Comment tenir dans la prière ?

 

29ème dimanche, année C, Lc 18, 1-8 /

Une fois de plus, l’évangile du jour et la première lecture, proposés pour ce dimanche, s’éclairent mutuellement pour nous donner un bel enseignement sur la prière : « Jésus dit une parabole pour montrer à ses disciples qu’il faut toujours prier sans se décourager. » (Lc 18,1) ; « Les mains de Moïse [en prière] s’alourdissaient… Alors Aaron et Hour lui soutinrent les mains, l’un d’un côté, l’autre de l’autre, ainsi les mains de Moïse demeurèrent levées jusqu’au coucher du soleil. » (Ex 17,12) Voilà bien des éléments qui rejoignent notre propre expérience : oui nous aimons prier, mais il nous arrive de nous décourager face aux épreuves, de douter de Dieu, de ne plus avoir la patience d’attendre le jour où il nous sera fait justice… bref, de « baisser les bras ! » Comment alors tenir dans la prière, si ce n’est grâce à une communauté, grâce à une prière agissante, grâce à une foi purifiée ?

Une communauté priante !

« Un chrétien isolé est un chrétien en danger » disait Mgr Daloz, dans mes années de jeunesse… Et cette mise en garde se vérifie dans toutes les dimensions de la foi chrétienne : que ce soit dans la compréhension de la foi (où l’on peut vite s’égarer, ou se laisser récupérer par toutes sortes de charlatans, si l’on réfléchit seul); que ce soit dans l’action caritative (où l’on peut vite s’essouffler) ; ou que ce soit dans la prière ! Il est évident que, comme Moïse, nous avons besoin d’une communauté pour nous soutenir dans notre fidélité, mais aussi dans l’évangélisation de notre prière. Comme religieux, cette conviction est au cœur de notre vie : « La prière est difficile pour tous. […] Elle exige une discipline de vie, personnelle et communautaire, qui nous garde attentifs aux appels de l’Esprit. » (Règle de vie des Augustins de l’Assomption n°53) Lors des chapitres locaux, la plupart de nos communautés fixent, dans leur agenda communautaire quotidien, un temps commun pour l’oraison. En principe, il revient à chacun de se fixer au moins une demi-heure d’oraison par jour, mais en pratique, en tout cas c’est ce que j’ai constaté depuis 25 ans que je suis en communauté, si le temps d’oraison n’est pas prévu ensemble, la fidélité à ce rendez-vous devient impossible… Certains laïcs aiment rejoindre une communauté religieuse pour partager sa prière, d’autres se donnent un rendez-vous familial pour la prière, d’autres encore se soutiennent entre amis, entre voisins, ou à travers un mouvement, pour prier ensemble… Bref, les moyens ne manquent pas pour supporter mutuellement nos mains en prière… Quel est le vôtre ?

Une prière agissante !

Un deuxième élément pour tenir dans la prière, consiste à ne pas vivre celle-ci de façon passive, mais de façon active : « Crois en Dieu comme si tout le cours des choses dépendait de toi, en rien de Dieu. Cependant mets tout en œuvre en elles, comme si rien ne devait être fait par toi, et tout de Dieu seul ! » (Gábor  s.j. et non pas Ignace de Loyola comme on le lit trop souvent) ou pour le dire de façon plus simple : « Agis comme si tout ne dépendait que de toi, et prie en sachant que tout dépend de Dieu. » Je n’ai jamais rencontré de chrétien, se dépensant activement pour ses frères, qui désespérait de Dieu ! Par contre, celui qui s’apitoie sur son sort ou reste les bras ballants, en vient souvent à invectiver Dieu ou à désespérer de lui. La Parole de Dieu va dans le même sens : démenez-vous pour obtenir ce qui est bon, comme cette veuve importune, ou prenez les moyens pour le combat que vous avez à  mener, comme Israël contre les Amalécites au combat… et Dieu vous soutiendra dans votre engagement ! Notre propre prière est-elle agissante ?

Une foi purifiée !

Je l’ai souvent signalé dans ces méditations : notre relation à Dieu est d’abord marquée par un archaïsme religieux du type d’un marchandage entre un dieu despotique et lunatique et une créature qui essaie de lui soutirer quelques grâces… Et alors, si ce dieu ne répond pas à nos demandes, c’est qu’on ne lui a pas fait suffisamment de sacrifices, ou qu’il nous punit, ou qu’il nous éduque, ou qu’il n’existe pas, etc… La foi chrétienne n’a rien à voir avec tout cela, elle est d’abord confiance absolue en un Dieu d’amour, qui ne « joue pas avec les hommes » mais dont l’interventionnisme n’est pas le mode d’action habituel : voici le troisième pilier pour tenir dans la prière ! Sans vouloir répondre à la question de savoir pourquoi Dieu ne répond pas à telle ou telle demande (car on a dit à peu près tout et n’importe quoi sur ce sujet), nous sommes invités à une foi toujours plus pure, toujours plus confiante, tournée vers l’horizon du Royaume de Dieu et non pas vers une réalisation terrestre de notre vie… Parfois sans réponse, parfois à l’aveuglette, souvent sans consolation sensible, nous nous en remettons au Dieu d’amour révélé en Jésus-Christ : c’est cela la foi ! « Quand le Fils de l’homme viendra, trouvera-t-il la foi sur terre ? » (Lc 18,8)

Oui, comment tenir dans la prière… si ce n’est :

grâce à une communauté priante,

grâce à une prière agissante,

grâce à une foi purifiée ?

 

 

 

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4 réponses à Comment tenir dans la prière ?

  1. Ginette Coulombe dit :

    J’arrive à prier dans le secrêt du coeur,mais pour donner des bras à mon coeur j’ai besoin de la prière communautaire et l’eucharistie.Ma vie est à donner et mon souffle est trouvé dans l’union avec Dieu soit dans la solitude ou à travers le monde…là où habite ma foi.

  2. Louise Melançon dit :

    Les raisons de prier ne manquent pas… au-delà de mes raisons personnelles… il y a tous ces problèmes de société… et spécialement des situations comme celle du Congo qui me touchent beaucoup, ces prises d’otage… toute cette cruauté pour le peuple… et les viols féminins qui me sont insupportables!
    Oui, il faut persévérer dans la prière… porter toutes ces souffrances du monde!

  3. Monique dit :

    Sur la prière que j’ai toujours de la difficulté à comprendre, je ne pense rien vraiment. En fait, je me rends compte que j’ai tous les signes extérieurs de la prière ; que j’ai une bonne quantité d’émotions « pieuses » quand je « prie »… ; mais qu’est-ce, ou qui, me dira si je prie puisque je ne sais pas ce qu’est la prière !

    Et puis, P. Benoît, vous écrivez cette règle de vie des Assomptionnistes :
    « La prière est difficile pour tous. […] Elle exige une discipline de vie, personnelle et communautaire, qui nous garde attentifs aux appels de l’Esprit. » (Règle de vie des Augustins de l’Assomption n°53)

    Elle m’interpelle, cette phrase, quand elle dit que la prière est difficile, déjà, et pour tous, par-dessus le marché. Je me sens moins iconoclaste ! Mais la deuxième phrase m’est moins évidente : elle « exige » une vie communautaire. Alors, j’ai envie d’ajouter : sans doute la vie communautaire en général mais c’est surtout la présence « d’amis », d’amis véritables, d’amis de cœur, comme on disait autrefois, qui nous entraîne à prier. Prier avec des amis, avec quelques uns ou avec un seul ou une seule, nous ouvre plus aisément « aux appels de l’Esprit », il me semble ; non ?

  4. Thérèse L.-Vézina dit :

    Pour ma part, je pense que Ginette C. va à l’essentiel de la prière d’une laïque :
    « dans le secret du cœur » et « à travers le monde » … mon Église, en l’occurrence.
    TLV

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