Accepter notre condition humaine !

9 mars 2014, 1er dimanche de carême, année A, Mt 4,1-11 /

Oui, finalement, n’est-ce pas là la grande tentation ? Ne pas accepter notre condition humaine et chercher à la fuir par tous les moyens ! N’est-ce pas ce dont nous parle le récit d’Adam et Eve, qui ne nous renvoie pas aux origines de l’humanité mais aux défis qui se posent, de tout temps, à tout être humain ? N’est-ce pas ce dont nous parle le récit des tentations de Jésus que le démon voudrait détourner de son Incarnation ? Face aux difficultés et aux choix quotidiens que nous avons à faire, ferons-nous confiance à Dieu, ou chercherons-nous des solutions avec nos propres forces, quitte à tisser des pactes mortifères avec le Mal ?

Accepter notre condition humaine qui reçoit tout de Dieu !

Les tentations de Jésus sont clairement des tentatives, de la part du démon, de le détourner de son Incarnation, de sa condition humaine : « Pourquoi donc te laisser embêter par tout cela ? Fais donc le Dieu que tu es : transforme les pierres en pains, jette-toi du haut du temple, prends pouvoir sur tous les royaumes ! » Cela ne rejoint-il pas la tentation de tout être humain, évoquée par le récit de la Genèse : « Pourquoi donc te laisser embêter par tout cela ? Tu peux être ton propre dieu : accapare les biens dont tu as besoin, sers-toi de la magie pour arriver à tes fins, domine les autres sans scrupules ! » Et voilà comment, par peur de manquer, on en vient à confisquer les biens de la terre : 1% des personnes les plus riches possédant à elles seules la moitié des richesses du monde, les autres 99% se partageant l’autre moitié ! (Rapport d’Oxfam de janvier 2014) Jésus au contraire va garder confiance en son Père et « des anges le serviront »… Le récit de la genèse nous dit que « Dieu fit pousser du sol toute espèce d’arbres agréables à voir et bons à manger », c’est-à-dire qu’il pourvoit abondamment aux besoins des hommes ! Ne nous laissons pas prendre par ces peurs agitées des « étrangers qui viennent manger notre pain », mais rappelons-nous que nous avons le devoir de rendre, à chacun, la part qui lui revient des biens de la terre, donnés en abondance ! Ne jouons pas aux petits dieux mais acceptons notre condition humaine qui reçoit tout de Dieu !

Accepter notre condition humaine qui n’est pas maître des forces de la nature !

La deuxième tentation -demander des miracles pour utiliser Dieu à ses propres fins- nous met en garde contre l’attrait pour l’extraordinaire, contre le merveilleux, contre le magique. Là encore pour dominer sa condition humaine, l’être humain va chercher à utiliser la religiosité, les forces magiques, le merveilleux pour arriver à ses fins et jouer au petit dieu. Cette tentation s’exprime de bien des manières différentes, suivant les cultures, mais elle demeure toujours forte : forces occultes, magie noire, fétiches en terres africaines mais aussi religion manipulée, extrémisme, fanatisme sous bien des cieux ou encore sciences idolâtrées, manipulations de l’être humain ou exploitation de la nature en Occident. Jésus va au contraire accepter sa condition humaine, ne pas manipuler les forces mystérieuses à ses propres fin, mais orienter toutes ses forces vers l’amour et un amour qui le mènera jusqu’à la croix ! Ne jouons pas aux apprentis sorciers mais acceptons notre condition humaine qui n’est pas maîtresse des forces de la nature !

Accepter notre condition humaine qui trouve sa joie dans le service et non dans la domination !

La troisième tentation concerne la fascination pour le pouvoir ! Ici, ce n’est vraiment pas la peine de s’étendre en exemples, ils nous crèvent les yeux : ces dirigeants qui commencent parfois leur carrière pleins de bonnes intentions mais qui, finalement, s’accrochent à leur fauteuil, ces petits chefs qui deviennent tyranniques, et tous les petits royaumes qui sont sous notre coupe et que nous aimons contrôler au mépris des autres… Oui, l’ancien testament véhiculait bien une figure de Messie puissant et triomphant, mais c’est plutôt le « serviteur souffrant » qui sera la référence pour Jésus ! Ne jouons pas au tyran, une attitude qui ne peut être que source de malheur, mais acceptons notre condition humaine qui trouve sa joie dans le service et dans l’amour !

Jésus ne s’est pas laissé détourner de sa condition humaine alors qu’il aurait pu légitimement « faire prévaloir le rang qui l’égalait à Dieu » (cf. Ph 2)… Alors nous, qui nous berçons d’illusions lorsque nous nous prenons pour dieu, nous laisserons-nous manipuler par les tentations qui nous habitent ou emprunterons-nous, humblement, le chemin de notre condition humaine… sauvée par Dieu ?

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Une réponse à Accepter notre condition humaine !

  1. Monique dit :

    Oh la, la ! un grand mot est lâché cette semaine : notre condition humaine ! On a beau accepter l’idée que Jésus de Nazareth, fils incarné de Dieu, avait, comme nous, la nature humaine, dans le concret, quand on nous fait penser que la nature humaine est une « condition humaine », alors là, difficile de se représenter la chose chez Lui. Il y a dans le mot « condition » quelque chose de lourd. On a qu’à faire l’exercice de trouver des expressions avec le mot « condition » et tout de suite on note une touche de pauvreté : on dit, pour ne prendre qu’un exemple : « dans sa condition d’esclave » mais non « dans sa condition de prince ».

    Bien sûr, dans votre billet, P. Benoît, nous lisons que cette condition humaine parle en fait de notre nature, qui n’est pas une nature divine. Nuance de taille : nous ne sommes pas des dieux, nous ne sommes pas Dieu. Mais le problème vient de ce que cette nature humaine a, entre autres caractéristiques, d’avoir de l’imagination – ce qu’une chaise n’a pas. Tous les travers, tous les abus dont vous faites états, P. Benoît, ne viennent-ils pas de cette imagination ? Je m’imagine tout-puissant, je m’imagine maître et possesseur de la nature, je m’imagine roi de mon secteur d’activité et le dominant, j’imagine la gloire qui retombera sur moi, alors, j’imagine que chaque jour m’apportera plus d’argent, que celui qui m’a humilié jadis en prendra pour son rhume, etc., etc…

    La question qui surgit : Au nom de quoi garder en retrait le bien que mon imagination me fait désirer ? Comment choisir entre le bien qui ne relève pas de mon imagination, Dieu, et celui que je peux me représenter et sentir dans un frisson ? Vous posez bien le problème que je soulève quand vous écrivez : « Face aux difficultés et aux choix quotidiens que nous avons à faire, ferons-nous confiance à Dieu, ou chercherons-nous des solutions avec nos propres forces ? » Votre réponse, évidemment, transparaît bien sûr dans votre question mais il reste cette difficulté bien réelle, bien présente, de cette imagination, un caractère de notre nature humaine – et là, oui, je dirais de notre « condition humaine » puisque notre nature garde quelque chose de l’animal, les sens et l’imagination. Faut croire que cette « confiance en Dieu » ne relève pas de l’imagination… qu’on est censés savoir faire taire ? Comment ?

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