Un homme libre…

La renonciation de Benoît XVI à sa charge n’est-elle pas, d’abord, l’illustration de la grande liberté de cet homme ? Une liberté puisée dans l’Évangile, une liberté prophétique, bien en continuité avec ce que fut son pontificat !

Humble serviteur dans la vigne du Seigneur...

Humble serviteur dans la vigne du Seigneur…

Liberté par rapport à l’héritage de Jean-Paul II :

Certain attendait un Jean-Paul III et nous avons eu un Benoît XVI…

Jean-Paul II favorisait « le médiatique » et les gestes prophétiques… Benoît XVI exercera sa charge avec humilité et dans un travail de fond : « Je veux travailler comme un humble serviteur dans la vigne du Seigneur » avait-il annoncé au début de sa charge…

Jean-Paul II bénissait toutes les communautés nouvelles… Benoît XVI y remettra de l’ordre, et s’appuiera de nouveau sur les congrégations plus classiques….

Jean-Paul II centralisera pas mal le pouvoir, avec des évêques sous surveillance… Benoît XVI jouera la collégialité et laissera bien plus de liberté aux évêques (ne serait-ce que dans le fonctionnement des synodes, ou dans les célébrations de béatifications qu’il va souvent confier aux Églises locales)…

Jean-Paul II tentera d’exercer sa charge jusqu’au bout, quitte à ce que les différents lobbies prennent le pouvoir à Rome… Benoît XVI renoncera à sa charge dès qu’il se sentira incapable de l’assumer comme il le devrait…

Liberté dans la « couleur » donnée à son pontificat :

Au moment de son élection, certains craignaient le dogmatisme, le moralisme, le traditionalisme de l’ancien gardien de la doctrine de la foi, or, il recentre son pontificat sur l’essentiel : les vertus théologales –la foi, l’espérance et la charité- (notamment à travers ses encycliques et l’année de la foi) ; sur l’Eucharistie, sur la Parole de Dieu et sur la Nouvelle Évangélisation  à travers les synodes qui leur fut consacrés, accompagnés de leurs exhortations post-synodale… Le chantier reste ouvert puisque son encyclique sur la foi ne paraîtra pas ni son exhortation post-synodale sur la Nouvelle Évangélisation !

Grand théologien, il le restera durant sa papauté, notamment à travers la publication de ses trois tomes sur Jésus signés du double nom : Joseph Ratzinger – Benoît XVI et son soucis permanent d’articuler foi et raison. Il développera ainsi le dialogue avec l’agnosticisme –cf. la rencontre d’Assise- et le monde intellectuel -que l’on pense à l’initiative du « parvis des gentils »- avec un jugement sur le monde beaucoup moins sévère que son prédécesseur…

Ni progressiste ni traditionaliste, il renverra dos à dos ceux qui soupçonnaient sa fidélité au Concile Vatican II et ceux qui se réjouissaient de sa supposée distance du Concile : « Je veux affirmer avec force la ferme volonté de poursuivre l’engagement de mise en œuvre du concile Vatican II, dans le sillage de mes prédécesseurs et en fidèle continuité avec la tradition bimillénaire de l’Église », précisait Benoît XVI dès le lendemain de son élection. C’est pourquoi il consacra son pontificat à en faire émerger une juste interprétation : dénonçant une «herméneutique de la discontinuité et de la rupture » et valorisant une «herméneutique de la réforme, du renouveau dans la continuité ».

-Liberté par rapport aux échos médiatiques :

Pas de dialogue au rabais avec les autres confessions chrétiennes, avec les autres religions ou avec les intégristes, mais il s’engagera fortement dans un réel dialogue sur la base du service de l’unité, de la vérité, de la fidélité à l’Évangile, quitte à passer pour un réactionnaire ou un traditionnaliste… Il n’hésitera pas à faire également le ménage autour des questions liées aux scandales de pédophilie, quitte à ternir l’image de sainteté de l’Eglise…

-Liberté encore dans son rapport à la jeunesse :

Il se laissera faire par le mouvement des JMJ, lancé par son prédécesseur, même si cela ne correspondait pas forcément à sa sensibilité, mais en y introduisant ses notes propres : temps de silence et d’adoration eucharistique, confession de quelques jeunes par le pape en personne, exigence intellectuelle plutôt que discours moralisateur…

Bref vous l’avez compris, même si je ne fus pas un inconditionnel de Benoît XVI, j’ai beaucoup plus apprécié sa façon d’exercer son pontificat que celle de son prédécesseur : son style, ses textes riches et nourrissants, son humilité… Cela n’est peut-être pas tout à fait dans l’air du temps –bien que depuis sa renonciation beaucoup semblent changer d’avis sur Benoît XVI–… mais j’espère en cela faire preuve de la même liberté que Benoît XVI ! Et chapeau pour sa sortie !

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6 réponses à Un homme libre…

  1. Fr. Emile dit :

    Merci mon père pour cette longue page élogieuse à l’égard de votre icône Benoît.
    je regrette de ne pouvoir partager sincèrement beaucoup de vos points de vue que vous trouver comme des forces à Ratzinger-Benoît XVI alors qu’ils sont pour moi, les véritables faiblesses de cet homme qui laissèrent entrevoir depuis le 19 avril 2005 qu’il ne saura finir son pontificat sans un coup pareil ou similaire. En définitif, qui de BenoîtXVI et Jean-Paul II a joué le plus grand coup médiatique?
    Pour ma part, je m’abstiens de juger! merci à tous les deux pour ce qu’ils ont été pour la barque de l’Eglise.
    Puisse que malgré tout ce que l’on te reproche, Bienheureux Jean-Paul II, la grâce de Dieu t’a admis dans la cour céleste, de la fenêtre du ciel, continue de nous voir et de nous bénir; oui bénis nous saint Père.

  2. Frère Benoît dit :

    Tu es encore jeune, et je comprends que la « génération Jean-Paul II » aie du mal à prendre une certaine distance… Pour ma part j’ai déjà « connu » quatre papes et bientôt un cinquième viendra…

  3. Monique dit :

    Je réduis à deux petits paragraphes ce que votre commentaire, P. Benoît, m’a inspiré comme réflexion. Les voici :
    Dans la foulée de la démission du pape, un jeune homme, chrétien de cœur mais moderne d’esprit au sens où « liberté » et « autonomie » sont des valeurs importantes maintenant, m’a dit : « Si le pape ne respecte ni son engagement jusqu’au bout, ni la dignité de la personne vieillissante, à quoi me sert à moi de croire en leurs beaux enseignements sur le courage, la patience, l’amour, l’espoir ? On me dit de ne pas lâcher, même dans le plus difficile ; on me dit de ne pas en finir avec cette vie qui ne me fait pas sens ; paroles que tout ça ? ? »

    On ne mesure pas son impact (l’effet papillon ?) tant la position d’un pape est humble et les humains nombreux ; mais l’étonnant, le sincère, le troublant désarroi de ce jeune homme fait réfléchir, non ? Moi, ça m’a jetée à terre.

    • Frère Benoît dit :

      Sauf que la renonciation du pape n’a rien à voir avec le non respect d’un engagement, le refus de l’adversité ou le non respect des personnes âgées !!! C’est au contraire pour un meilleur service de l’Eglise qu’il a posé ce geste courageux… Non la réflexion de ce jeune homme ne me donne pas à réfléchir, c’est juste le signe d’une instrumentalisation d’un évènement, d’un manque de formation et d’un manque de maturité qui consiste à tout voulir ramener à soi… Alors que l’évènement est d’une toute autre ampleur… Le jeune homme aurait pu interprêter ce geste en se disant que la fidélité au Seigneur, aux appels de la vie, à l’Esprit n’a rien à voir avec le fait de s’accrocher à une fonction, à un service, quitte à tout à fait dévoyer ce service et cette fonction… (cela me fait penser à ces vieux prêtres qui ne veulent pas obéir à leur supérieur lorsqu’on les démet de leur charge, et qui trouvent toujours de bons paroissiens pour les défendre et les engager à désobéir à leur voeu d’obéissance !!!) La fidélité à l’Esprit, la persévérance face aux difficultés de la vie est beaucoup plus du côté de la liberté intérieure et de l’humilité que de l’acharnement…

  4. Liberté reconnue — on en revient à l’essentiel de la vie chrétienne
    proposée par Benoît XVI. Hommage lui soit rendu !

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