Hypo réalité !

À propos des faits dramatiques de Toulouse, les médias, une fois de plus, furent pris par la folie de l’hyper réalité consistant à vouloir nous faire vivre ces évènements en direct. Et d’un bout à l’autre du monde médiatique, une même information nous fut répétée, assénée, dramatisée… Le comble de cette histoire : des caméras ne nous montrant rien que la nuit sombre d’une rue plongée dans le noir, pour nous signifier qu’il allait se passer quelque chose… Et ma surprise fut immense de constater que même du fin fond du Togo, et plus encore du fin fond de notre noviciat, presque en brousse et sans électricité, certains des novices se sont passionnés pour cette histoire ! Eux aussi, via la radio et le journal télévisé de TV5 ou de France24, s’étaient pris au jeu de vouloir suivre les événements de l’assaut final à la minute près… Quel monde étrange que le nôtre ! Cela me donne envie de militer pour l’hypo réalité, l’en deçà des apparences. Et si l’essentiel de la vie se trouvait justement en dehors des évènements médiatiques : la présence auprès d’un ami malade, le temps pris pour jouer avec un enfant, l’après-midi passé dans son jardin à travailler la terre, etc. que sais-je ? Et si en ce temps de carême, nous jeûnions d’hyper -réalité au profit de l’hypo réalité ?

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Une réponse à Hypo réalité !

  1. Monique dit :

    Combien vous avez raison, P. Benoît, de vous élever ainsi contre la puissance des médias ! Si on pouvait entendre le bruit que fait la terre en tournant, ce serait, paraît-il assourdissant ! Mais, allez donc savoir pourquoi, on ne l’entend pas. Ce que l’on entend, toutefois, c’est le « bruit médiatique ». Un « bruit de fond » qui tapisse notre vie d’humains et, je suis aussi surprise que vous, jusques-en-Afrique, jusques-en-les noviciats ! D’un bruit ordinaire, on peut se prémunir – en fermant les fenêtres, par exemple, ou en s’en allant vivre ailleurs. Mais d’un bruit de fond, on ne peut pas se prémunir, et ce que vous dites montre bien qu’un tel type de bruit atteint non seulement toutes les régions mais tous les cœurs, même les plus purs ! Le drame, c’est que l’ère des médias amène un changement « organique » chez les hommes dont les valeurs sont, désormais et à leur insu, dépréciées (au sens où elles ont perdu leur prix), renversées, falsifiées. Changement « organique » parce qu’il est un revirement non-conscient et qui, comme tout ce qui est inconscient, agit profondément pour colorer à la base nos jugements, nos choix, nos impressions, même nos souvenirs. Quand je dis cela, j’inclus tout, « tous » nos jugements qui de raisonnables qu’ils étaient (guidés par la raison droite, comme on disait avant), sont devenus mus par des intérêts privés (plaisirs, curiosité, rapacité, calcul, cynisme même) et non par l’objectivité, la charité et la justice. On ne se rend pas compte alors que ce sont nos sens qui nous servent de critères (la vue, par exemple, à l’instar de la moindre chèvre, du moindre écureuil, de la moindre mouche) et non notre intelligence ou notre cœur. Vous parlez d’hyper réalité ; c’est une belle formule pour l’illusion. On est victime, pour paraphraser Whitehead, du sophisme de la réalité mal placée. La vraie réalité est cachée, elle « aime à se cacher », disaient les anciens. Vous proposez des exercices d’hypo-réalité : c’est magnifique ! En fait, à cause de ce changement organique qui s’est opéré en nous depuis l’avènement des médias, ne sommes-nous pas devenus fous ? On ne sait plus où se trouve la réalité et on ne se doute plus qu’elle est là, comme vous le faites bien voir, dans le malade qui nous sollicite, le faible qui est seul, la terre qui ne demande qu’à nous révéler à nous-mêmes. La folie est justement la perte de la réalité, dit-on, au profit du seul émoi intime et personnel. Il faut rendre grâces qu’il y ait des hommes comme vous, Benoît, qui nous rappellent à l’ordre !

    On demandait à un patient d’un asile d’aliénés qui était en train de pêcher dans une baignoire : – « Est-ce que ça mord ? » Le fou répond : « Mais non, voyons, je pêche dans une baignoire ! » Cela dit, il continue de pêcher… « Quel monde étrange que le nôtre ! », en effet.

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