De drôles de modèles !

29 juin 2014, Saint Pierre et saint Paul, apôtres, année A, Mt 16,13-19/

Saint Pierre et saint Paul

Saint Pierre et saint Paul

Pierre et Paul, fêtés ce dimanche : quels drôles de piliers le Seigneur s’est-il choisis pour fonder son Église ! Un zélé pharisien persécuteur des premiers chrétiens et un humble pêcheur, prompt à se jeter à l’eau mais dont la fougue ne résiste pas aux premières épreuves qui se présentent. Bien sûr ce n’est pas par hasard que Dieu fit ce choix, mais pour bien signifier, dans la logique de tous les élus de l’ancien testament jusqu’à aujourd’hui, que ce n’est pas pour leurs mérites, leur intelligence, leur perfection qu’ils ont été choisis, mais uniquement pour être des instruments de la grâce de Dieu. Il suffit de penser à Jacob, ce fourbe qui avait usurpé le droit d’aînesse de son frère Esaü ; ou encore au petit David, que son père n’avait même pas osé présenter au prophète Samuel ; ou, plus près de nous, à une Bernadette Soubirous, illettrée et sans le sou… et la liste pourrait être longue ! Cela n’est-il pas une heureuse nouvelle pour chacun d’entre nous ? Tous, nous sommes des élus de Dieu, non pas pour nos mérites, mais à travers nos fragilités, nos limites et même notre péché qui, étonnement, peuvent devenir de grands atouts au service du Royaume si on les laisse être traversés par la grâce de Dieu. Apprenons-donc du parcours de Pierre et Paul : deux zélés convertis, deux traitres pardonnés, deux pécheurs sauvés !

Deux zélés convertis !

Nous connaissons bien le parcours de Saul, ce zélé pharisien, pensant défendre Dieu et la foi en persécutant les chrétiens, et soudainement retourné par sa rencontre avec le Ressuscité sur le chemin de Damas. Son zèle, il va dorénavant le mettre au service de Jésus Christ et de son Église ! Il en va de même pour Pierre, celui-ci également se montre bien zélé dans sa suite du Christ : c’est le premier à se jeter à l’eau, mais aussitôt il coule et Jésus de lui dire : « homme de peu de foi »… C’est toujours le premier à prendre la parole : « Tu es le Fils du Dieu vivant. » (Mt 16,16) mais une affirmation ambiguë qu’il prolongera juste après en affirmant que ce Fils de Dieu ne doit pas souffrir : « Dieu t’en préserve, Seigneur ! Non cela ne t’arrivera pas ! » (Mt 16,22) qui lui vaudra la répartie cinglante de Jésus : « Passe derrière-moi Satan !… Tes vues ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes. » (Mt 16,23) Interrogeons-nous donc sur nos propres zèles mal placés… Peut-être sommes-nous zélés au niveau de la réussite humaine : recherche de pouvoir, d’argent, de plaisir… Peut-être sommes-nous zélés dans notre façon de comprendre la foi : étendards en avant, combat contre les non-chrétiens, appels à la puissance exterminatrice de Dieu… Peut-être sommes-nous zélés dans nos œuvres, mais des œuvres accomplies plutôt pour notre gloire que pour la gloire de Dieu ! Alors, demandons à Dieu de convertir notre zèle mal placé, pour mettre toutes nos énergies au service de l’avènement du Royaume de Dieu en nous et autour de nous, c’est-à-dire, finalement au service de notre véritable bonheur !

Deux traîtres pardonnés !

Oui Saul avait trahi sa foi en Yahvé en croyant qu’elle lui donnait le droit de mettre à mort les chrétiens. Il avait trahi le Dieu « de tendresse et de pitié, lent à la colère et plein d’amour » (Ps 103,8) qu’il devait pourtant chanter dans les psaumes très souvent… Pierre toujours prompt aux belles promesses avait juré : « Dussé-je mourir avec toi, non, je ne te renierai pas. » (Mt 26,35) et on connaît la suite : non seulement absent au pied de la croix mais encore reniant Jésus par trois fois ! J’aime à dire que Pierre est bien plus traître que Judas ! Car Judas a juste permis aux autorités juives de se saisir de Jésus, ce qui, de toute façon, allait se produire un jour ou l’autre. Par ailleurs, on ne sait pas trop ses raisons, certains suggèrent qu’il voulait forcer Jésus à se manifester comme le Messie triomphant… Mais Pierre, lui, abandonne Jésus et le renie par trois fois alors qu’il avait juré le contraire ! Alors, qu’elle est la différence entre Judas et Pierre, pourquoi l’un s’est-il perdu tandis que l’autre est devenu saint et la pierre de fondation de l’Église ? Tout simplement car Judas, après son geste, a désespéré de lui-même et de la miséricorde de Dieu et s’est donné la mort, tandis que Pierre est revenu à Jésus et a accepté sa miséricorde. Non les saints ne sont pas des êtres parfaits, mais des êtres qui reviennent sans cesse au Seigneur et se laissent pardonner, être relevés par lui, être petit à petit transfigurés par la grâce de Dieu ! Oui, nous aussi, nous trahissons notre foi en Jésus Christ, mais le Seigneur est toujours prêt à nous pardonner, à nous relever, à nous offrir sa grâce en abondance. Prendrons-nous le chemin de Pierre et de Paul, ces traîtres pardonnés ou celui de Judas, ce traître désespéré ?

Deux pécheurs sauvés !

Oui Pierre et Paul furent des pécheurs, avant et après leur rencontre avec le Christ, mais ils firent au cœur de leur péché l’expérience du Salut… Lorsqu’on a demandé au pape François : « Qui est Jorge Mario Bergoglio ? », il répondit : « Je ne sais pas quelle est la définition la plus juste… Je suis un pécheur. C’est la définition la plus juste… Ce n’est pas une manière de parler, un genre littéraire. Je suis un pécheur sur lequel le Seigneur a posé son regard. » Et c’est ce que signifie sa devise : «Miserando atque eligendo » (Faisant miséricorde, il le choisit !) Et le pape a demandé à plusieurs reprises de témoigner que nous sommes des pécheurs sauvés et non pas des parfaits… Car les parfaits, on ne peut s’y identifier, mais des pécheurs sauvés, c’est un chemin de vie pour tous !

Alors oui, contemplons Pierre et Paul, ces drôles de modèles, et, comme eux,

laissons-nous faire par la grâce de Dieu pour devenir :

Des zélés convertis, des traîtres pardonnés, des pécheurs sauvés !

 

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2 réponses à De drôles de modèles !

  1. Daniela et Christian Sacy dit :

    ‘ Tel est son péché (non pas le seul en stricte rigueur), mais le seul que Dieu veuille vraiment lui voir pleurer, les autres étant, soit négligeable,soit conséquence de ce pêché fondamental. Pierre ne peut comprendre ce pêché tant qu’il n’a pas entrevu le visage d’un amour infini qu’il persécute, mais il ne peut découvrir ce visage sans découvrir en même temps qu’il le persécute: Le pêché de Pierre consistant à ignorer par sa faute le visage le plus profond et le plus précieux de son maître.’ Ta méditation nous a rappelé ce passage de Bernard Bro dans son livre ‘Aime et tu sauras tout’

  2. Monique dit :

    J’aime beaucoup, P. Benoît, comment vous avez campé les trois piliers que nous connaissons de nom depuis notre enfance, Judas, Pierre et Paul, mais que jamais, pour ma part en tout cas, je n’avais ainsi pensé à découper comme des types. Et pourtant, il me semble maintenant, depuis votre exposé, qu’en effet ils peuvent être pour chacun des phares permettant de s’y retrouver dans le projet chrétien : celui qui a désespéré et ceux qui ont eu la simplicité naïve de demander miséricorde.

    Maintenant, lorsque après avoir été frappée par votre billet j’ai pris le temps de le méditer, ou plutôt de me laisser aller à la méditation que vos commentaires hebdomadaires m’inspirent chaque fois, je me suis demandée en quoi ces « phares » ou icônes, me sont un guide dans la vie. C’est que voyez-vous, nous, humbles mortels, ne menons pas notre vie à grands coups d’éclats comme Judas, Pierre et Paul. Notre vie est quotidienne et nos « péchés » sont des peccadilles. Je veux bien que nous ne soyons pas des saints mais en quoi cela fait-il de nous des pécheurs ? En quoi ma petite mesquinerie de cet après-midi fait-elle de moi un pécheur ? Car « pécheur » est un mot qui a du poids quand même ! Bon, je mens parfois pour sauver les apparences, je m’impatiente aussi mais si peu et pas toujours, je me laisse parfois aussi aller au ressentiment et même à l’apitoiement un tantinet désespéré (je prends des antidépresseurs quand ça m’arrive), mais en quoi cela fait-il de moi un pécheur ? Le péché, comme je le comprends, c’est du sérieux alors que mes petites imperfections sont si banales finalement, si ordinaires.

    Existe-t-il, bref, dans l’Église, un enseignement écrit et formulé en petits caractères ? Tous ces évènements modèles des ancien et nouveau testaments sont écrits en gros caractères et résonnent selon ce format pour nous. Mais vous auriez pas quelque chose d’écrit plus fin, quelque chose de moins tonitruant, qui me montrerait comment mener ma vie quotidienne de manière à être heureuse – car le malheur aussi est un péché, ou pour le dire autrement, est un penchant vers la mort. Je me dis que si les enseignements chrétiens sont une bonne nouvelle, ils doivent me dire comment être heureux, non ? Platon voulait parler de l’humain, c’est-à-dire de chacun de nous, et il a parlé de l’État et de la vie sociale ; on n’a pas compris ! On n’a pas vu le lien, pas vu l’analogie.

    À la messe, par exemple, nous répétons à satiété des formules martelant combien nous sommes pécheurs ! combien Dieu devrait avoir pitié de nous, pauvres pécheurs, combien un tel et un autre tel dans l’histoire sainte, ou dans l’évangile a été félon… Au final, quel guide puis-je en tirer pour ma semaine ? L’Histoire en gros caractères, c’est admirable ; mais ma vie à moi est un petit pois en comparaison : qui la remarque ? quel bruit fait-elle ? qui s’en trouve empêché de dormir ? Personnellement, en somme, j’aimerais des mots écrits résolument en petits caractères. En avez-vous ?

    Nous, humains, chrétiens même, ne sommes pas parfaits mais le contraire de parfait est-il « pécheur » ? Imparfaits peut-être, laids à la rigueur, mais « pécheurs »… ?

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