Bonne nouvelle… de la fin du Monde !

33ème dimanche, année B, Mc 13, 24-32 /

L’évangile de ce dimanche évoque la fin du Monde en termes apocalyptiques : le soleil s’obscurcira, la lune perdra son éclat, les étoiles tomberont du ciel… Mais loin d’utiliser ces images pour faire peur, Marc annonce, à travers elles, l’éclosion d’un Nouveau Monde, un printemps plein de promesses : « Dès que les branches du figuier deviennent tendres et que sortent les feuilles, vous savez que l’été est proche… »  (Mc 13,28) Comment, alors, accueillir ce texte, cette contradiction de la fin du Monde comme une Bonne Nouvelle ? En calculant la date de la fin du Monde, comme le font certaines sectes, sans grand succès, ou en nous attachant surtout à faire advenir le Nouveau Monde ?

Ne pas nous soucier à mauvais escient…

À plusieurs reprises dans les évangiles, dès que les disciples manifestent leurs inquiétudes à Jésus à propos de l’au-delà : « quand cela arrivera-t-il ? comment cela se passera-t-il ? combien y aura-t-il de sauvés ? », celui-ci leur répond de la même manière : « ne vous souciez pas de ces questions » mais « veillez car nul ne sait l’heure… » ou encore : « cherchez à entrer par la porte étroite »… Il renvoie donc toujours ses disciples à leurs responsabilités et à leur engagement, ici-bas, sur le chemin de la Vie. L’évangile de ce jour va dans le même sens : « Quant au jour et à l’heure, nul ne les connaît. », mais « cette génération ne passera pas avant que tout cela n’arrive. » Ne pouvons-nous pas entendre ici que, pour chaque génération, pour chacun d’entre nous, la fin du Monde advient lors notre passage en Dieu ? D’une certaine manière, il n’y a donc pas tant à se soucier de la fin universelle du Monde que de la fin de notre Monde…

La fin d’un Monde !

Lorsque notre fin approchera, lorsque nos yeux se fermeront, alors effectivement le soleil s’obscurcira, la lune perdra son éclat et les étoiles tomberont du ciel : nous ne pourrons plus profiter des astres d’ici-bas ! Lorsque la maladie ou la vieillesse commencera à marquer de plus en plus son emprise sur nous, notre Monde disparaîtra d’une certaine manière. L’évangile nous rappelle donc, une fois de plus, la finitude de notre vie terrestre et la finitude de notre Monde… Quand on y pense, est-ce une si mauvaise nouvelle que cela ? Ce Monde ambivalent, dans lequel nous vivons, est marqué par de bons moments et de bonnes choses mais qui sont tellement éphémères… Et n’est-il pas également le lieu de la souffrance, de la guerre, de la maladie, de la misère, de l’injustice ? Eh bien, ce Monde, en ce qu’il a d’éphémère, finira ! Heureusement ! Non ?  La Bonne Nouvelle nous révèle (c’est le sens du mot apocalypse) que ce « Monde ancien », ambivalent, a une fin, et qu’un Nouveau Monde, de joie et de plénitude est en train de naître.

Vers le Nouveau Monde…

Puisque nous savons que ce Monde est passager, et puisque nous n’avons pas à nous soucier à mauvais escient du quand et du comment… Orientons nos énergies vers l’enfantement du Nouveau Monde. Notre règle de vie assomptionniste inscrit cela au cœur de notre raison d’être : « Fidèles à notre fondateur, le P. d’Alzon, nous nous proposons avant tout de travailler, par amour du Christ, à l’avènement du Règne de Dieu en nous et autour de nous. » (R.V. n°1) Oui notre Monde passe, mais le Règne de Dieu est déjà parmi nous ! Soyons donc des veilleurs actifs de ce Règne qui se déploie. Exerçons notre regard pour en admirer les bourgeons, relevons nos manches pour lutter contre toute souffrance et toute injustice, avançons dans l’assurance de cette révélation, de cette apocalypse : le Monde ancien s’en est allé, un Nouveau Monde est déjà né !

Ne nous soucions donc pas, à mauvais escient, du quand et du comment,

Acceptons la finitude de notre Monde ambivalent,

Et orientons nos énergies vers l’enfantement du Monde nouveau,

Alors l’annonce de la fin du Monde deviendra peut-être une Bonne Nouvelle pour nous ! ?

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3 réponses à Bonne nouvelle… de la fin du Monde !

  1. Le reportage de Sophie Langlois sur la chanteuse béninoise Angélique Kidjo m’a permis d’en connaître davantage sur la situation en Afrique. Et la relecture de l’article « Le Bénin, une stabilité exceptionnelle » (Relations, avril-mai 2012 – Amzat Boukari-Yabara) me rapproche du Togo en pensant que le blogue de frère Benoît peut être vu comme la Bonne Nouvelle . . . nous orientant vers ce « Nouveau Monde » . . . Merci ! TLV

  2. Monique dit :

    Les Écritures ne peuvent pas être écrites pour que nous les lisions au pied de la lettre. Aucun texte n’est écrit pour être lu au pied de la lettre, sinon peut-être « Passe-moi le sel », mais ça, ça ne s’écrit pas ça se dit. Ensuite, Dieu ne peut pas avoir des préoccupations de physiciens lesquels savants, très tôt dans l’histoire de la pensée, se sont intéressés au soleil, aux étoiles, aux planètes, au feu, aux débuts de l’univers matériel, etc., bien avant de se préoccuper de la conscience humaine, des buts humains, des choix humains, de l’amour humain… Dieu n’est pas physicien.

    Et puis, les Saintes Écritures ne peuvent pas avoir une vision matérialiste, et donc réduite, du Monde, car ce que nous appelons le Monde inclut aussi l’esprit. La preuve nous vient de notre expérience d’avoir un corps, matériel, et une âme, spirituelle (il faudrait expliciter ça un de ces jours avec Augustin) : si je n’ai plus mon âme, mon corps matériel est encore là quelque temps mais ça n’est qu’un cadavre : il ne bouge pas, ne regarde pas, ne parle pas, ne sent rien, etc. Pareillement, on ne dit pas que le vivant, c’est un cadavre qui est animé ; de telles paroles n’ont pas de sens, on le sait bien ! C’est donc que nous avons un corps, matériel, oui, mais d’un certain type… ! Les Saintes Écritures, en bonne rigueur, ne peuvent pas biffer ça.

    Je suis contente de votre version, P. Benoît, j’en attends une comme ça depuis très longtemps. Votre commentaire est très réaliste. Je crois qu’une des difficultés de cet évangile vient de ce que signifie le mot « monde », vous l’avez bien vu. Il n’y a pas de monde pour les montagnes, pas de monde pour les plantes, pour les vers de terre ; il n’y a de « monde » que pour nous, votre texte le dit bien et en détail. Et comme, dû à notre partie matérielle, notre vie un jour ne résistera plus, alors il faudrait voir chaque jour comme une opportunité pour être prêt quand ce jour viendra. Vous l’avez déjà écrit : l’homme est dans le monde mais il n’est pas de ce monde. Ce monde est décevant, comme vous le rappelez, toujours nous perdons quelque chose que nous aimons, on s’est même inventé un mot pour faire passer la pilule : « deuil » ! Pourquoi ce monde nous décevrait-il, lui qui est si beau, si nous n’étions faits pour encore plus ? Le désir révèle qui nous sommes…

    En fait, vous avez raison, ce texte ne parle pas de malédiction mais de ce qu’il faut faire pour avoir la vie éternelle, i.e. pour avoir une vie (un monde) « remplie de joie et de plénitude »… qui dure toujours ! ! Quel beau et étonnant changement de perspective ! Un peu fou, cependant, cette promesse, non ? ? Pourtant, en effet, quel enfant, quelle femme, quel homme, quel vieillard n’a pas souhaité garder « Pour Toujours » telle chose qui maintenant le rend heureux : son petit chat, sa jeunesse, le lieu où il habite, la personne qu’elle aime, sa santé, sa vie… ! Quel être humain n’a pas dit un jour le plus passionnément du monde : « Je t’aimerai toujours »… Comment ce « toujours » est possible ? alors là… On compte sur vous, P. Benoît, pour nous le dire, vous le « semeur de paroles » augustinien… (j’ai pris cette belle formule dans le sermon CL, de saint Augustin, « Sur le vrai bonheur », que nous travaillerons samedi qui vient au cours Montmartre).

    – Dire que je nous voulais pas m’attaquer à un si gros morceau cette semaine… ! Je ne voulais pas réfléchir, même avec vous, sur ce grand thème dit de l’Apocalypse… ! Ouf !

  3. Daniel dit :

    Très intéressant!
    J’ai envie de compléter simplement les commentaires du frère Benoît et de Monique avec l’idée du «devenir» aussi. Le frère Benoît qualifie le monde «d’éphémère», et en effet, ce monde «passe», selon une autre formule biblique, alors que nous, les êtres humains, tout en étant plongés dans ce «devenir» toujours changeant, nous cherchons ce qui «demeure». N’est-ce pas bizarre au fond? Est-ce qu’on ne devrait pas se contenter du présent dans sa dimension physique et ses satisfactions?

    Quand on dit «pour toujours», comme tu le rappelles Monique, est-ce qu’on pense à un temps qui ne finirait plus? Des siècles, des millénaires?… En fait, «ça» ne veut rien dire si on le prend comme cela, puisqu’on n’en a pas l’expérience. On cherche plutôt, sauf erreur de ma part, à «demeurer», au présent, dans quelque chose: une relation, par exemple de couple, une situation, un événement. On s’y sent bien et on désire s’y installer pour de bon. Est-ce que ce ne serait pas un indice que l’éternité fait partie de nous en un sens, malgré que nous soyons des êtres finis et changeants dans un monde qui «passe»?… Comment ça se fait qu’on pense à «ça»? Qu’on désire «ça»?…

    Par ailleurs, au caractère éphémère de notre monde, le frère Benoît ajoute avec raison les échecs, misères, maladies, qui nous blessent tôt ou tard, parfois beaucoup. On pourrait même inscrire à la suite les victoires, les meilleures satisfactions elles-mêmes, qui vont se terminer aussi pour nous laisser à quelque part déçus, malgré nos beaux souvenirs peut-être… Le spectacle terminé, le voyage passé… On aurait voulu y «demeurer»!
    J’aime bien la manière dont le frère Benoît montre ainsi le caractère consolant et aussi encourageant de la fin du «monde», au sens de «notre» monde toujours imparfait et inachevé. De même que l’idée, que je devine en tout cas, selon laquelle il y a là un signe tangible que nous sommes vraiment «plus que matériels», qu’il y a bien «de l’éternel» en nous. Et ce n’est surtout pas ésotérique: nous y sommes toujours en fait! À moins de nous réduire à nos pulsions organiques… Déjà, comme tu dis Monique, nous sommes les seuls êtres à «avoir» vraiment un «monde», contrairement aux montagnes ou aux vers de terre, et de fait, il y a plus: nous sommes sensibles à une autre dimension que celle que nos sens ordinaires perçoivent, et qui nous révèle également «qui nous sommes».

    Que les Écritures nous révèlent en prime que cette «autre dimension» n’est pas vide, qu’au contraire, un Dieu, qui nous a faits pour lui selon la formule augustinienne, nous y attend, voilà qui est en effet une bonne nouvelle et pas du tout un motif de peur, comme le souligne le frère Benoît. Certes, cela appelle tout un programme de vie pour s’y ouvrir, comme il nous le présente bien également! C’est exigeant, mais aussi beaucoup plus passionnant et intéressant que de calculer «quand» il y aurait un date fatidique où le temps s’arrêterait…
    Allez, comme d’habitude je voulais faire court et c’est raté… Je m’arrête pour retourner à ce qui est «mon monde» présentement: corriger des dissertations!…

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