Comme vous le savez déjà, notre mois d’avril, au noviciat de Sokodé, fut marqué par le stage des novices et donc par une période de congé, d’une certaine manière, pour les frères de la communauté. En voici quelques échos.
Échos du stage à l’association « Vivre dans l’espérance »
Par Bernard Bamogo, novice
Voila que notre séjour à Dapaong tire à sa fin. Ces derniers jours, nous avons approché quelques personnes de l’Association dont voici les témoignages.
Monsieur Marcel MINDOUNA, directeur-adjoint de l’association « Vivre dans l’espérance » répond aux questions de Bernard BAMOGO
Bernard : Marcel, pouvez vous brièvement vous présenter et parler ainsi de votre association, « Vivre dans l’espérance » ?
Marcel MINDOUNA : L’association « vivre dans l’espérance », créée le 10 mars 1999, est une association de prise en charge des personnes vivant avec le VIH (PVVIH), et des orphelins et enfants rendus vulnérables par le VIH (OEV). L’Association a quatre structures dont l’unité de soins appelée Centre Maguy, le bloc administratif appelé Ensemble Pour la Vie, l’orphelinat des garçons appelé Maison Saint Augustin et l’orphelinat des filles appelé Maison Sainte Monique. Elle a un conseil d’administration composé de neuf membres, et un bureau exécutif dirigé par la Sœur Marie Stella KOUAK.
Quant à moi, j’interviens à l’association en tant que directeur adjoint, chargé du personnel et de l’accompagnement des OEV et PVVIH.
Bernard : Quelle appréciation faites-vous de la collaboration des assomptionnistes avec vous ?
Marcel :La collaboration entre les Augustines Hospitalières et les Assomptionnistes, a permis d’intégrer les jeunes assomptionnistes dans l’accompagnement dans la vie des PVVIH. Cette collaboration permet aujourd’hui aux jeunes en formation de voir la réalité de ce que sera leur apostolat, leur vocation, de saisir le sens de la misère, de la pauvreté du Christ à travers l’autre, les faibles, les petits… Les jeunes, en accompagnant les mourants, en touchant du doigt la réalité de la pauvreté, s’affirment dans leur vocation. Cette collaboration et l’implication des jeunes est TRES BIEN ! Nous sommes fiers de partager cette vie avec vous !
Bernard : Pouvez-vous nous parler de quelques statistiques ?
Marcel : L’Association Vivre dans l’Esperance prend en charge en ce jour 1403 adultes contaminés et 132 enfants contaminés. Pour l’année 2011, 4870 adultes ont été reçus en consultation contre 5260 en 2010 et 1150 enfants contre 1448 en 2010
Bernard : Quelles sont vos sources de revenu ?
Marcel : L’association fonctionne sur la base des dons, des projets et plaidoyers que nous portons auprès de certains partenaires ; le fonds mondial, l’Unicef, l’ambassade de France, l’Association de l’Arche (Abbé VEILLEROT), La Paroisse de Merztville (France), L’Association « L’ACACIA et le NERE » (se faire du bien tout en faisant du bien), L’Association Maminou …. Nous recevons ainsi de multiples dons, en nature, en espèce… qui nous permettent d’acheter les médicaments, des vivres, du matériel…
Bernard :Quels sont vos principaux objectifs pour les années à venir ?
Marcel : Pour les années à venir, l’objectif majeur, c’est le bien-être des PVVIH, et des orphelins.
Bernard : Quelles difficultés rencontrez-vous sur le terrain ?
Marcel :Nous sommes confrontés à quatre types de difficultés
– l’intégration de la PVVIH dans son milieu de vie
– la formation des orphelins, leur insertion professionnelle
– le financement
– la diminution du nombre de partenaires
Bernard : Quel souci portez-vous pour la jeunesse d’aujourd’hui ?
Marcel :Je demande toujours aux jeunes d’être prudents dans tous leurs engagements ; engagement affectif, professionnel, vocationnel ! Il faudrait qu’ils comprennent d’où ils viennent, et où ils vont : prudence !
Monsieur Yaya KPAPILE, assistant médical au compte de l’Association « Vivre dans l’espérance » répond aux questions de Bernard BAMOGO.
Bernard : M. Yaya KPAPILE, qui êtes-vous et que faites-vous au sein de l’association « Vivre dans l’espérance » ?
Yaya KPAPILE : Je suis assistant médical de formation et je m’occupe de la prise en charge des PVVIH et je leur prescris les Anti Rétro Viraux (ARV)
Bernard : Dans l’accompagnement des PVVIH, quelles mesures prenez-vous pour un patient qui vient d’apprendre son statut sérologique et qui se sait contaminé par le VIH ?
Yaya KPAPILE : Avant même le test, nous préparons psychologiquement les gens au cours d’un counseling pré-test, à accepter leur statut sérologique quel qu’en sera le résultat. Et avant de révéler son statut à un patient, surtout quand celui-ci se révèle positif, il faut lui faire comprendre tous les paramètres de la séropositivité, et cela se fait au cours d’un counseling post-test. Certains n’acceptent pas facilement leur séropositivité ; ce sont souvent des patients très fragiles ou des gens qui ne se reprochent, à juste titre, aucun comportement douteux. Il faut leur faire comprendre alors que ce n’est pas la fin du monde, ce n’est pas une fatalité. Il faut leur expliquer qu’il y a un traitement, non curatif bien sûr, mais qui améliorera leur condition de vie, leur état de santé, pour leur permettre de vivre longtemps. Nous mettons surtout en eux l’espoir de vivre malgré leur séropositivité. Il y a des exemples concrets, des gens qui témoignent d’un bon état de santé physique, qui vivent longtemps malgré leur séropositivité qu’ils ont pu accepter.
Bernard : Qu’est-ce qu’un couple discordant et que faites-vous pour ce genre de couple ?
Yaya KPAPILE : Un couple discordant est un couple dont l’un des deux partenaires est séropositif et l’autre non : l’homme peut être séropositif et la femme séronégative ou vice versa. Dans de pareils cas, nous rencontrons le couple pour les accompagner dans leur situation, mais avant, l’un et l’autre doivent se révéler à tout prix leur statut. Nous les accompagnons alors pour qu’ils puissent faire des options. Et la première des mesures à prendre, c’est l’utilisation du préservatif. Mais lorsque le couple veut avoir des enfants, la situation devient encore plus compliquée. Le risque de contamination peut considérablement baisser si le partenaire contaminé suit bien son traitement ; la charge virale peut baisser et devenir même indétectable et là ils peuvent tenter d’avoir un enfant sans se contaminer ; mais le risque zéro n’existe pas encore. Dans les pays développés, il y a le lavage de sperme ou la fécondation in vitro mais dans nos réalités on n’y est pas encore. Les exemples ne manquent pas ; de nombreux couples vivent cette situation et il arrive quelquefois que par amour de l’autre, l’un prenne le risque de se laisser contaminer.
Bernard : Parlant de pauvreté, quel lien pouvez-vous faire avec le VIH ?
Yaya KPAPILE : On peut dire que ces deux réalités vont de pair. La plupart de nos patients ici, sont très pauvres. Il faut d’abord reconnaitre que le sida est une maladie qui appauvrit lorsque l’on ne se rend pas compte à temps de sa séropositivité. Il arrive qu’on dépense tout son avoir pour se soigner en vain ; on dépense ainsi son argent sans succès, et pendant qu’on est malade on ne peut surtout pas travailler ; ce qui est pénible ; et s’il se trouve qu’on est déjà pauvre : c’est le comble, surtout dans la savane ici. Ce que nous vivons au quotidien ici dans l’association nous donne à voir de nombreux cas pareils.
Un autre phénomène est la prostitution liée à la pauvreté ; une femme qui, pour fuir la pauvreté se prostitue et tombe dans le piège du VIH perdra alors le peu de biens qu’elle a amassés pour se soigner, et dans le cas contraire, elle multiplie encore les victimes quand elle ne se protège pas et, là encore, il faut dire que c’est le comble.
Bernard : En tant qu’assistant médical, quel conseil avez-vous pour la jeune génération ?
Yaya KPAPILE : J’invite la jeunesse actuelle au changement de comportement ; à la prise de conscience des voies de prévention. Jusqu’ici il n’y pas de traitement curatif ; alors pourquoi prendre des risques ? J’encourage chaque jeune à l’abstinence sexuelle. Beaucoup de gens parlent du préservatif, lorsqu’ils se disent qu’ils ne peuvent pas s’abstenir ; moi je dirai plutôt qu’ils ne veulent pas s’abstenir. L’abstinence pour la jeunesse, c’est une voie de réussite, tant en classe, dans les études que dans la vie ; et dans tous les couples, contaminés ou pas, la fidélité est incontournable pour la réussite et la sauvegarde de la vie familiale.
Nous sommes ainsi à la fin de notre séjour chez les Sœurs Hospitalières de Dapaong aux côtés desquelles nous avons passé d’agréables moments ; nous avons eu l’occasion d’expérimenter la vie communautaire autrement, et nous repartons riches de ce que nous avons pu apprendre avec les membres de l’Association. Nous remercions la communauté des religieuses qui nous ont accueillis comme des amis, et nous ont donné davantage le goût de la vie religieuse. Nous n’oublions pas non plus le personnel de l’Association ; un groupe organisé dont tous les membres se sont dévoués pour tout partager avec nous ! Pour nous apprendre la douceur de la compassion, de l’amour gratuit, de l’amour du prochain ! Merci à nos formateurs et surtout au Seigneur qui nous donne de faire toutes choses en son Nom !
Séjour au monastère d’Agban
Pour ma part j’ai pris une dizaine de jours dans un monastère de bénédictins apostoliques, non loin d’ici, à Agban (près de Kara), pour un temps de retrait et de travail. Ce genre de vie n’est pas très répandu dans le monde francophone, mais un peu plus du côté germanophone ou anglophone. Ce sont des bénédictins avec des œuvres apostoliques (écoles, paroisses…) Le monastère d’Agban est, en fait, une fondation locale rattachée par la suite à la congrégation bénédictine de St Odile… Bien sûr, toute vie religieuse est marquée par les deux dimensions : apostolique et contemplative, mais avec des accents différents… Pour vous faire une idée de ce monastère voir leur site : www.agbang.org