9 mois, 9 années ou 90 ans ?

Nativité de Jean-Baptiste, année B, Lc 1, 57-66.80 /

En cette fête de la naissance de Jean-Baptiste, c’est surtout la figure de Zacharie qui retient notre attention. Le parallélisme entre l’annonciation à Zacharie et l’annonciation à Marie est évident mais le doute de Zacharie fait toute la différence : « Comment vais-je savoir que cela arrivera ? » (Lc 1, 18) Alors, face au manque d’accueil spontané des paroles de l’ange, Zacharie se retrouve muet, mais pourtant, et c’est là toute la question, les paroles de l’ange s’accomplissent et Élisabeth devint enceinte. Qu’en est-il de la liberté de Zacharie face à l’initiative de Dieu ? Dieu a-t-il agi contre la volonté de Zacharie ? Avait-il besoin de son acquiescement pour que l’histoire du salut puisse se déployer ? Finalement, Zacharie ne nous ressemble-t-il pas, bien plus que Marie ? Il a, somme toute, un rôle plutôt subalterne dans l’histoire du salut –comme nous– ; il est marqué par le doute –nous aussi– ; mais il sera capable, après la traversée de son épreuve, de trouver toute sa place dans l’histoire du salut !… Une liberté sollicitée… Une liberté qui prend du temps… Une liberté qui porte un fruit insoupçonné…

Une liberté sollicitée…

Zacharie, nous dit le début du récit, était un homme juste, il portait un réel désir, une prière ardente devant le Seigneur –« Ta prière a été exaucée » –, mais quelle en était la teneur ? Contrairement aux apparences, ce n’est pas un fils qu’il demandait, puisqu’il sera incrédule face à l’annonce de cette naissance, mais en tant que prêtre, choisi au nom du peuple pour offrir l’encens dans le sanctuaire, sa prière devait plutôt porter sur le salut messianique attendu par Israël. (cf. note de la TOB au verset Lc 1,13) Et l’ange répond donc à cette attente : le temps messianique est arrivé ! Mais alors que Zacharie semblait libre et confiant dans son attente du salut, le fait de s’impliquer personnellement, en acceptant que le projet de Dieu se réalise par lui, ou plutôt par sa famille, sera « une autre paire de manches »… Nous sommes loin ici de la réponse de Marie : « Qu’il me soit fait selon ta parole ! » Mais est-ce que Dieu passera outre la réponse de Zacharie pour accomplir son œuvre en lui ? Je ne le crois pas, nous le verrons dans la suite du texte ! Zacharie, finalement, ne voulait pas aller contre la volonté de Dieu, mais il eut besoin de temps pour ajuster son désir profond aux moyens choisis par Dieu ! Notre liberté se situe toujours là, me semble-t-il, entre notre désir profond et le fait de consentir aux moyens nécessaires pour le mettre en œuvre : On veut bien des vocations, mais est-ce qu’on accepte que nos propres enfants répondent à l’appel de Dieu ? On désire plus de justice, mais est-ce qu’on accepte d’acheter plus cher nos biens de consommation, pour respecter une chaîne commerciale plus juste, etc. ? Oui notre liberté est sollicitée au-delà de ce que nous voudrions donner de nous-même !

Une liberté qui prend du temps !

À quel moment interviendra la réponse libre de Zacharie aux paroles de l’ange ? Certainement dans l’espace de ces 9 mois qui séparent sa rencontre avec l’ange de ces quelques mots sur une tablette : « Son nom est Jean ! » Cette fois Zacharie signifie son obéissance aux paroles de l’ange : « Tu lui donneras le nom de Jean. » Ces neuf mois de mutisme, je ne les perçois pas comme une punition, mais comme le temps nécessaire donné à Zacharie pour accueillir l’initiative de Dieu dans sa vie et pour ajuster sa liberté au projet de Dieu. Un temps de rumination, d’intériorité, de purification. Le signe qui lui est donné ne correspond vraiment pas à ses attentes. Il en va, en fait, pour Zacharie comme pour la réponse de Jésus à ceux qui lui demandent un signe alors qu’il vient de multiplier les pains, et que le fils de Dieu se tient devant eux : « Il ne vous sera pas donné d’autre signe que Jonas » qui fut un signe de conversion pour Ninive (cf. Lc 11,29-32)… En guise de signe, Zacharie, par ce temps de mutisme, est invité à se convertir et à grandir dans sa foi ! Cela lui prendra 9 mois, le temps d’un enfantement, le temps de renaître dans la foi ! Répondre librement à l’appel de Dieu dans notre vie cela prend du temps ! Le temps de se désencombrer de nos désirs superficiels, de nos entraves psychologiques, de notre désir de maîtriser notre vie.

Une liberté qui porte un fruit insoupçonné !

Enfin, n’est-il pas époustouflant de constater que le mutisme de Zacharie a permis, finalement, l’émergence d’une parole si juste et si profonde qu’elle nourrit la prière de milliers de croyants chaque jour depuis deux millénaires ! En effet, le cantique de Zacharie, qui manque dans le découpage liturgique de ce dimanche mais qui se situe bien dans ce passage et qui sont les premières paroles de Zacharie sortant du mutisme, c’est le fameux Benedictus que toutes celles et ceux qui prient les laudes chantent chaque matin ! Pour un muet… quelle Parole ! Les neuf mois de silence et de maturation de ce poème, n’en valaient-ils pas la peine ? Voilà le genre de miracle que produit le Seigneur lorsque nous acceptons librement d’accueillir sa Parole concrètement dans notre vie !… Un fruit insoupçonné !

Pour Zacharie cela prit 9 mois…

Mais combien cela nous prendra-t-il de temps ?

9 mois, 9 années ou 90 ans ?

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5 réponses à 9 mois, 9 années ou 90 ans ?

  1. Monique dit :

    Vous écrivez (il est nécessaire que je vous cite un peu longuement) :
    « Zacharie, finalement, ne voulait pas aller contre la volonté de Dieu, mais il eut besoin de temps pour ajuster son désir profond aux moyens choisis par Dieu ! Notre liberté se situe toujours là, me semble-t-il, entre notre désir profond et le fait de consentir aux moyens nécessaires pour le mettre en œuvre : On veut bien des vocations, mais est-ce qu’on accepte que nos propres enfants [ou nos amis… !] répondent à l’appel de Dieu ? On désire plus de justice, mais est-ce qu’on accepte d’acheter plus cher nos biens de consommation, pour respecter une chaîne commerciale plus juste, etc. ? Oui notre liberté est sollicitée au-delà de ce que nous voudrions donner de nous-même ! »

    Vous êtes REDOUTABLE, P. Benoît Bigard ! Avec ce passage de votre lettre d’aujourd’hui, vous ne nous laissez pas un poil de sec ! ! Même pour un non-chrétien, toute l’éthique ici est ramassée, toute oeuvre d’éducation est résumée, tout projet de vie, tracé ! Bref, TOUT ! TOUT ! Qui veut, en effet, se reconnaître comme celui, ou celle, que sa peur, sa paresse, son orgueil, sa colère, sa concupiscence, sa rapacité, etc., … empêchent de réaliser son « désir profond » ? Qui veut préconiser l’ignorance et la couardise pour ses enfants, les gardant par là « esclaves » de leur peur, paresse, orgueil, colère et autres vanités ? Qui veut se retrouver sur son lit de mort avec en face de soi toutes les occasions où la peur, la paresse, l’orgueil, la colère…, etc., etc. ont été plus « séduisants » que le consentement « aux moyens nécessaires » pour mettre en œuvre ce qui était inscrit, au fond, dans son désir profond ? ? Qui veut se rendre compte, alors qu’il est trop tard, qu’il pas eu le courage de se dépasser afin d’assumer cette liberté que vous définissez avec une justesse désarmante ici ? Ouf !

    En bonne rigueur, d’ailleurs, si le mot « nécessaire » a comme son contraire le mot « contingent », alors vous avez raison de suggérer que, s’agissant de notre désir le plus profond, « les moyens choisis par Dieu » ont le caractère de la nécessité et qu’il ne nous appartient pas d’en prendre et d’en laisser. Ni d’en choisir de plus « adaptés » selon l’occasion, l’herbe tendre… (La Fontaine dit, on s’en souviendra : « …et quelque diable aussi me poussant »). Tout l’enseignement du Christ, alors, est à prendre, ma foi, au pied de la lettre ! Dur-dur d’être fils et fille de Dieu… ! Re-ouf ! !

  2. Hélène Desautels dit :

    Dans cet Évangile que j’ai médité, j’ai compris que le doute me rend muette pour annoncer la Parole et loanger Dieu. Je pratique la confiance.
    Je suis de Québec…

  3. Daniela et Christian dit :

    Dans l’évangile, il y a deux sortes de personne. Celles qui comprennent tout de suite, et qui répondent ‘ oui’ spontanément. St Jean ‘Il vit et il crut’-Zaché- Marie-Madeleine-Le bon laron… Et les autres, (Thomas-Nicodème-St Pierre…) dont je fais parti. Il me faut du temps ….mais heureusement l’évangile nous dit quelque part qu’il vaut mieux dire ‘non’ et le faire, plutôt que dire ‘oui’,et ne pas le faire.
    C’est encourageant…pour moi.
    A bien y penser, le temps n’est pas un élément important. La vie en Dieu, c’est comme un train. Tout le monde arrive à la gare…Qu’il soit au début ou à la fin…
    Mais la question qui demeure ‘Pourquoi ai-je besoin de ce ‘Plus’ de temps?
    Suis-je vraiment configuré en permanence au Christ?

  4. Pour s’en tenir à la question posée, voici ma réponse : Toute une vie ! TLV

  5. Philippe PODGORSKI dit :

    Il a de quoi être muet de surprise le pauvre Zacharie!
    Dieu lui tombe dessus en lui disant c’est toi mon projet!

    Et dans la Bible il n’est pas le seul à commencer par dire : « Seigneur, tu es vraiment sur que ton choix se porte sur moi? »

    Mais qu’est ce que la durée du silence pour Dieu, une seconde, neuf mois ou une vie?
    Il n’y a que l’homme qui compte le temps!

    Je ne sais ce que j’aurais dit ou fait si j’avais été à la place de Zacharie….Je serais peut-être encore muet!!!

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