguré, à ma manière…

N’est-ce pas une expérience nécessaire

pour devenir un vrai disciple ?

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3 réponses à Une expérience nécessaire ?

  1. De moindre envergure, l’expérience d’une rencontre du Christ est nécessaire et salutaire dans tout pèlerinage vers l’essentiel.
    Un espace de silence en ce temps de carême m’a ramenée à la «transfiguration» d’une de ces réalités humaines (deuil, solitude, inquiétude) et à ma rencontre avec le Transfiguré. Quoique l’on puissse en penser, il me faut affirmer humblement que cette authentique expérience a été suivie d’une paix profonde et de la certitude de la présence de Dieu …

  2. François Higgins dit :

    « Troisièmement, la Parole de Dieu vient éclairer notre expérience… »

    Pourriez-vous expliciter davantage ce troisième repère?

    • Frère Benoît dit :

      Merci de votre question, je ne suis pas sûr de bien la comprendre. S’agit-il du contexte d’une expérience spirituelle ? Si c’est le cas, le repère de la Parole de Dieu peut fonctionner ainsi :

      – se demander si cette expérience est en résonance avec un passage de l’Écriture, en particulier de l’Évangile. Puis-je mettre mon expérience en lien avec un récit de rencontre de Jésus dans l’Évangile ? Que deviennent les protagonistes de cette rencontre ?

      – deuxièmement est-ce que mon expérience est en cohérence avec la tonalité de l’Évangile en général : humilité, simplicité, ouverture à l’autre à la mission etc… (et non pas sensationnel et expérience refermée sur moi-même)

      – troisièmement puis-je trouver les mots dans la Parole de Dieu pour donner sens à mon expérience… Comme Paul, qui après son aveuglement sur la route de Damas devra se faire enseigner par les chrétiens de Damas… Ou comme Israël qui découvrira petit à petit le vrai visage de Dieu.

      – enfin, il ne s’agit pas de plaquer magiquement un passage de la Parole de Dieu, pris au hasard, sur mon expérience, mais plutôt de m’habituer à côtoyer, patiemment et de façon régulière la Parole de Dieu, pour que les attitudes et les paroles du Christ, des prophètes, des psaumes etc… m’habitent et me permettent de discerner toujours mieux ce qui est conforme ou non à la Parole de Dieu…
      Bonne route…

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