Dieu prend visage !

 

2ème dimanche de carême, année C, Lc 9, 28b-36  /

Transfiguration

Transfiguration

« Pierre et ses compagnons étaient accablés de sommeil ; mais, se réveillant, ils virent la gloire de Jésus ! » (Lc 9,32) Dans le récit de la Transfiguration, Dieu se donne à voir dans sa gloire ! La tradition de l’Ancien Testament était pourtant claire : nul ne peut voir Dieu sans mourir ! Et même Moïse qui bénéficiait d’un contact régulier avec Dieu, devait se voiler le visage ou être contraint à ne le voir que de dos, comme nous le raconte ce merveilleux passage du livre de l’Exode : « Moïse demanda : « Fais-moi de grâce voir ta gloire. » Et le Seigneur dit […] »tu ne peux pas voir ma face, car l’homme ne peut me voir et vivre. » Le Seigneur dit encore: « Voici une place près de moi; tu te tiendras sur le rocher. Quand passera ma gloire, je te mettrai dans la fente du rocher et je te couvrirai de ma main jusqu’à ce que je sois passé. Puis j’écarterai ma main et tu verras mon dos; mais ma face, on ne peut la voir. » » (Ex 33,19…23) Et c’est ainsi que toute représentation de Dieu fut interdite dans le Judaïsme, interdit qui se transmettra à l’Islam… Cependant avec l’Incarnation tout change, car Dieu prend visage en Jésus Christ ! Mais, accordons-nous suffisamment d’intérêt à cette révélation ? N’inventons-nous pas trop souvent le visage de Dieu : créant un Dieu à notre image au lieu d’accueillir son visage révélé en Jésus de Nazareth ?

Dieu prend visage d’homme !

Je suis toujours un peu effaré par l’imagerie religieuse populaire « sulpicienne » qui a retrouvé une nouvelle vigueur via Internet… Avons-nous oublié la crise iconoclaste des VIIIème et IXème siècles ? À partir de 726, les empereurs d’Orient  Léon III puis Constantin V et leurs successeurs, interdisent la représentation du Christ et des saints, et la vénération de leurs icônes, accusant les iconophiles (les partisans des icônes, surtout les moines) d’idolâtrie ! Or le Concile de Nicée II en 787 affirmera la légitimité des icônes puisque Dieu a pris visage d’homme ! Or justement, toute la tradition iconographique orientale sera la mise en œuvre de ce visage de Dieu révélé. Ainsi, des règles très précises, jusqu’à aujourd’hui, président à l’écriture d’une icône : on doit notamment respecter les traits du visage du Christ, ou de la Vierge et des saints transmis par la tradition ; car, ce serait le comble, alors que Dieu s’est donné un visage en Jésus de Nazareth, de lui inventer un autre visage selon la sensibilité de l’artiste, ou le goût du jour… L’occident a pris une toute autre voie à partir du XIIIème siècle, laissant de plus en plus de liberté aux artistes, au risque d’inventer Dieu à leur image… Dans un premier temps, il nous faut donc accueillir le visage de Dieu tel qu’il s’est donné à voir…

Dieu prend visage en tout homme !

La tradition occidentale n’est pas sans fondement non plus… Car le Verbe en prenant chair en Jésus de Nazareth signifiait et réalisait son union avec tous les humains. Ainsi, pour signifier que le Christ s’est identifié à tout être humain, les artistes lui donnent des traits africains, asiatiques ou européens et nous comprenons que le fils de Dieu rejoint chacun dans sa culture particulière. On rapporte ainsi que l’apparition de Marie au Mexique, à Guadalupe, au début du XVIème siècle, a marqué un tournant décisif dans l’acceptation de l’évangile dans ce pays, car Marie apparut au pauvre indigène Juan Diego, laissa son image gravée sur le manteau de celui-ci, avec des traits indiens : la religion des conquistadors devenait la religion des autochtones.  Ainsi donc, lorsqu’on s’éloigne totalement du contexte culturel du Moyen Orient d’il y a deux mille ans, on sait que nous sommes dans du symbolique –comme dans le cas de Marie avec des traits indiens–, ce n’est pas un problème, mais lorsqu’on prétend représenter des scènes évangéliques telles qu’elles se passèrent à l’époque de Jésus avec un Jésus blond aux yeux bleus, c’est là où nous dévoyons la logique de l’Incarnation. Dans un second temps, il nous faut donc reconnaître que tout visage humain peut être transfiguré et que loin de nous endormir, comme les disciples, sur les apparences, il nous faut exercer notre regard pour percer en chacun la réalité profonde, divine, transfigurée qui se cache derrière les rides ou la laideur apparente, selon des critères trop humains…

Dieu prend plus qu’un visage…

Bien sûr, respecter le visage de Dieu révélé par le Christ, va bien plus loin que le respect des traits de son visage. Il s’agit d’accueillir un Dieu fait homme, un Dieu humble, un Dieu serviteur, un Dieu qui guérit, qui libère et qui pardonne ; un Dieu qui ressuscite et surtout un Dieu qui meurt en croix par amour des hommes ! Ce Dieu-là on ne peut pas l’inventer ! Les hommes ont inventé des dieux magnifiques, puissants, terrifiants et non pas des dieux flagellés, humiliés, mortels…

Décidément, Dieu ne pouvait pas se montrer dans sa gloire avant la venue de Jésus Christ, car les hommes auraient vite saisi cette manifestation pour entretenir leurs fausses images de Dieu… Ce n’est qu’au moment où la Passion s’annonce que le Christ se laisse voir dans sa gloire, signifiant ainsi que celui qui va mourir en croix n’était pas un imposteur mais bien le vrai Dieu : cette fois-ci, plus de méprise sur la gloire dont il s’agit !

Dieu a pris visage sur le Tabor et sur le Golgotha…

Une même gloire a resplendi ici et là…

Accueillons cet unique et vrai visage de Dieu !

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