Vacances aux sources…

C’est dans un lieu cher au cœur des Assomptionnistes, Notre-Dame des Châteaux à Beaufort, que j’ai pu passer quelques jours de vacances avec des « anciens » de la communauté de Strasbourg. Même si le soleil ne fut guère au rendez-vous, la chaleur de l’amitié et la beauté des lieux et de leur histoire valaient à eux seuls cette escapade.

Retrouvez quelques photos de ces vacances en cliquant ici et l’histoire abrégée de ce lieu assomptionniste, premier alumnat d’une longue série ci-dessous :

Site et histoire de Notre-Dame des Châteaux

Extraits de la présentation faite par le P. Jean-Paul Périer-Muzet…

C’est à Notre-Dame des Châteaux, piton rocheux au-dessus de Beaufort-sur-Doron (Savoie), que le P. d’Alzon a établi le 28 août 1871 le premier alumnat de la Congrégation et a fondé l’œuvre de Notre-Dame des Vocations.

Ce lieu lui avait été signalé par l’ex-Père Charles Désaire (1845-1910), natif de Hauteluce. Les contacts pris avec l’évêché de Tarentaise ont permis de dégager un accord durable : les religieux en s’établissant à demeure y desserviraient le sanctuaire traditionnel voué à Notre-Dame et pourraient y établir un petit séminaire, laissant aux jeunes en fin d’études le choix d’opter entre une congrégation religieuse ou un diocèse. L’éducation y fut toute monacale, à la manière des anciennes écoles monastiques : vie autarcique et rude à la campagne en internat, recrutement en milieu populaire de nombre limité, formation classique avec apprentissage du latin, prière chorale utilisant le chant grégorien, travail intellectuel et travaux manuels au contact d’une petite communauté religieuse qui formait le seul encadrement, détachement par rapport au milieu familial, indépendance par rapport aux programmes scolaires étatiques, soutien financier d’un réseau de ‘donateurs-bienfaiteurs’, tels sont les ingrédients essentiels qui fixèrent pour longtemps la formule typique chère à l’Assomption désignée sous le néologisme d’alumnat, du latin alumnus : ‘nourisson’ ou aleo : ‘faire grandir, élever’. Elle allait durer presqu’un siècle et fournir nombre de prêtres séculiers et de religieux.

Ce premier établissement, situé à une altitude de presque mille mètres, fut marqué au départ par une certaine pauvreté et même une évidente rudesse dues au milieu naturel. Notre-Dame des Châteaux, site médiéval où les Seigneurs de Beaufort avaient aménagé contre les incursions sarrazines une forteresse défensive dont il restait encore quelques tours plus ou moins ruinées, avait connu des heures glorieuses et tristes. De sa longue histoire dont seul avait subsisté tant bien que mal un petit sanctuaire, retenons quelques épisodes plus récents que le P. d’Alzon ne pouvait ignorer :

« En 1536, Jacques de Savoie-Nemours avait offert aux Dominicaines expulsées de Genève par la Réforme protestante, ce manoir retiré. Elles n’y restèrent que deux ans, mais les Dominicains d’Annecy continuaient à desservir la chapelle. En 1614, ce furent ceux de Chambéry qui prirent la relève et y établirent le vicariat de Notre-Dame de Beaufort. Dans les années 1770, les frères firent construire sur ce site quinze oratoires consacrés aux mystères du Rosaire ».

Après l’expulsion des Dominicains sous la Révolution, les bâtiments sécularisés, d’abord laissés à l’abandon, purent être à nouveau réunis par un ancien moine, Dom Claude Bill, dont le premier souci était de préserver le patrimoine religieux du site. En novembre 1837 il en fit donation au séminaire de Tarentaise. C’est ainsi qu’un chanoine professeur, l’abbé Antoine Martinet (1802-1871), y élut domicile, y vécut en ermite une trentaine d’années et y composa des traités de théologie. La tradition veut même qu’il y reçut un jour Louis Veuillot, comme lui apologiste et amoureux du passé chrétien. .

Les Assomptionnistes ne voulurent en un sens que reprendre une tradition que les malheurs des temps n’avaient pu effacer. Ils firent plus cependant en construisant dès 1873 un nouveau bâtiment d’habitation […] La propriété étendue en bois et prairies permettait aussi quelques cultures et un peu d’élevage d’auto-subsistance à partir de chalets d’alpage. La fonction religieuse du site ne fut pas oubliée, un mouvement de pèlerinages au sanctuaire fut encouragé, des liens amicaux avec le clergé local noués.

[…]Notre-Dame des Châteaux prospérait et ses contingents allaient permettre la fondation d’autres alumnats, faisant de la souche une cellule-mère féconde comparée à un berceau : Arras, Nice, Nîmes. En 1880, lors de l’application des lois Ferry, l’alumnat de Notre-Dame des Châteaux ne fut ni inquiété ni perquisitionné.

Le P. d’Alzon aux Châteaux

Il y a au cours de l’année terrible 1871, marquée par la guerre franco-allemande, la défaite de la Commune et la prise de Rome par les Piémontais, une halte favorable dans la chronologie du P. d’Alzon, son fameux premier séjour fondateur au sanctuaire de Notre-Dame des Châteaux en août 1871, au cours duquel il inaugura le premier alumnat de la Congrégation. Tout séduit le P. d’Alzon à la vue de ce nid d’aigle. Depuis longtemps les religieux insistaient pour un contact vocationnel de l’Assomption auprès de classes plus populaires que celles des collèges. Des essais analogues, apparentés aux écoles monastiques du Moyen-Age, dont celui du P. Foresta jésuite, avaient déjà vu le jour. Les PP. Halluin et Pernet montraient dans leurs engagements sociaux une vie pleine de promesses : rechristianiser ab origine le peuple, en offrant à la jeunesse du milieu populaire une porte d’accès adaptée aux formes d’engagement et de dévouement dans l’Eglise. Le P. d’Alzon franchit le pas et sut partager son enthousiasme.

Ce premier séjour aux Châteaux (23-28 août 1871) fut suivi d’un second en août 1875 (2 août-3 septembre), tout aussi enthousiaste si l’on en croit ces lignes : « Quel dommage, écrit-il le 3 août 1875 à Mère Correnson, que vous ne puissiez pas jouir des belles montagnes, du bon lait, de l’eau gazeuse et de la foi des paysans et des paysannes ! Quoi qu’on en dise, les Pyrénées ne sont rien auprès des Alpes, et cela commence entre Valence et Grenoble. Je vais bien prier pour que la Sainte Vierge vous donne avec la santé la sainteté… ».

« Le lundi 28 août, à 7 heures du matin, le P. d’Alzon dit la messe devant les cinq premiers élèves, âgés de 12 à 14 ans, que des prêtres des environs avaient envoyés. Un sixième enfant, à peu près du même âge, se joignit à leur groupe, un petit inconnu qui, voyant la chapelle ouverte, entra pour prier la Madone et se retira aussitôt la messe entendue. « Image, a dit un témoin de la scène, de tous ceux qui devaient dans la suite frapper à la porte de l’oeuvre et n’y pas persévérer. » En se retournant de l’autel pour leur adresser quelques mots, le P. d’Alzon vit six enfants réunis devant lui, et son esprit prime-sautier, en même temps que nourri de la Sainte Ecriture, pensa aux six urnes des noces de Cana.
Mes chers enfants, leur dit-il en substance, vous êtes un peu comme les cruches de Cana. Vous ne contenez actuellement rien de bien précieux, mais Notre-Seigneur va vous remplir du vin exquis de la science et des vertus; le nouveau miracle se fera pour vous comme pour le maître d’hôtel dont parle l’Evangile, par l’entremise de la Sainte Vierge.

Le mot et l’image firent fortune, et les six cruches sont restées légendaires dans l’histoire de l’institution. » Extrait de Siméon Vailhé : Vie du P. Emmanuel d’Alzon – Tome II – CHAPITRE XXIV

L’Assomption aux Châteaux

De 1880 à la fin du XIXème siècle, l’alumnat poursuivit tranquillement sa route. Il n’en fut pas de même à partir de l’offensive anti-congrégationniste de 1899…Les religieux sur place, le P. Eugène Monsterlet (1866-1922), supérieur, le P. Cyprien Gouelleu (1873-1930), économe, l’abbé Silvestre, directeur, le P. Xavier Marchet (1872-1933), mandaté expressément, luttèrent pied à pied contre les tribunaux de 1900 à 1903 ; mais même sécularisés et placés sous la juridiction de Mgr Lucien Lacroix(18551922), l’évêque républicain de Tarentaise qui menait double jeu, ils ne purent sauver le nid d’aigle de la Congrégation. [Assimilé officiellement au clergé diocésain pour échapper aux lois anti-congrégationnistes, Mgr Lacroix voulu les disperser au service du diocèse… Les religieux résistèrent puisque cette appartenance diocésaine n’étaient-là que pour donner le change à l’état… Du coup l’évêque les dénonça aux autorités et ils furent contraints de quitter les lieux. ndlr]

La mort dans l’âme, ils descendirent une dernière fois de la colline enneigée, le dimanche 20 décembre 1903, après une ultime visite à la chapelle. Un graffiti rageur en souilla longtemps le mur : Tes fils te vengeront’. Le départ en voiture de Beaufort pour la gare d’Albertville fut réconforté par des marques de sympathie de la population. Notre-Dame des Châteaux allait retomber dans sa solitude pour une vingtaine d’années.

Saint-Sigismond, survie des Châteaux

L’Assomption renoua, à partir de l’alumnat de Saint-Sigismond, en 1920, avec les Châteaux, les fils d’une histoire tourmentée et héroïque, là où les souvenirs s’estompent aux portes de la légende.

Après la première guerre mondiale en effet, les Assomptionnistes comme nombre de congrégations chassées du sol français à partir de 1901, avaient en quelque sorte reconquis subrepticement un droit au sol par la dette du sang. C’est ainsi qu’une opportunité permit d’envisager une nouvelle implantation savoyarde à quelque vingt kilomètres de Beaufort, au niveau de la plaine de l’Isère, à Saint-Sigismond, près d’Albertville.

L’alumnat Notre-Dame prenait en quelque sorte le relais des Châteaux dans un site moins pittoresque sans doute, mais au climat plus attrayant. […] Mgr Biolley, évêque de Tarentaise, autorisa la transaction et la fondation d’un nouvel alumnat, sachant combien son diocèse était redevable à l’apport vocationnel des alumnats. Notre-Dame ouvrit ses portes le 4 janvier 1918. Le 31 août 1921, on retourna avec joie sur la colline des Châteaux où quelques ‘anciens’ évoquèrent à loisir leurs souvenirs, dont le P. Maubon. Peu à peu grâce à l’aide des prêtres de Faverges, le domaine des Châteaux fut racheté. Une société propriétaire se constitua selon les dispositions de la loi 1901. Le P. Marcellin, économe de Saint-Sigismond, se dévoua pour remettre les lieux en état au mieux de ses moyens et Notre-Dame des Châteaux pût ainsi reprendre aux belles journées de l’été ses activités d’antan. .

Les bâtiments de l’alumnat construits en 1873 ont été rasés pour des questions de sécurité en 2001. Ils avaient servi après la seconde guerre mondiale de lieu de promenade pour les alumnistes de Saint-Sigismond aux fêtes de Pentecôte et ils hébergèrent une vingtaine d’années une colonie de vacances de Bourges, durant l’été. Un ancien chalet-étable sur la bordure du terre-plein central a été transformé et agrandi, permettant une habitation estivale. La tour ronde a été couverte par protection d’une plateforme en béton, un escalier intérieur adossé à la muraille permet l’accès en terrasse. Quant au bâtiment du haut, en dehors du sanctuaire restauré, il comprend une surface d’hébergement pour une dizaine de personnes.

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3 réponses à Vacances aux sources…

  1. Monique dit :

    Comme ce document est précieux ! Mille mercis, P. Benoît !

  2. LIONNETON dit :

    Que de souvenirs me remontent en mémoire, j’ai connu N.D. des Chateaux en 1949 et 1950, où j’ai passé deux ans en colonie de vacances, originaire de Meaux (77). C’était merveilleux pour me yeux d’enfant !

  3. Bernard dit :

    Que de merveilleux souvenirs ! j’ai été un de ces « monos » avec mon frère ainé. Deux années de suite, cette petite colonie paroissiale de Bourges était dirigée par Sœur Marie de l’Incarnation, l’économe était Sœur « Lulu » Lucie qui descendait tous les soirs avec sa 2cv chercher le lait laissé par un fermier du coin. Une soixantaine d’enfants de 3 à 15ans arrivaient en autocar et en train. Je me souviens d’orages impressionnants la-haut ! Le budget nous permettait seulement un déplacement en autocar dans le mois. C’était l’occasion pour beaucoup d’enfants de découvrir un névé. Merci à vous de m’avoir fait couler quelques larmes de plaisir quant à ces moments tellement riches. Merci

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