Jusques à quand ?

Les chrétiens ont quitté Mossoul

Les chrétiens ont quitté Mossoul

          Les regains de violence entre peuples, l’utilisation de la religion à des fins politiques, l’endoctrinement de jeunes, la volonté farouche de croire que pour exister il faut détruire l’autre… Jusques à quand Seigneur ? Peut-on rester silencieux face aux épurations ethniques ou religieuses ? Que faire ? Nous essayons, à notre mesure, de créer des occasions de rencontre et de dialogue, de proposer des lieux de réflexion et de connaissance de l’autre en vérité. Ce sont de petites gouttes d’eau, mais nous n’avons pas d’autres choix pour alimenter des fleuves de paix, de compréhension mutuelle, d’humanité…

Je ne peux m’empêcher de vous partager ce courrier d’un dominicain irakien, que j’avais connu durant mes années strasbourgeoises (transmis par Marie-Thérèse) :

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 Reçu le 18/07/2014 du père dominicain irakien Anis Hanna, o.p. (France)

 De tristes nouvelles de Mossoul

 Mardi 15 juillet 2014 : l’État islamique a décrété que les maisons des chrétiens appartiennent désormais à l’État islamique de l’Irak. Les maisons des chrétiens ont été marquées à l’extérieur par une signalisation : « propriété de l’État islamique. »

Jeudi 17 juillet : le dirigeant de l’État islamique a convoqué les dirigeants de la communauté chrétienne de Mossoul, dans le but de définir le statut des chrétiens dans l’État islamique. Aucun dirigeant de la communauté chrétienne n’était présent à cette convocation. Finalement un décret a été promulgué de la part de l’État islamique.

Voici le décret :

Nous avons informé les dirigeants des chrétiens de venir prendre connaissance de leur statut sous le régime de l’État du califat dans la province de Ninive. Ils ne se sont pas présentés au rendez-vous fixé.

Nous avons prévu pour eux les trois choix suivants :

1- se convertir à l’islam;

2- accepter le statut de dhimmi;

3- en cas de refus du premier ou du deuxième choix ils seront exécutés par l’épée.

Le prince des croyants, le calife Ibrahim a généreusement laissé aux chrétiens le choix de s’exiler par eux-mêmes à l’extérieur des frontières de l’État islamique. Cela doit être fait avant le dernier délai prévu pour le samedi 19 juillet 2014 à midi. Après ce délai, il n’y aura que l’épée.

Ce décret a été diffusé à Mossoul et remis à toutes les familles chrétiennes qui restaient encore à Mossoul. Il y avait à peu près 65 familles encore attachées à leur ville. Depuis jeudi après-midi, les familles chrétiennes commençaient à quitter la ville de Mossoul. Elles ont pris avec elles tout ce qu’elles pouvaient emporter : des objets de valeurs comme argent, bijoux, des documents, etc. Mais en quittant la ville, au point de contrôle, ces familles ont été complètement dépouillées de tout ce qu’elles avaient. Elles sont parties les mains vides ! La plupart de ces familles se sont trouvées, de nouveaux, réfugiées à Qaracoche. D’autres familles se sont dirigées vers Érbil, la capitale du Kurdistan.

Actuellement aucune famille, aucun chrétien ne se trouve à Mossoul. Tous ont abandonné la ville.

En outre, l’État islamique a coupé l’approvisionnement en eau potable des villes chrétiennes de Telkeif, Tellesqif, Batnaya. La peur et la panique ravagent le cœur des habitants de ces trois villes. Déjà, il y a un mois, la ville de Qaracoche (ville chrétienne de 45 milles habitants) a été sanctionnée pareillement par l’État Islamique.

Les habitants de Quaracoche ont trouvé une solution provisoire en creusant des puits d’eau potable. Le premier puits a été creusé et mis en fonction le samedi 12 juillet. On attend encore trois autres puits d’eau potable à creuser et à mettre en fonction.

Lundi 14 juillet : les cinq personnes kidnappées à Mossoul ont été libérées. Deux religieuses chaldéennes et trois jeunes orphelins restés quarante-cinq jours entre les mains des ravisseurs, ont été libérés. Le Patriarche Chaldéen a déclaré : « aucune rançon n’a été versée pour leur libération. »

En général, la situation des chrétiens irakiens reste très fragile en cette période dramatique où l’État islamique désire absolument appliquer sa feuille de route pour aller conquérir Bagdad et s’emparer du pouvoir dans la capitale irakienne.

Père Anis Hanna, o.p.

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 Par ailleurs je vous recommande cet article du journal La Croix :

 Que faire pour les chrétiens d’Orient ?

 Face à la situation difficile des chrétiens d’Irak, les chrétiens de France sont invités à se mobiliser, par la prière et la solidarité, mais aussi en demandant aux autorités de faire avancer la paix. Pour lire la suite cliquer ici...

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Je vous partage également ce petit mot du pape François à l’issue de l’Angélus du dimanche 20 juillet :

Chers frères et sœurs,

J’ai appris avec préoccupation les nouvelles qui parviennent des communautés chrétiennes à Mossoul (Irak) et d’autres parties du Moyen-Orient, où celles-ci, depuis le début du christianisme, ont vécu avec leurs concitoyens en offrant une contribution significative au bien de la société. Aujourd’hui, elles sont persécutées; nos frères sont persécutés, ils sont chassés, ils doivent abandonner leurs maisons sans avoir la possibilité de rien emporter avec eux. A ces familles et à ces personnes, je veux exprimer ma proximité et ma prière constante. Très chers frères et sœurs qui êtes si persécutés, je sais combien vous souffrez, je sais que vous êtes dépouillés de tout. Je suis avec vous dans la foi en Celui qui a vaincu le mal! Et à vous, ici sur la place et à ceux qui nous suivent à la télévision, j’adresse l’invitation à rappeler ces communautés chrétiennes dans la prière. Je vous exhorte, en outre, à persévérer dans la prière pour les situations de tension et de conflit qui persistent dans les diverses régions du monde, en particulier au Moyen-Orient et en Ukraine. Que le Dieu de la paix suscite en tous un authentique désir de dialogue et de réconciliation. La violence ne se vainc pas par la violence. La violence se vainc avec la paix! Prions en silence, en demandant la paix; tous, en silence… Marie, Reine de la paix, prie pour nous!

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Prions donc, soyons solidaires et faisons pression sur nos responsables… Faut-il rappeler que le christianisme est présent en Irak depuis les temps apostoliques, c’est-à-dire depuis la fin du premier siècle !

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La vie par ici

Au monastère bénédictin de Dzobégan

Au monastère bénédictin de Dzobégan

Rien de spécial cette semaine, sinon que nous sommes bien rentrés de notre escapade à Lomé et Kpalimé, le séjour annuel du noviciat à la rencontre des familles des novices, pour fournir également un trousseau aux novices finissants, et pour quelques visites. Nous avons pu cette année nous promener vers une cascade non loin de Kpalimé (qui n’était pas tout à fait facile d’accès), et visiter le monastère de Dzobégan, une abbaye bénédictine fondée par En Calcat….

Cette semaine les novices sont en retraite, sous la houlette du P. Vincent Kambere, au monastère d’Agban.

Bonne semaine, que le Seigneur vous soutienne dans vos choix, et n’oublions pas les chrétiens et les hommes de bonne volonté du Moyen Orient !

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2 réponses à Jusques à quand ?

  1. Monique dit :

    Jusques à quand ? Vous en avez de bonnes, P. Benoît ! Le texte d’Ésaïe dit bien ceci, n’est-ce pas ? : « Je dis : Jusqu’à quand, Seigneur? Et il répondit: Jusqu’à ce que les villes soient dévastées Et privées d’habitants ; Jusqu’à ce qu’il n’y ait personne dans les maisons, Et que le pays soit ravagé par la solitude; Jusqu’à ce que l’Eternel ait éloigné les hommes, Et que le pays devienne un immense désert,… » ! ! ?

    Ce que je comprends, c’est que ce ne sont pas de « tristes nouvelles » que nous avons de Mossoul, en Irak, par le P. Anis Hanna, il faudrait être sourds et aveugles pour appeler ce qui se passe en Irak « de bien tristes nouvelles » ! Autant dire « Le petit chat est mort » ! C’est le mot « dhimmi », que je ne connaissais pas, de la lettre du P. Hanna qui m’a réveillée. Une brève recherche Internet nous jette la réalité à la figure ! De sorte que je vous en prie, vous les missionnaires chrétiens – et tous les chrétiens qui se veulent missionnaires ou autres soldats du Christ – considérez que le mouvement de l’islam contre les chrétiens ne relève pas d’un caprice contextuel de guerre mais qu’il a le caractère des menaces contre la civilisation occidentale, et même plus, contre l’humanité. L’affaire ne relève pas de quelques chrétiens convaincus qu’il faut « tenir bon », elle relève des dirigeants des grands gouvernements à travers le monde non-islamique. Ou bien ils laissent périr la civilisation, ou bien ils se laissent avaler – et nous avec – comme ce qu’ont fait plusieurs pays européens au début de la 2e guerre mondiale. Je veux bien qu’il y ait des brebis immolées dans l’ancien Testament (c’est bien là ?) mais enfin… Où serait la gloire d’en reproduire le scénario à l’échelle humaine ? Je suis d’accord qu’il faut prier mais il faut prier loin du lieu du massacre où il ne sert à rien de se transformer en victimes. Il faut aussi prier le gouvernement de Vatican de sortir ses vielles antennes diplomatiques et d’entraîner avec habileté tous les Obama et autres David Cameron, Angela Merkel et cie à trouver une manière fine, efficace et urgente de réagir. À mesurer l’ampleur de ce qui se passe surtout. Un procès de Nuremberg et un verdict de crime contre l’humanité suivi de l’énoncé d’une charte « universelle » des droits de l’homme sont très édifiants mais ils sont arrivés après le fait. Il faut prier pour que ces grandes âmes aient le courage de bouger « avant » – si tant est qu’on peut encore dire « avant » dans le cas de l’avancée de l’islam…

    Ps Le mot « dhimmi » a deux sens dont le second est encore plus terrifiant que le premier, ce qui n’est pas peu dire ! Il faut voir !

    • Frère Benoît dit :

      Bonjour Monique…
      En forme de réponse et pour nuancer certains de tes propos, je te propose cet appel de Jean d’Ormesson en faveur des chrétiens d’Irak…
      (cf. Figaro du 2 août )
      Jean d’Ormesson* est chroniqueur, éditorialiste, écrivain et philosophe. Il est également membre de l’Académie française. Son dernier livre, «Comme un chant d’espérance», vient de sortir.

      Il se passe dans ce monde, et souvent autour de nous, et parfois même chez nous, beaucoup de choses affreuses et tout à fait inacceptables. En Libye, en Syrie, au Mali, dans plusieurs pays d’Afrique, en Ukraine, hier dans les Balkans, dans le Caucase, au Tibet – aujourd’hui encore, peut-être? -, avant-hier au Cambodge ou au Rwanda, des abominations ont été commises. L’origine et le sommet du mal, nous les connaissons. Elles sont européennes: Hitler et son national-socialisme, Staline et son communisme, les uns et les autres si longtemps acclamés par des populations aveuglées et par de soi-disant élites devenues folles.

      Dans un coin névralgique du Moyen-Orient, au nord de l’Irak, entre la Syrie, la Turquie et l’Iran, surgit soudain comme la foudre un péril formidable et nouveau: l’État islamique – le Daech, en arabe – d’Abou Bakr al-Baghdadi, dit le calife Ibrahim, il y a encore quelques semaines tout à fait inconnu.

      Mossoul et ses champs de pétrole sont déjà tombés. Bagdad, au nom prestigieux, siège, il y a un peu plus de mille ans, d’une des civilisations les plus éblouissantes de l’histoire, est sur le point d’être emporté. Depuis la chute de Saddam Hussein, ou peut-être plutôt depuis sa prise de pouvoir, l’Irak n’en finit pas de poursuivre son chemin de croix. Sunnites et chiites se massacrent sauvagement. Auprès de ce qui est en train de se développer autour du calife Ibrahim et de son Daech, al-Qaida apparaît comme une organisation largement dépassée en matière de terrorisme et de cruauté.

      Les conséquences de l’ascension fulgurante de l’État islamique sont imprévisibles. Le jeu politique risque d’en être largement modifié. Il n’est pas exclu que nous assistions à un rapprochement entre les États-Unis, la Russie, l’Iran – et peut-être même Assad – auquel personne n’aurait pu croire il y a encore trois mois.

      N’importe quoi d’inattendu et de terrifiant peut naître de la situation actuelle dans cette région du monde. Le plus clair, en tout cas, est qu’en proie à une des persécutions les plus cruelles de tous les temps les chrétiens d’Irak sont menacés d’extinction.

      Avec Abraham, légende ou réalité, la Mésopotamie et l’Irak sont à la naissance du judaïsme – et donc du christianisme. Les communautés chrétiennes d’Irak sont parmi les plus anciennes de l’histoire. Elles sont sur le point d’être exterminées.

      Il n’est pas question de réclamer un statut particulier pour les chrétiens où qu’ils soient. Mais il est tout aussi impossible d’accepter que les chrétiens d’Irak soient traités aujourd’hui comme ils le sont par l’État islamique en voie de constitution autour de Mossoul et peut-être, demain, de Bagdad.

      Une question est souvent posée: que peut-on faire pour les chrétiens persécutés? D’abord, ne pas les oublier. Prier pour eux si l’on est croyant. Agir en leur faveur par les voies politiques et diplomatiques. Les accueillir dans des pays où ils pourraient survivre. Leur témoigner de toutes les façons possibles une solidarité et un soutien. Faut-il que l’Europe soit faible et les Nations unies peu présentes pour avoir laissé se dérouler le fil des massacres annoncés! Le cardinal Barbarin, en se rendant aux environs de Mossoul en compagnie de deux prélats, n’a pas seulement apporté avec courage aux chrétiens d’Irak l’appui de l’Église de France. Il a sauvé l’honneur d’une Europe et d’un monde désespérément absents. Toutes les instances nationales et internationales ont le devoir de prendre les mesures nécessaires pour sauver ce qui peut encore être sauvé.

      Il est impossible de ne pas souligner aussi le mal que fait à l’islam un mouvement comme celui de l’État islamique d’Abou Bakr al-Baghdadi. L’islam est une grande et belle religion. Il faut la reconnaître, la respecter, l’honorer. Mais il faut aussi que les musulmans dénoncent eux-mêmes avec force les abominations du soi-disant État islamique. Nous dénonçons ici toutes les formes d’intolérance qui peuvent se présenter chez nous à l’égard de l’islam. Nous attendons des musulmans de France et d’ailleurs qu’ils dénoncent aussi les horreurs du califat de Mossoul et qu’ils le combattent activement.

      * Membre de l’Académie française

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