Thabor et Golgotha !

2ème  Dimanche de carême, année B, Mc 9,2-10 /

Comment ne pas mettre en lien la scène de la Transfiguration au Thabor, proposée à notre méditation ce dimanche, avec celle de la crucifixion au Golgotha ? L’une éclaire l’autre, l’une permet l’autre ! N’en est-t-il pas ainsi dans nos vies ? Des temps de consolation, de communion avec le divin, d’évasion de notre pesanteur humaine ne sont-ils pas nécessaires pour traverser les temps de souffrance, d’épreuve et de mort ? Mais plus encore, au-delà de cette alternance entre expériences de consolation et de souffrance, n’est ce pas la conjonction de ces deux réalités qui permettra notre passage serein en Dieu ?

Alternance entre Thabor et Golgotha !

Le rapprochement, tout d’abord, est saisissant : ici le Christ est transfiguré entre Moïse et Elie, deux figures majeures du judaïsme qui attestent de son identité ; là-bas, au Golgotha, il sera crucifié entre deux brigands condamnés comme lui par le judaïsme. Ici, la voix du père se fait entendre « Celui-ci est mon fils bien aimé. Écoutez-le ! » ; là-bas il sera silencieux, comme absent : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » (Mc 15,34) Ici, Pierre veut dresser trois tentes pour prolonger ce temps d’intense intimité entre Jésus et ses amis (célestes et terrestres) ; là-bas il reniera son maître : « Je ne connais pas cet homme ! » (Mc 14,71) Ici Jésus annonce la résurrection du Fils de l’homme ; là-bas, le Fils de l’homme mourra en croix ! etc. Finalement toute la vie du Christ fut marquée par cette alternance entre la gloire et la croix : au baptême il avait entendu cette même voix du Père, mais aussitôt il fut pousser au désert pour y être tenté par Satan. Toutes les foules le louaient et couraient après lui sur les routes de Galilée, mais c’est la foule de Jérusalem qui réclamera sa crucifixion. Sa vie ne fut-elle pas bien semblable aux nôtres, ambivalente, marquée par la joie et la peine, par la consolation et par l’épreuve ?

Le Thabor prépare le Golgotha !

Faisons un pas de plus. Juste avant cette scène de la Transfiguration, Jésus disait à ses disciples : « Le Fils de l’homme doit beaucoup souffrir, être rejeté par les anciens, les grands prêtres et les scribes, être tué et, après trois jours, ressusciter. » (Mc 8,31) et puis quelques verset après cette scène : « Le Fils de l’homme est livré aux mains des hommes et ils le tueront, et quand il aura été tué, après trois jours il ressuscitera. » (Mc 9,31) et dans la version de Luc on précise la teneur de l’entretien entre Jésus, Moïse et Elie : « Ils parlaient de son départ qui allait s’accomplir à Jérusalem. » (Lc 9,31) Tous ces éléments indiquent clairement que cette Transfiguration au Golgotha préparent et Jésus, et ses disciples, aux évènements de la Passion ! De la même manière que les paroles du Père au baptême de Jésus ‒ « Tu es mon Fils bien aimé » ‒ l’armaient face aux tentations au désert et le préparaient à sa vie publique éprouvante. De même également, que tous les temps d’intime prière avec son Père le préparaient aux grandes décisions de sa vie. Sommes-nous capables, nous aussi, de reconnaître et recueillir les temps de consolation, d’intimité avec Dieu, de foi sereine qui marquent nos vies, pour mieux affronter les temps d’épreuve, de doute et de souffrance ? Sommes-nous capables de vivre intensément nos Thabors pour préparer nos Golgothas ?

Conjonction du Thabor  et du Golgotha !

Mais peut-être faut-il aller plus loin que l’alternance, ou le réconfort, pour comprendre l’articulation entre le Thabor et le Golgotha… Jésus lui-même indique cette mystérieuse conjonction entre la Gloire et la Croix : « Voici venue l’heure où doit être glorifié le Fils de l’homme. En vérité, en vérité, je vous le dis, si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il demeure seul ; mais s’il meurt, il porte beaucoup de fruit. » (Jn 12,23-24) Finalement la véritable glorification du Fils de l’homme ne sera pas la Transfiguration mais bien sa Crucifixion. C’est-là qu’il révèlera de façon définitive l’amour de Dieu pour l’humanité, c’est là qu’il glorifiera son nom : « Dieu est amour ! » C’est-là qu’il ouvrira le passage entre la vie humaine et la vie en Dieu ! Ainsi, tout don de soi, tout abaissement, tout refus de violence et de vengeance, qui nous font mourir à nous-même peuvent-ils être vécu comme des victoires sur notre égo, et des pas décisifs pour entrer plus avant dans la communion divine à laquelle nous sommes appelés… Ainsi, toute souffrance, toute mort, peut être vécue comme un lieu de Transfiguration où notre chair mortelle est broyée pour laisser place à notre corps spirituel. « Comment lorsqu’on a prêché Jésus toute sa vie, pourrait-on vouloir repousser, ou craindre, le moment de la rencontre ? » disait le P. Christian Blanc au seuil de son passage en Dieu. La façon dont ce père a vécu sa mort fut une belle illustration de cette conjonction entre la Croix et la Gloire, entre le Golgotha et le Thabor ! Parviendrons-nous à cette même acuité spirituelle ?

Du Thabor au Golgotha : une alternance, une consolation,

mais surtout une conjonction mystérieuse entre la Croix et la Gloire,

entre la Mort et la Résurrection !

Y sommes-nous prêt ?

Ce contenu a été publié dans Commentaires de l'évangile dominical. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

4 réponses à Thabor et Golgotha !

  1. Daniela et Christian dit :

    Nous avons eu la chance nous aussi d’être témoins de la ‘Transfiguration’ de Christian pendant sa maladie. Pendant toute sa vie, il a prêché l’évangile et lorsqu’il ne pouvait plus parler, ses yeux nous révelaient son ame. On pouvait percevoir déjà dans son regard, cette lumiere ‘qui ne s’éteint jamais’

    • Monique dit :

      Merci Daniela et Christian de nous rappeler le passage parmi nous du P. Christian, broyé lui aussi dans sa chair, ainsi que sa vie fixée sur la « frêle silhouette de Nazareth ». Oublierons-nous jamais son regard, son sourire, sa présence, sa détermination, ses enseignements ? Le Carême, les jours de la Passion, Pâques, le mois d’avril… des moments très forts pour nous alors qu’il y a peu notre ami s’apprêtait, si frêle lui aussi, à voir Dieu « face à face » comme il le disait…

  2. Thabor et Golgotha !
    Le blogue de frère Benoît et les commentaires pertinents me rappellent également la voix d’un autre Christian —  P. Christian de Chergé, martyr de Tibhirine : « La Lumière sublime ».
    L’écoute de son testament rédigé l’année précédant sa mort me sensibilise à sa manière de juger de la politique de son pays d’adoption, l’Algérie . . .
    En ce temps de carême, pour ma part, pourquoi pas la relecture du livre qui a inspiré le film « Des hommes et des dieux » de l’historien américain, John Kiser : « Passion pour l’Algérie. Les Moines de Tibhrine » ? TLV

  3. J’ajoute la référence à propos du Testament de Chritian de Chergé —  Alger, ler décembre 1993 et Tibhrine, 1er janvier 1994 :
    Chœur des moines de l’Abbaye d’Aiguebelle
    Tibhrine 10e anniversaire
    France — Novembre 2006 — MPO
    AM/CD —  107/30608
    TLV

Répondre à Thérèse L.-Vézina Annuler la réponse

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *