Réaction évangélique !

31 juillet 2011, 18ème dimanche A, Mt 14,13-21 /

Des milliers de personnes à nourrir, une situation imprévue, des disciples désemparés… Cette page d’évangile nous renvoie, en miroir, aux défis auxquels notre époque doit faire face et à nos propres impuissances et autres découragements. La famine qui ressurgit, des pays qui s’enfoncent dans la misère, des sociétés de plus en plus inégalitaires, tant de laissés pour compte sur le chemin de nos sociétés « modernes », etc. Comment répondre évangéliquement à ces chantiers titanesques, sans crouler sous le poids de la charge ou de la culpabilité ? L’attitude des disciples et surtout de Jésus ne peut-elle pas nous inspirer ? Comme eux, ne faut-il pas demeurer sensible, s’avancer désarmé et communier dans l’action ?

Demeurer sensible !

La première tâche, et non des moindres, consiste peut-être à ne pas se voiler les yeux, à ne pas se blinder, à ne pas se laver les mains à bon compte… Les disciples, en effet, sont sensibles à la situation de ces milliers de gens qui ont faim maintenant, au soir de cette journée suspendue aux lèvres de Jésus. Eux avaient prévu de quoi se sustenter, car ils ont déjà l’habitude de voyager avec Jésus : quelques pains et quelques poissons. Mais tous ces gens inconséquents et imprévoyants, comment vont-ils faire ? Les disciples eux-mêmes se laissent tenter par une réponse facile : « Renvoie la foule, qu’ils aillent dans les villages s’acheter à manger ! » Jean dela Fontainedénoncera aussi, non sans sarcasme, ce bon sens trop facile : « vous chantiez, j’en suis fort aise, et bien dansez maintenant ! » Comme il est tentant de renvoyer la faute des miséreux sur eux-mêmes : « ils n’ont qu’à travailler au lieu de se faire la guerre, de se dorer au soleil, de vivre en assistés… » Jésus n’entre aucunement dans ce genre d’argumentation, dans ces autojustifications qui permettent de se tenir à l’écart de nos frères en difficulté ! Le problème est là, il faut y répondre ! D’ailleurs, une analyse plus resserrée des conséquences de nos modes de vie ne nous laisserait pas indemne à bon compte… Fuyons donc les réponses trop faciles et demeurons sensibles aux situations insoutenables !

S’avancer désarmé !

Les disciples de Jésus, le connaissant déjà suffisamment, croyaient-ils vraiment que Jésus allait suivre leur conseil de renvoyer ces gens ? Ils savaient bien qu’ils prenaient le risque de s’entendre dire : « Donnez-leur vous-mêmes à manger ! » Mais ils s’avancent vers lui, désarmés, avec leurs cinq pains et leurs deux poissons ! Ce qui nous retient de faire un geste, c’est peut-être, trop souvent, d’envisager le problème concret auquel nous sommes confrontés à une échelle trop globale, trop générale. En effet, si les disciples cherchent à savoir comment partager cinq pains à cinq mille personnes, ils demeureront tétanisés. Mais s’ils décident de partager ces pains au premier cercle qui les entoure, alors le miracle pourra se produire ! C’est ce que nous constatons chez de nombreux saints : une Mère Teresa ou un Vincent de Paul… Ils n’ont pas cherché à compter celles et ceux qu’ils devraient aider avant de se mettre à la tâche, mais ils ont commencé par aider quelques-uns, avec leurs faibles moyens, et le miracle s’est produit : des milliers de personnes se sont mises à leur école pour soutenir toujours plus de miséreux et d’indigents… Ne réfléchissons pas trop avant d’agir, mais avançons désarmés pour répondre, à notre mesure, aux toutes petites sollicitations, et qui sait jusqu’où cela nous conduira ?

Communier dans l’action !

Bien sûr, malgré Jésus, malgré les premiers disciples, malgré de nombreux saints, la misère du monde n’a pas disparu ! Cette multiplication des pains nous parle aussi de l’unique nourriture qui peut rassasier définitivement : une intimité, une communion, un amour avec Dieu et avec les autres, devenus possibles grâce à Jésus Christ et qui passeront la mort et nous rassembleront dans le Royaume de Dieu. C’est ce vers quoi nous avançons si chaque eucharistie à laquelle nous participons rejaillit effectivement dans une communion de plus en plus effective avec les pauvres de la terre. Cette tâche, loin d’être un fardeau individuel à porter, est aussi de l’ordre de la communion des saints : les disciples du Christ, « les saints » comme Paul nommait les premiers disciples, s’ils travaillent ensemble à l’avènement du Royaume, peuvent déplacer des montagnes ! Cette communion dans l’action, dont nous parle la multiplication des pains, est donc tout autant une communion spirituelle, une communion fraternelle et une communion agissante dès maintenant…

Alors, face aux défis du monde, ne nous voilons pas la face, ne soyons pas timorés, ne cherchons pas de bonnes ou de mauvaises raisons pour ne pas agir mais :

Demeurons sensibles,

Avançons désarmés

Et communions dans l’action !

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3 réponses à Réaction évangélique !

  1. Monique dit :

    Extrait cocasse de l’évangile de ce dimanche : « Ceux qui avaient mangé étaient environ cinq mille, sans compter les femmes et les enfants. »

    Tout enclins que nous sommes à désirer sentir en nous se développer la générosité, la gratuité, voire la magnanimité, ce détail de l’évangile de ce dimanche nous aurait-il échappé ? « Ils étaient environ cinq mille SANS COMPTER LES FEMMES ET LES ENFANTS »… ! !

    Eh bien moi, c’est la première fois que ce détail me frappe. Et pourtant, cette histoire dite de la Multiplication des pains n’est pas nouvelle pour quelqu’un, ou quelqu’une, élevé(e) dans la religion catholique. Même vous, P. Benoît, qui êtes en général attentif, ce « détail » semble vous avoir échappé. Vous écrivez, en effet : « En effet, si les disciples cherchent à savoir comment partager cinq pains à cinq mille personnes, ils demeureront tétanisés ». Attention, je ne fais pas un reproche ; je remarque seulement combien ce détail, significatif pourtant, passe inaperçu.

    Significatif, en effet, car il révèle le statut des femmes il y a encore à peine 2000 ans : elles ne méritent pas d’être comptées ! Le mot « individu » signifie un exemplaire un (1) d’une quantité donnée. Par exemple : Cette population d’oies compte environ 3000 individus. Elles, les femmes jusqu’à cette époque, ne sont alors pas considérées dans quelque « population » que ce soit ! Intéressant ! ! « Shocking » diraient (avec raison ?) les Anglais ! Dans l’évangile de dimanche dernier, c’est le regard clair de Matthieu disant naïvement : « Ceux qui avaient mangé étaient environ cinq mille sans compter les femmes et les enfants » qui est frappant.

    Toutefois, ce qui me frappe peut-être par dessus tout, si je veux être honnête, c’est combien on « embarque » dans le ressentiment qui s’exprime, aujourd’hui à tout le moins, en accusation contre le christianisme censé avoir repoussé les femmes. Un regard attentif pourtant montrerait dans tous les recoins du Nouveau Testament une attention faite à la femme. Il serait trop long, bien trop long, de rapporter les nombreux faits émaillés ici et là dans les évangiles, mais comme le disait excellemment ce bon – et unique – Jean de La Fontaine (!), « un peu de courage nous [les] fera trouver ». Cette fable dit aussi que le laboureur donne à ses enfants ce conseil : « Creusez, fouillez, bêchez, ne laissez nulle place où la main ne passe et repasse ». Faut-il faire la même chose avec les évangiles ? Peut-être. Tiens donc ! Peut-être qu’un esprit léger nous fait, nous les femmes d’aujourd’hui, bien imprudemment, « vendre l’héritage que nous ont laissé nos parents »… Cependant, si La Fontaine a raison – un poète a si souvent raison ! – un trésor serait caché là, sous nos yeux, dans des phrases combien de fois répétées ! Tout cela est, ma foi, bien embarrassant…

    J’ai un peu honte de ma cécité s’agissant de la lecture de la Multiplication des pains mais je remercie le ciel d’avoir, dimanche, été frappée par ce « détail » invisible. Mieux vaut tard que jamais, qu’y disaient…

    • Frère Benoît dit :

      En effet ce détail est déroutant pour nos mentalités contemporaines… Je m’y suis attardé à d’autres occasions et avait décidé de ne pas m’y attarder cette fois-ci… (Au point de m’être trompé effectivement dans les chiffres…) Mais n’y voyons pas trop un décompte négligeable des femmes et des enfants (ce qui est, effectivement, largement contredit par le reste de l’Évangile)… J’ai été frappé que dans certains pays (en Roumanie par exemple), on parle traditionnellement de la population d’un village en terme de familles et non d’habitants : un village de 300 familles, par exemple. Ce qui revient à dire (en gros) un village de 300 hommes sans compter les femmes et les enfants… L’évangile veut peut-être nous dire tout simplement qu’il y avait 5000 familles présentes, à la manière dont on comptait à l’époque…

  2. Pour cette nouvelle mission, mes voeux les meilleurs !
    On nous répète qu’il faut la foi pour tenter de comprendre le mystère de Dieu … J’ajouterais que l’action de son Esprit chez le futur missionnaire de Sokodé sera appuyée de mes prières.
    Thérèse L.-Vézina

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