Sur quel arbre grimper ?

31ème dimanche, année C, Lc 19, 1-10 /

« Il grimpa sur un sycomore pour voir Jésus qui devait passer par là. » (Lc 19,4) Zachée, qui n’a rien d’un croyant exemplaire, est pourtant travaillé par le désir intérieur d’approcher Jésus de Nazareth. Il pressent que cet homme a quelque chose de spécial… et la rencontre effective bouleversera sa vie ! Peut-être avons-nous fait cette expérience de la rencontre du Christ qui a chamboulé notre vie ? Ou peut-être sommes-nous, comme Zachée, dans le pressentiment diffus que ce Jésus Christ a quelque chose de spécial et que d’avancer plus avant à sa rencontre pourrait, par trop, déranger notre vie ? Mais plutôt que de se projeter trop vite en avant, ne convient-il pas, pour être honnête avec nous-même, de donner toute sa place à notre désir profond et de prendre les moyens nécessaires pour cela… C’est-à-dire de grimper notre sycomore ! Mais sur quel arbre grimper ?

Sur quel arbre grimper ?

Pour avancer plus avant à la rencontre du Christ, quel que soit le stade où nous en sommes de notre vie spirituelle, nous avons un certain nombre d’obstacles à franchir : la distance entre cet homme ayant vécu sur terre il y a deux mille ans et le contexte de notre troisième millénaire ; tout ce que l’on connaît de la foi chrétienne, de l’histoire de l’Église et qui risque de faire écran entre Jésus Christ et nous ; les promesses de « bonheur » de notre société de consommation qui nous détournent de l’essentiel ; les contraintes de notre vie qui nous entraînent là où nous ne voudrions pas aller, etc… Pour franchir ces obstacles, quel sycomore grimper ? Passer le seuil d’une église pour voir, de visu, ce qui s’y passe plutôt que d’en rester à de fausses impressions ? Se donner un temps de silence, pourquoi pas dans un monastère, en partageant ses questionnements avec un moine ? Entreprendre le chemin de Compostelle pour se retrouver face à ses désirs profonds ?  Se faire conseiller un bon livre qui puisse présenter l’essentiel de la foi chrétienne, dépouillée de ses vieux oripeaux ? Rejoindre un groupe de réflexion, de solidarité ou de prière ? Etc… Êtes-vous prêt à grimper un tel arbre ou préférez-vous fuir ce désir intérieur ? Je pense à vous lecteurs, mais aussi à vos amis, à vos enfants que vous pouvez interpeller en ce sens…

Oser croire à la réponse du Christ !

« Descends vite : aujourd’hui il faut que j’aille demeurer dans ta maison. » (Lc 19,5) Zachée a fait un geste à sa mesure et Jésus vient maintenant répondre à son désir, au-delà de ce que Zachée avait imaginé ! Tous  ceux et celles qui ont fait une expérience de rencontre du Christ peuvent témoigner de cela, oui un jour ils ont décidé de faire un pas vers Jésus, vers l’Église, vers leurs frères, et le Christ est venu à leur rencontre de façon surprenante et bien au-delà de ce à quoi ils s’attendaient : une retraite bouleversante, une rencontre inoubliable avec un témoin de la foi, une redécouverte de l’essentiel de la vie humaine, une confiance retrouvée,  etc… Osons-nous faire confiance à ceux qui nous ont précédés sur le chemin de la rencontre et qui nous disent  « vas-y, ne crains pas ! » Comme aimait à le répéter Benoît XVI : « Celui qui fait entrer le Christ dans sa vie, ne perd rien, rien – absolument rien de ce qui rend la vie libre, belle et grande. Non ! Dans cette amitié seulement s’ouvrent largement les portes de la vie. Dans cette amitié seulement, se libèrent réellement les grandes potentialités de la condition humaine. […] Chers jeunes : n’ayez pas peur du Christ ! Il n’enlève rien, et il donne tout. Celui qui se donne à lui, reçoit le centuple. Oui, ouvrez, ouvrez tout grand les portes au Christ – et vous trouverez la vraie vie. ».[1]

Aller jusqu’au bout de la rencontre !

« Seigneur : je fais don aux pauvres de la moitié de mes biens, et si j’ai fait du tort à quelqu’un, je vais lui rendre quatre fois plus. » (Lc 19, 8) Zachée n’en reste pas à un accueil de courtoisie, mais il va jusqu’au bout de ce que cette rencontre suscite en lui comme conversion… Oui, rencontrer le Christ peut bouleverser nos vies, mais non pas vers une aliénation, une diminution de notre être, mais plutôt pour un surcroit de vie ! Ainsi les changements à opérer dans nos vies, ne sont pas de l’ordre d’un ascétisme ou d’une morale à suivre dorénavant à la lettre, mais disons plutôt que la rencontre du Christ nous donne la force de réaliser enfin ce que nous voulions faire, ce qui nous habitait mais que nous n’osions pas envisager sérieusement. C’est donc une réelle libération de notre être, que le Christ veut et peut opérer en nous !

N’ayons-donc pas peur de prendre les moyens d’avancer à la rencontre du Christ !

Pour cela, repérons le bon arbre à escalader,

Croyons d’avance que le Christ nous répondra,

Et allons jusqu’au bout de la rencontre !



[1] Benoît XVI, Homélie de la messe inaugurale de son pontificat.

Ce contenu a été publié dans Commentaires de l'évangile dominical. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

8 réponses à Sur quel arbre grimper ?

  1. KIENTEGA REMI dit :

    Oui, monter sur l’arbre de la conversion: accepter son état, l’accueillir et décider de quitter. Zachée est un exemple en qui tout homme peut se reconnaître si on est attentif aux événements et personnes qui nous entourent.
    Merci pour ce partage. Que chacun retrouve son arbre, y grimper afin de trouver la vie.

  2. Monique dit :

    Voilà, cher Benoît, le genre de paroles qui me laissent totalement perplexe ! J’envie ceux qui comprennent, mais moi, je ne comprends pas. Afin que personne ne pense que je suis de mauvaise foi (!), prenons une analogie : moi, je ne pourrais pas parler du Togo, je n’en ai pas l’expérience. Je ne pourrais pas dire non plus comment on se sent dans les crises de malaria, je ne connais pas ça d’expérience. Par contre, j’ai une certaine idée de la migraine pour l’avoir pratiquée (!) pendant 30 ans. De l’amour, pour avoir aimé. Je sais ce que c’est que de ne pas vouloir le retour des migraines, et je sais aussi ce que c’est que garder en soi, pour toujours, comme on disait la semaine dernière, les amours qu’on a vécues. En même temps, je ne peux dire à quelqu’un : « Aime » ; l’impératif n’a pas de sens ici. Vous dites : «Tous ceux et celles qui ont fait une expérience de rencontre du Christ peuvent témoigner de cela ». OK, mais les autres ? Je pourrais moi aussi dire : « Toutes celles qui ont fait l’expérience de la maternité peuvent témoigner d’elle. » Mais encore une fois, les autres, elles ? Or dans votre commentaire, P. Benoît, j’ai le sentiment que c’est des autres dont vous parlez. Ou plutôt « aux autres » à qui vous conseillez de « grimpigner » (Sol) leur sycomore ! Théoriquement, je peux essayer de me faire une idée de ce que ça pourrait vouloir dire, mais « se faire une idée » et la réalité concrète dont on parle aujourd’hui, dont vous parlez, c’est, selon moi, deux choses différentes, sinon opposées. Aussi, je ne comprends pas. Creuser l’évangile, disiez-vous. En effet, creuser et méditer les évangiles, c’est déjà un certain « se rapprocher ». Mais vous avouerez que les évangiles ne sont pas limpides non plus ! Et qu’on risque fort de « s’en faire une idée »… ce qui nous éloignerait de la rencontre que vous souhaitez pour nous. Vous voyez pourquoi je suis perplexe ?

    La semaine dernière, il était question du pharisien qui faisait tout pour être accueilli auprès de Dieu et c’est l’autre qui fut exaucé. Aussi je me demande si participer à un groupe de prières, visiter les monastères et autre Compostelle, je me demande si tout ça rapproche de Dieu. En vérité, je veux dire. En fait, l’expérience que j’en ai, soyons honnête, me montre que non. Me montre qu’il faut déjà avoir été rencontré par Dieu, l’agent de la rencontre – quelle manière terrible de parler ! -, pour que ces activités pieuses soient significatives. Alors ? ? ?

    En fait, je suis perplexe parce que cela m’importe, grands dieux ! Et que cela m’importe parce que c’est important ! Mais bon, Zachée me restera obscur encore une année, je suppose, soit jusqu’à ce qu’il revienne à la messe un bon dimanche… !
    (Pardonnez-moi, je n’ai pas le talent des abonnés de Twitter…)

    • Frère Benoît dit :

      Juste une précision… Faire le chemin de Compostelle, prendre une semaine de retraite dans un monastère, passer le seuil d’une Eglise où lire un bon bouquin sur la foi chrétienne, n’ont pour moi, rien à voir avec des « activités pieuses » (je déteste d’ailleurs cet adjectif « pieux », mais qui je crois n’a pas la même connotation en québécois)… Preuve en est que sur le chemin de Compostelle, comme dans les Abbaye on retrouve beaucoup de personnes qui n’ont pas la foi, mais qui sont en recherche… Je dirai plutôt que ce sont des moyens pour honorer sa quête intérieure diffuse et parfois laissée à l’abandon…

      • Monique dit :

        Vous avez raison, Benoît, j’avais tout faux. Mais à ma décharge, il faut dire deux choses : 1. vos commentaires à vous sont en vue d’enseigner (je me trompe ?) ; 2. les miens ne sont que réactions méditatives à vos propos. Or si je ne vais pas, en méditant, jusqu’au fond de mon ignorance, je ne pourrai pas trouver un sol solide d’où faire germer quelque chose de votre enseignement.

        Ensuite, « pieux », pour moi désigne l’utilisation que les Grecs en faisaient : une sorte de tendresse, de respect et de fidélité envers Dieu. Il est vrai que dans mon texte, le ton peut porter à confusion. Ce que je dis, c’est que ces activités, qui en elles-mêmes correspondent à une certaine ferveur, ne sont pas garantes d’une rencontre avec Dieu. Et qu’elles restent souvent vides de sens. Peut-être que l’usage médiatique qu’on en fait à souhait de nos jours m’a détournée de cette notion de « quête intérieure diffuse » que vous rappelez.

        Mais justement, j’allais revenir là-dessus aujourd’hui afin de rassurer les lecteurs du blog sur mes débordements méditatifs – ou mes méditations at large. À partir de ces paradoxes dont je faisais état, et comme je ne pouvais descendre plus bas dans ma perplexité, il a bien fallu que je médite davantage. La vie DOIT avoir un sens. Et j’ai trouvé ! Sinon la réponse au moins une réponse à cette question : quid du sycomore ?

        Rassurez-vous, je ne vais pas en rajouter mais disons que ma « trouvaille » est tout à fait en droite ligne avec cette expression que vous employez souvent, et encore ici dans votre réponse : « honorer sa quête intérieure ». C’est la quête intérieure, c’est-à-dire l’amour qui change toute cette histoire. C’est l’amour qui est mon sycomore. Dieu que je n’ai pas rencontré, dont je n’ai pas l’expérience, dans l’amour, dans mon désir, dans ma quête, je le rencontre, j’en fais l’expérience. C’est que dans l’amour, l’aimé est présent en moi. Ainsi, je suis bien « ego-iste », « ego-centrée », si j’attends que Dieu se manifeste à moi le premier. Vous disiez que parfois, Dieu se manifeste le premier ; c’est pur don alors.

        J’ai essayé de développer ensuite cette idée de l’amour comme sycomore, mais je vous fait grâce… Merci, P. Benoît, de ne pas me laisser m’égarer.

        • Monique dit :

          Vous pardonnerez la belle faute de français qui brille au dernier paragraphe ?

        • Frère Benoît dit :

          Juste une citation du pape François dans Lumen Fidei, qui me semble bien à propos : « Puisque la foi se configure comme chemin, elle concerne aussi la vie des hommes qui, même en ne croyant pas, désirent croire et cherchent sans cesse. Dans la mesure où ils s’ouvrent à l’amour d’un cœur sincère et se mettent en chemin avec cette lumière qu’ils parviennent à saisir, ils vivent déjà, sans le savoir, sur le chemin vers la foi. » n°35

          • Monique dit :

            « Puisque la foi/ se configure/ comme chemin/, elle concerne/ aussi /la vie des hommes/ qui, même en ne croyant pas,/ désirent/ croire/ et cherchent/ sans cesse/. Dans la mesure/ où ils s’ouvrent/ à l’amour/ d’un cœur sincère/ et se mettent en chemin/ avec cette lumière/ qu’ils parviennent à saisir,/ ils vivent déjà,/ sans le savoir/, sur le chemin/ vers la foi./ » (Lumen Fidei, n°35)

            Voyez, P. Benoît, l’idée que j’ai eue pour saisir toute la sagesse – au sens profond de ‘sapere’ = ‘avoir du goût’ – de ce petit texte que vous transcrivez, texte tellement plein qu’il laisse sans voix. – Un petit paragraphe qui va droit au cœur ! En séparant les concepts (je n’aime pas ce mot technique mais c’est le seul que nous ayons) par mes barres obliques, j’ai pu voir combien chaque mot, chaque mot, est lourd de sens et combien il n’en manque pas un !

            J’ai pensé un moment avec un peu d’effroi, je l’avoue : Quel programme ! Mais tout de suite après : Mais non, cet amour, l’amour tout court, n’est pas un programme ! Ou s’il en est un, ce serait dans le sens très actuel de « c’est ainsi que nous, les humains, nous sommes ‘programmés’ ». Aristote (!) avait donc raison quand il disait en son temps, et à toute première phrase de sa Métaphysique, souvenez-vous : « Tous les hommes désirent ‘naturellement’ voir » ! Mais la question demeure : Que désirent-ils ainsi, et par nature, voir ? J’incline à penser, après avoir lu cet extrait de Lumen Fidei, que ce qu’ils désirent voir est résumé là, dans ce petit paragraphe dont vous vous êtes souvenu, Benoît. Je vois aussi pourquoi la dernière partie la Métaphysique aristotélicienne culmine sur la question de Dieu… Partie qui en trouble encore plusieurs… Et moi avec. Avant !

  3. Thérèse L.-Vézina dit :

    Que de littérature pour concilier foi et philosophie ! La croyante que je suis en perd son latin mais retrouve son sycomore — aux fruits comestibles — dans l’affirmation à l’effet que :
    « Le christianisme est un mystère divin que seule la foi permet d’approcher. »

Répondre à Thérèse L.-Vézina Annuler la réponse

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *