Quelles faims et quelles soifs ?

23 mars 2014, 3ème dimanche de carême, année A, Jn 4,5-42 /

Dans ce beau récit de la rencontre de Jésus et de la Samaritaine, il en va fondamentalement de faims et de soifs à assouvir : de la part de Jésus, de la part de la Samaritaine, de la part des disciples… Et bien sûr, les quiproquos ne manquent pas : « Seigneur, donne-la-moi, cette eau, que je n’aie plus soif, et que je n’aie plus à venir ici pour puiser. » ou encore « ‘Pour moi, j’ai de quoi manger’… les disciples se demandaient ‘Quelqu’un lui aurait-il apporté à manger ?’ » En ce temps de carême, où nous sommes invités à jeûner, n’en va-t-il pas justement de ces véritables faims à assouvir, de ces véritables soifs à creuser… et des éternels quiproquos entre le souci du contenu de nos assiettes et le souci du contenu de nos cœurs ? Ne s’agit-il pas « d’adorer le Père en esprit et en vérité » ?

Quelle soif ?

Le Seigneur dit à la Samaritaine : « Donne-moi à boire. » : au plein soleil de midi, fatigué, cette demande est bien compréhensible… Mais n’entre-t-elle pas en résonnance avec cet autre midi, où le Seigneur, au bord de l’épuisement, dira sur la croix : « J’ai soif ! »… Oui il est homme, et son corps a besoin d’eau pour fonctionner, mais son cœur, lui, a besoin d’amour ! Cette soif fondamentale de Jésus, c’est que l’on réponde à son amour, que l’humanité réponde à l’amour de Dieu. Il semble parfois fatigué sur la route, par l’endurcissement des cœurs rencontrés, mais sa soif d’amour ne peut se taire pour autant. Et dans son ultime cri sur la croix, ne dit-il pas : « Voyez de quel amour je vous aime, répondrez-vous à cet amour ? J’ai soif…» ? Le Seigneur ne quémande-t-il pas auprès de la Samaritaine, comme auprès de chacun de nous, un peu d’amour ? Celle-ci semblait bien rechercher, effectivement, un amour qui la comblerait, mais sans succès avec ces cinq maris (plus un)… Et nous-même, ne nous trompons-nous pas bien souvent de but en cherchant à apaiser notre soif d’amour bien maladroitement : par le plaisir charnel, par le désir de plaire, par le désir de posséder… alors que le véritable amour n’est pas à accaparer mais à recevoir d’un autre ?

Une soif inextinguible !

Entre la soif et la faim, il y a me semble-t-il une différence sensible : la faim, on peut s’en accommoder plusieurs jours et puiser dans ces réserves, mais la soif a un caractère plus impératif et plus urgent. On ne vit pas très longtemps sans eau… Cette soif d’amour est donc urgente et nécessaire pour notre quotidien. Cherchons-nous, chaque jour, à donner un peu (ou beaucoup) d’amour autour de nous, et acceptons-nous humblement de nous laisser aimer (c’est parfois plus difficile encore) ? Mais surtout, avons-nous conscience que notre soif ne sera jamais assouvie ici-bas ? Que toutes nos expériences partielles d’amour ici-bas sont, pour nous, des lieux d’apprentissage d’un amour plus ouvert, plus universel : celui dont nous vivrons auprès de Dieu ? C’est bien ce dont nous parle Jésus à travers l’image de l’eau vive : « Tout homme qui boit de cette eau aura encore soif ; mais celui qui boira de l’eau que moi je lui donnerai n’aura plus jamais soif ; et l’eau que je lui donnerai deviendra en lui source jaillissante pour la vie éternelle. » (Jn 4,13-14)

Mais, en attendant, nous avons de quoi nous nourrir !

« Pendant ce temps, les disciples l’appelaient : ‘Rabbi, viens manger.’ Mais il répondit : ‘Pour moi, j’ai de quoi manger’… ‘ Ma nourriture, c’est de faire la volonté de celui qui m’a envoyé et d’accomplir son œuvre.’ » (Jn 4,31… 34) Oui, en attendant d’assouvir notre soif inextinguible, nous avons de quoi nous nourrir : rechercher la volonté de Dieu, se nourrir de sa Parole et les mettre en œuvre, voilà vraiment ce qui peut nous mobiliser au quotidien, nous donner sens, entretenir l’espérance. Nous voici donc au cœur du carême : le jeûne pour reprendre conscience de notre soif inextinguible et que l’homme ne vit pas seulement de pain ; la prière pour faire toujours plus nôtre la volonté du Père et l’aumône pour « accomplir l’œuvre de Dieu » : un monde plus juste et fraternel !

Oui, fondamentalement, de quoi avons-nous soif ?

Cette soif est-elle à satisfaire ici et maintenant ou à entretenir ?

En attendant, nous avons de quoi nous nourrir…

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