Pourquoi le mal ?

 

3ème dimanche de carême, année C, Lc 13, 1-9  /

« Ces dix-huit personnes tuées par la chute de la tour de Siloé, pensez-vous qu’elles étaient plus coupables que tous les autres habitants de Jérusalem ? » (Lc 13,4) Voici l’éternelle question du mal qui revient, avec une des réponses classiques : le mal comme châtiment de Dieu ! Ce que nous traduisons ainsi dans nos cris de détresses : « Qu’est-ce que j’ai fait au bon Dieu pour mériter tel ou tel malheur ? » Toutes les religions apportent des réponses à la question du mal, et souvent leurs détracteurs leur reprochent leurs réponses trop simplistes ou trop évidentes : « si vous ne suivez pas la loi de Dieu, il vous punira ! », ou encore du côté des religions d’Asie : « les malheurs que vous vivez actuellement sont la conséquence des actes mauvais que vous avez commis dans vos vies antérieures », ou bien encore, comme l’enseigne le Bouddhisme : « la souffrance vient de votre ignorance et du désir de vous accrocher à une réalité qui n’est que passagère et instable »… Or, malgré les apparences, le christianisme, lui, n’apporte pas de réponse simple et évidente à la souffrance, et c’est peut-être justement ce qui rend plus difficile l’adhésion au christianisme qu’à d’autres religions ; mais aussi ce qui en fait sa force et sa vérité ! Méfions-nous des fausses réponses ! Accueillons la « réponse » de Jésus ! Et convertissons-nous !

Réponses fausses !

Le livre par excellence qui traite de la question du mal est évidemment le livre de Job… Les « amis » de Job lui servent les réponses habituelles… qui seront désavouées par Dieu lui-même à la fin du livre. Ces fausses réponses sont diverses. La plus courante : le mal serait un châtiment divin envers le pécheur ; or Job crie son innocence, et Dieu lui donne raison… Cela rejoint l’évangile du jour, la chute accidentelle de la tour de Siloé n’a rien à voir avec un châtiment de Dieu, nous dit Jésus ! Autre type de réponse, le mal serait une pédagogie de Dieu : « Qui aime bien châtie bien ! » ; le coût de cette pédagogie semble plutôt élevé et peu cohérent avec le visage de tendresse de Dieu révélé par la Bible. Troisième piste, le mal serait le fruit du conflit entre un dieu du bien et un dieu du mal ; or le livre de Job affirme que Dieu est unique et que le mal est étranger à Dieu, et étranger à l’homme (dans le cas où il n’est pas une conséquence de ses actes)… Dernier type de réponse, il suffit de se résigner à une volonté de Dieu insondable… Est-ce vraiment de cela dont il s’agit ?

Réponse de Jésus !

Comme nous l’avons dit plus haut, la réponse de Jésus n’est pas forcément satisfaisante intellectuellement, elle est pourtant limpide : sa réponse sera sa façon de vivre ! La seule réponse explicite que donne Jésus est celle de l’évangile de ce jour, équivalente à celle-ci: « À qui la faute s’il est né aveugle, à lui ou à ses parents ? Ni à lui ni à ses parents, répond Jésus » (Jn 9,2-3) C’est-à-dire que le mal n’est pas une punition envoyée au pécheur. En fait, la réponse définitive de Dieu à la question du mal sera celle manifestée par la vie de Jésus de Nazareth : non pas un Dieu qui juge, mais un Dieu qui se laisse juger ; non pas un Dieu qui condamne, mais un Dieu patient (cf. la parabole du figuier) et miséricordieux  ; non pas un Dieu qui envoie la souffrance aux hommes, mais qui se met du côté des souffrants ; non pas un Dieu qui utiliserait le mal ou la souffrance, mais un Dieu qui combat et s’engage contre le mal ; non pas un Dieu tout-puissant éliminant magiquement les forces du mal, mais un Dieu qui se laissera broyer par le mal –ce mal qui subsiste dans le monde–; et finalement non pas un mal aussi puissant que Dieu, mais un mal qui n’aura pas le dernier mot et dont le Christ sera vainqueur par sa mort et sa résurrection. La réponse de Jésus, comme celle de Dieu à Job, n’est pas une réponse intellectuelle (des idées sur Dieu), mais une réponse relationnelle, une invitation à la confiance en Dieu : « oui le mal reste mystérieux, mais fais confiance à Dieu : d’une part, il n’est pas du côté du mal et, d’autre part, malgré les apparences, il est vainqueur du mal ! »

Notre réponse !

« Si vous ne vous convertissez pas vous périrez tous de la même manière » (Lc 13,5) Cette conversion vise donc notre relation à Dieu et notre relation aux autres : « suivez l’exemple de Jésus, faites confiance à Dieu jusqu’au bout, malgré les apparences, ne laissez pas le malin instiller en vous la méfiance, la suspicion envers Dieu ; d’autre part, au lieu de vouloir donner une réponse intellectuelle à la question du mal, donnez une réponse éthique : engagez-vous contre le mal ! » Je ne peux m’empêcher de penser à la sœur Stella et à celles et ceux qui se sont engagés à ses côtés auprès des orphelins du sida, dont un certain nombre sont porteurs du VIH, croyez-vous qu’ils mettent Dieu en cause ? Bien au contraire, la confiance en Dieu et l’engagement contre le mal sont les deux piliers complémentaires de leurs vies, et ils produisent de magnifiques fruits.

Et vous, quelle est votre réponse à la question du mal ?

Une réponse intellectuelle ou une réponse éthique, aux côtés des souffrants ?

Le temps du carême n’est-il pas favorable à une réponse fructueuse ?

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4 réponses à Pourquoi le mal ?

  1. Daniela Sacy dit :

    Cher Benoit,

    Ça me rappelle le bon vieux temps, quand on suivait les cours de la Bible. Le livre de Job entr’autre. Tu détruisais les vieilles perceptions pour nous ouvrir à d’autres horizons. On était constament déstabilisé.

    Daniela

  2. Rouette, Chantal dit :

    Bonjour Benoît
    Le commentaire de ce dimanche n’est certainemennt pas meilleur que tous tes commentaires des autres dimanches, mais il me touche plus. C’est avec toi que j’ai commencé à comprendre que la prière, notre regard vers Dieu n’est pas d’attendre béatement tout de Lui mais de s’engager à sa suite. Merci de nous éclairer sur toutes ces fausses visions de Dieu que nous avons en partant de nos croyances concernant la présence du mal dans le monde.
    Mais j’ai encore une incompréhension peut-être pourras-tu m’éclairer un jour sur cela ? Je reprends ta phrase « non pas un Dieu tout-puissant éliminant magiquement les forces du mal, mais un Dieu qui se laissera broyer par le mal ». Je n’arrive pas à comprendre le sens d’un « Dieu tout-puissant » puisque le mal semble si fort, semble même parfois plus fort que le mal.
    Tu vois que j’ai besoin encore de beaucoup d’enseignements.
    Merci de continuer ton blogue d’aussi loin que du Togo malgré toutes les difficultés techniques que tu peux rencontrer.
    Salutations du Québec.

  3. En ce temps de carême et de conversion, merci au maître pour ce cours d’éthique menant, encore et encore, à notre relation à Dieu et aux autres. TLV

  4. Monique dit :

    Il y a Dieu et il y a le Mal. Dieu, c’est l’Amour ; le Mal, c’est la logique froide. La logique du mal, sournoise, m’amène à chercher les raisons du mal ; l’expérience nous le montre. C’est alors faire le jeu du mal. Le jeu du mal, c’est nourrir en l’homme l’esprit de vengeance, le disposer à chercher dans les autres, dans l’ami, un ennemi, un coupable : « À tout mal, il y a nécessairement un coupable… » Sa trahison : l’âme se découvre seule. Tant que nous sommes occupés à chercher le pourquoi du mal, le pourquoi de « mon » mal, jusqu’au pourquoi Dieu m’aurait abandonné, nous sommes pris au piège de la logique de solitude du mal. Le but : interdire toute relation à autrui. Car le Mal peut bien sembler incommensurablement tout-puissant sur les corps et sur les esprits, il n’en reste pas moins qu’il est impuissant pour l’amour (Marion). Et c’est là sa frustration ; son enfer, dirions-nous. De là vient sa logique de vengeance : exercer sa toute-puissance pour rendre tout homme impuissant à aimer.

    Une excellente démonstration de cela est visible dans le film, actuellement en salle, « Amour », de Michaël Haneke, avec Jean-Louis Trintignant (toujours magnifique) et Emmanuelle Riva.

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