Humilité !

10 août 2014, 19ème Dimanche année A, Mt 14,22-33/

Nous ne le dirons jamais assez, l’humilité est une très grande vertu chrétienne ! Comment vivre la foi, l’espérance et la charité sans humilité ? Comment accueillir les conseils évangéliques de pauvreté, de chasteté et d’obéissance sans humilité ? Comment respecter l’autre dans sa différence et dans sa dignité sans humilité ? Contemplons, avec les textes de ce jour, comment la Parole de Dieu nous parle de l’humilité de Dieu, de l’humilité de la foi et de l’humilité dans nos actions !

Humilité de Dieu !

« Le murmure d’une brise légère. » ; « Le bruissement d’un souffle ténu. » ; « La voix d’un fin silence » (1 R 19,12) Quelles belles expressions pour nous parler du passage de Dieu sur la montagne de l’Horeb ! Non, Dieu n’était pas présent dans l’ouragan, ni dans le tremblement de terre, ni dans le feu, mais dans la voix d’un fin silence ! Cela ne nous donne-t-il pas un excellent critère de discernement face à tous ceux qui prétendent agir et parler au nom de Dieu ? Ceux qui en appellent aux armes et à la violence, n’ont pas grand-chose à voir avec le murmure d’une brise légère… Ceux qui prétendent réduire au silence ceux qui ne pensent pas comme eux, n’ont rien à voir avec le bruissement d’un souffle ténu… Ceux qui crachent des paroles de haine et de domination, sont bien loin de la voix d’un fin silence. Mais les larmes de celui qui ne supporte plus la violence, nous parlent, elles, de Dieu ! La prière confiante et fragile de ceux qui se tiennent sur la montagne, participe, elle, de ce souffle ténu ! Les mains du secouriste qui ne compte pas ses heures pour aller ramasser les corps mutilés par la guerre, ou du visiteur de malades qui ose quelques paroles de réconfort, apportent, elles, cette brise légère… Comment peut-on se tromper à ce point sur Dieu ? Fuyons tous les éclats de voix et soyons porteur de l’humilité de Dieu !

Humilité de la foi !

« Seigneur, si c’est bien toi, ordonne-moi de venir vers toi sur l’eau. » (Mt 13,28) Nous connaissons la suite : après quelques pas, Pierre coule ! Qu’est-ce qui fait la grandeur de Pierre ? Ses paroles enflammées, sa foi zélée, ses « moi, je ne te renierai pas » ? Ou bien son humilité qui va lui permettre, malgré ses bravades et ses trahisons, de revenir sans cesse au Seigneur et d’être relevé par lui ? Encore une fois, ne nous trompons pas dans notre adhésion au Christ. Elle n’a rien à voir avec cette foi qui rend fort, qui évite les épreuves, qui apporte le succès, la santé et l’argent comme le prêchent les tenants de la théologie de la prospérité… Non, la foi chrétienne est humble et fragile… Elle ne nous fait pas marcher sur les eaux de la tempête, mais plutôt plonger dans la misère humaine et nous salir les mains pour venir en aide à nos frères. Notre foi au Christ ne peut qu’être humble. Comment peut-on prétendre : « moi j’ai la foi et rien ne me troublera », alors que le Seigneur Jésus lui-même fut troublé quand l’heure de l’épreuve eut sonné ! La foi du Seigneur l’a-t-elle incité à faire déplacer des montagnes ou à dire aux arbres d’aller se jeter dans la mer ? Non, elle l’a soutenu dans les discernements qu’il a eu à opérer pour se tenir sur l’humble chemin du serviteur, jusqu’à la croix. Avant tous les moments importants de sa vie, on le voit en prière, se replonger dans la confiance en son Père pour avancer sur le chemin. Voilà où se trouve la force de notre foi, une foi humble, et nulle part ailleurs !

Humilité dans nos actions !

Je voudrais ici surtout développer la dimension ecclésiale de notre foi. Il ne s’agit jamais de vouloir travailler seul mais en Église ! Vous le savez, la barque est une figure de l’Église. Pierre, qui veut jouer au plus malin, pourrait-on dire, quitte la barque au nom de sa foi zélée… et il coule ! Par contre le texte précise bien : « Quand ils furent montés dans la barque [Jésus et Pierre], le vent tomba. » (Mt 14, 32). Non, en ce qui concerne un travail apostolique, nous ne devons jamais agir seul ! Ni au nom d’une recherche d’efficacité, ni au nom d’un zèle plus grand, ni au nom d’une intuition juste… Car alors nous risquons fort de n’agir que pour nous-même, de ne renvoyer qu’à nous-même, et de mettre en place une activité apostolique fondée sur le sable et qui s’écroulera dès que nous serons envoyé ailleurs ! Mais plus fondamentalement encore, le but de la vie chrétienne est de construire la communion entre les hommes et avec Dieu. Comment pouvons-nous prétendre construire cette communion si nous quittons la barque, si nous agissons seul, si nous semons la division ? Cela demande une grande humilité dans nos actions, nous ne devons jamais agir en notre nom, mais au nom des disciples du Christ et parfois aussi accepter l’échec… comme le Christ.

Oui, apprenons de la Parole de Dieu à ne pas nous tromper de Dieu, de Foi ou d’action à mener :

N’oublions jamais l’humilité !

L’humilité de Dieu, l’humilité de la foi, l’humilité dans nos actions !

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Une réponse à Humilité !

  1. Monique dit :

    Nous sommes le 16 août et je suis encore en train de méditer votre commentaire de l’évangile du 10 sur l’humilité, P. Benoît. Le terme m’a turlupinée durant toute la semaine : « humilité » ! Pour paraphraser un médecin de 1898 qui écrivait à propos de la neurasthénie*, je dirais d’entrée de jeu que chacun sait ce que veut dire le mot « humilité » – c’est avec le mot « merci » un des mots les plus familiers et les plus démodés de notre temps. C’est donc à partir du fait qu’il est familier d’abord que ce mot mérite d’être regardé en tous sens. Ou sinon en tous, en plusieurs sens ; ou bien plutôt en quelques sens mais fondamentaux.

    J’ai l’habitude d’être perdue devant les mots les plus familiers – à l’instar d’Augustin qui dit qu’il sait bien ce que c’est que le temps… jusqu’à ce qu’on lui demande de le dire. Pourtant, la notion d’humilité semble centrale dans la foi chrétienne, comme vous dites, P. Benoît, et votre texte en témoigne assez et d’une manière assez convaincante si ce n’était que c’est le mot même d’humilité qui me laisse dans l’embarras. Pourquoi insister sur l’humilité ? Pourquoi dire que « la foi chrétienne est humble et fragile » ? Pourquoi le chrétien doit-il être humble ? Pourquoi est-il exact de dire que l’humilité est « une très grande vertu chrétienne » ? Vous dites qu’elle est indispensable pour vivre « la foi, l’espérance et la charité » ; vous dites qu’elle est au fondement de l’accueil« des conseils évangéliques de pauvreté, de chasteté et d’obéissance » ; vous dites aussi qu’elle permet de« respecter l’autre dans sa différence et dans sa dignité » ; en somme, vous la voyez comme une condition sans appel pour la vie du chrétien.

    Iriez-vous jusqu’à dire qu’elle est en même temps une vertu indispensable pour tous les humains ? – Je suis toujours mal à l’aise si l’on tente de faire des chrétiens une race à part (je ne dis pas que vous le faites, Benoît, je souligne un danger qui s’oppose à l’humilité, justement). Le chrétien ne serait-il pas plutôt un humain qui est conscient ? conscient qu’il est un humain et non pas Dieu ? Et que cette conscience même en fait un humain béni de Dieu ? Hitler, Staline, Mao, Pol Pot et maintenant le calife Ibrahim ont tous refusé radicalement de se reconnaître humain, c’est-à-dire humblement terrestre. Car c’est bien là le sens du mot humain, « de humus » : le terrestre. « Qui veut faire l’ange fait la bête », dit un dicton populaire, et l’on sait tous combien ces illuminés orgueilleux se comportent comme des bêtes ! Pire : les bêtes ne conçoivent pas toutes les barbaries qu’ils ont inventées pour abolir l’humanité. D’où il se pourrait bien que les mots « humain » et « humanité » aillent fondamentalement de pair avec « humilité », sorte d’éveil au caractère modeste de l’être humain.

    Le « terrestre », n’est-ce pas désolant en même temps ? Quelle condition « humiliante » (de « humus » aussi ) ! Qui nous sortira de cette impasse ? La réponse pourrait peut-être se trouver dans le fait qu’un événement majeur est intervenu : la venue de Dieu lui-même parmi nous ! Mais ça, c’est une autre histoire…

    *Lu dans Alain Ehrenberg, « La Fatigue d’être soi », Odile Jacob.

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