16 février 2014, 6ème dimanche du temps ordinaire, année A, Mt 5,17-37 /
Que d’exigences dans cette page d’évangile : ne pas se mettre en colère contre son frère, ne pas désirer du regard la femme d’autrui, supprimer le membre qui nous entraine au péché, ne faire aucun serment… Mais est-ce possible ? Mettre la barre si haute ne risque-t-il pas de décourager ? En fait, ne nous y trompons pas, ce n’est pas par ses discours que Jésus accomplit la loi de Moïse, mais par sa propre vie, ses propres attitudes… N’interprétons donc jamais les propos de Jésus en dehors de ce que fut sa vie : il s’est mis en colère au Temple ; il n’a pas condamné la femme (ni l’homme) adultère ; il ne s’est pas mutilé et n’a invité aucun de ses disciples à le faire ; il n’a fait aucun serment mais a agi avec justesse en chaque situation ! Ainsi, puisque le chrétien est configuré au Christ ressuscité, il peut, par la force de l’Esprit Saint qui le sanctifie, se libérer de l’homme ancien et revêtir cet homme nouveau révélé par le Christ ! Trois attitudes alors : accomplir la loi, aller à la racine, revêtir le Christ.
Accomplir la loi !
« Je vous laisse un commandement nouveau : aimez-vous les uns les autres, comme je vous ai aimés ! » (Jn 13,34) Voilà finalement à quoi se résume la loi nouvelle apportée par le Christ, ou plutôt l’accomplissement de la loi ! Alors surtout, ne saisissons pas les propos de cet évangile pour nous enfermer et enfermer les autres dans des préceptes qui mutilent, qui emprisonnent, qui empêchent de vivre ! Situons-les plutôt dans ce long et lent cheminement de l’humanité qui doit apprendre à aimer pour entrer dans la vie de Dieu. Dans une première étape, la loi de Moïse a donné les règles de base à respecter pour permettre de vivre ensemble : ne pas tuer, ne pas voler, ne pas tromper… Mais l’amour nous invite à plus que le minimum requis : « Une fois pour toutes t’est donc donné ce court précepte : AIME ET FAIS CE QUE TU VEUX ; si tu te tais, tais-toi par amour ; si tu parles, parle par amour ; si tu corriges, corrige par amour ; si tu pardonnes, pardonne par amour ; aie au fond du cœur la racine de l’amour : de cette racine il ne peut rien sortir que du bon » (st Augustin, commentaire de la première épitre de Jean 1 Jn 7.8).
Aller à la racine !
Le Seigneur nous invite donc à revoir toutes les propositions de la loi, non dans une approche scolastique qui pinaille sur les détails et qui recherche des solutions acceptables ou des compromis, mais en s’attaquant à la racine des problèmes. Si l’on bannit de son cœur la moindre colère, la question du meurtre ne se pose plus. Si l’on résout nos différends avec nos frères, nous n’avons plus de raison de nous mettre en colère. Si l’on enlève de son cœur le désir impur, la question de l’adultère ne se pose plus. Si l’on vit dans la vérité l’instant présent, il n’y a plus à faire de serment… Pour aller encore plus à la racine, si l’on aime son frère, si l’on cherche à comprendre ses blessures, ses difficultés, si l’on pose un regard bienveillant sur lui, si l’on cultive le pardon, alors on se libère de toutes ces questions : « C’est pour que nous restions libres que le Christ nous a libérés. Donc tenez bon et ne vous remettez pas sous le joug de l’esclavage [de la loi]. » (Ga 5,1)
Revêtir le Christ !
« Vous tous en effet, baptisés dans le Christ, vous avez revêtu le Christ. » (Ga 3,27) Comme je le disais en introduction de cette méditation, finalement il s’agit toujours de contempler les façons d’être et d’agir du Christ et les faire nôtres ! Les propos du Christ ne sont là que pour nous donner des clefs de lecture de ce qu’il vit. Nous n’avons donc pas à nous demander s’il faut nous arracher les yeux, où nous émasculer (comme Origène), mais à nous laisser configurer au Christ, par la force de son Esprit. L’attitude fondamentale ne consiste donc plus à vouloir maîtriser notre vie dans ses moindres détails, mais au contraire à nous désapproprier de nous-même, à ne plus centrer nos énergies et nos attentions sur nous-même, mais sur le Royaume en marche et sur nos frères, particulièrement nos frères souffrants. Croyez-vous que la bienheureuse Térésa de Calcutta serait parvenue à un tel degré de sainteté, si elle était restée dans son rôle de sage enseignante, cherchant une vie de perfection par l’observation des préceptes religieux ? C’est en « sortant vers les périphéries » (cf. pape François) qu’elle a réellement revêtu le Christ ! Oui, l’amour peut nous entraîner loin, bien plus loin que l’observance de la loi, si exigeante soit-elle !
Alors, que cette page d’Évangile ne nous fasse pas peur, il s’agit tout simplement :
D’accomplir la loi, d’aller à la racine et de revêtir le Christ !
Oui, l’accomplissement parfait de la loi: c’est l’AMOUR. Sans Amour tout est vain et résonne de la cymbale: 1 Co 13. Le sourire, l’attention, l’accueil et jusqu’à accorder son temps à écouter le prochain, sont de simples gestes d’amour qui sauvent, qui consolent et qui redonnent vie. Voilà des gestes si simples qui nous permettent de revêtir le Christ et de l’apporter aux autres.