Ô toi, l’au-delà de tout !

19 juin 2011, Fête de la Trinité A, Jn 3,16-18 /

Que de controverses, dès que l’on cherche des mots pour dire notre foi en un Dieu Trinitaire ! Le commentateur pourrait choisir l’option du silence pour ne pas tomber, sans s’en rendre compte, dans une des multiples formulations déjà condamnées. Pour ma part je me sentirais assez proche de la tradition « apophatique », une théologie négative -chère à Grégoire de Nysse ou à Maître Eckhart- qui consiste en une approche de Dieu, par la négative, en formulant ce qu’il n’est pas. Cette démarche n’empêche pas d’affirmer quelques idées fortes sur Dieu, car il y a tout de même eu Révélation en Jésus-Christ, mais il s’agit d’avoir toujours à l’esprit que Dieu est au-delà de ce que l’on peut en dire.

Au-delà du Père et du Fils !

« Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique ! » (Jn 3,16) Nous connaissons tous la réaction de ce petit garçon, lors d’une séance de catéchisme : « Pourquoi le Père n’est pas venu lui-même pour faire le travail et pourquoi avoir envoyé son Fils se faire tuer à  sa place ? »… Sous entendu : « moi je n’aime guère que mon père me fasse faire des corvées à sa place ! » Cette remarque nous fait bien percevoir la difficulté à ne pas projeter trop vite, en Dieu, nos expériences et nos mots terrestres ! La relation du Père et du Fils est au-delà de ce que nous connaissons de la relation Père-Fils. Nous ne sommes plus dans la mythologie grecque, avec des relations divines à l’image de nos relations terrestres, nous croyons en un Dieu unique, et non en trois dieux ! Entre parenthèse, l’expression la plus utilisée par Jésus pour parler de lui-même est celle de « Fils de l’Homme » et non de « Fils de Dieu ». Soyons attentif au fait que Jésus s’adressait à des adultes en général, à des pères de familles, qui pouvaient donc comprendre ce que signifie l’amour d’un père pour son enfant, du point de vue du père. Il ne s’agit pas de projeter en Dieu, du point de vue de sa propre filiation, les problèmes de relation avec son propre père. Certes, les relations Père-Fils, nous disent quelque chose de la relation entre Jésus et son Père, mais il faut aller bien au-delà ! La Bible nous parle également d’un Dieu Mère, d’un Dieu époux, d’un Dieu épouse, d’un Dieu ami…

Au-delà du Père, du Fils et de l’Esprit !

« Que la grâce du Seigneur Jésus Christ, l’amour de Dieu et la communion de l’Esprit Saint soient avec vous tous. » (2 Co 13,13) ; « Baptisez les au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit » (Mt 28,19) Notons d’abord que nous disposons de plusieurs formulations trinitaires dans le nouveau testament, et que la Trinité n’est pas une invention des théologiens ! Mais là encore soyons attentifs à ne pas séparer chaque personne de la Trinité. Si nous parlons du Père, du Fils et de l’Esprit cela ne signifie pas que chacun agit indépendamment des deux autres. Nous donnons à chacun un rôle distinct, où cependant les trois sont actifs et présents. On pourrait ainsi dire que « le Père est un peu plus Créateur que les deux autres », que « le Fils est un peu plus Sauveur que les deux autres », que « le Saint Esprit est un peu plus Sanctificateur que les deux autres ». Mais tous sont créateurs, sauveurs et sanctificateurs ! Certain sont même allés jusqu’à célébrer des messes pour l’Esprit, des messes pour le Fils et bien sûr des messes pour le Père, afin de n’oublier personne… Cela n’a aucun sens, chaque eucharistie est une plongée dans le mystère trinitaire, une célébration du salut opéré par le Père, en son Fils dans l’Esprit. Oui il y a bien communion de trois personnes en Dieu, car notre Dieu est amour, relation, don total, mais plus encore cet amour trinitaire ouvre un espace de plénitude pour la création tout entière. Il faut donc envisager un au-delà du Père, du Fils et de l’Esprit !

Ô toi, l’au-delà de tout !

« Ô toi, l’au-delà de tout, n’est-ce pas là tout ce qu’on peut chanter de toi ?

Quelle hymne te dira, quel langage ? Aucun mot ne t’exprime. A quoi l’esprit s’attachera-t-il ? Tu dépasses toute intelligence. Seul, tu es indicible, car tout ce qui se dit est sorti de toi. Seul, tu es inconnaissable, car tout ce qui se pense est sorti de toi.

Tous les êtres, ceux qui parlent et ceux qui sont muets, te proclament.
Tout les êtres, ceux qui pensent et ceux qui n’ont point de pensée, te rendent hommage.
Le désir universel, l’universel gémissement tend vers toi, tout ce qui est te prie, et vers toi tout être qui pense ton univers fait monter un hymne de silence.

Tout ce qui demeure, demeure par toi ; par toi subsiste l’universel mouvement. De tous les êtres tu es la fin ; tu es tout être, et tu n’en es aucun. Tu n’es pas un seul être, tu n’es pas leur ensemble.

Tu as tout les noms et comment te nomerai-je, toi seul qu’on ne peut nommer ?
Quel esprit céleste pourra pénétrer les nuées qui couvrent le ciel même ?

Prends pitié,

Ô toi, l’au-delà de tout, n’est-ce pas tout ce qu’on peut chanter de toi ? »

Attribué à Grégoire de Nazianze (329-390), un des trois cappadociens, père de l’Eglise  avec Grégoire de Nysse et Basile de Césarée

 

Ce contenu a été publié dans Commentaires de l'évangile dominical. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

Une réponse à Ô toi, l’au-delà de tout !

  1. O toi, l’au-delà de tout ! – commentaire de TLV :
    Quel beau texte sur le Père et le Fils ! rappelant à la lectrice un ouvrage qu’il faut avoir lu : « Questions pour mon père » (2010) de Eric Fottorino à propos duquel Google-France dira : Quelle aubaine pour un écrivain (un parent chrétien) d »avoir deux figures paternelles !

Répondre à Thérèse L.-Vézina Annuler la réponse

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *