Ne gaspillez pas votre temps en peccadilles !

101C25 janvier 2015, 3e dimanche ordinaire, année B, Mc 1,14-20 /

Quel empressement dans les textes de ce dimanche ! : « Aussitôt les habitant de Ninive crurent en Dieu… » (Jonas 3, 5) ; « Le temps est limité… Car il passe, ce monde tel que nous le voyons. » (1Co 7,29…31) ; « Le Règne de Dieu est tout proche (…) aussitôt, laissant leurs filets, ils le suivirent. » (Mc 1,15…18) Cela me rappelle un beau témoignage entendu au journal télévisé ces jours-ci : un homme, suite à un double AVC (accident vasculaire cérébral), s’est retrouvé pendant dix jours « prisonnier dans son corps », c’est-à-dire qu’il était tout à fait conscient de ce qui se passait autour de lui, mais seules son ouïe et sa vue fonctionnaient. Il raconte comment il essayait, par l’intensité de son regard, de dire à ses proches qu’il était bien là, dans ce corps inerte. Et il commençait à se demander si cela valait la peine de vivre ainsi… Puis, au bout d’une dizaine de jours, son corps se remit à fonctionner. Et cet homme de déclarer : « Cet AVC, c’est la meilleure chose qui me soit arrivée dans la vie ! Car cela m’a fait prendre conscience de l’immense chance que l’on a d’être vivant et cela m’a donné la passion de savourer et de vivre intensément chaque instant de ma vie… Ceux qui gagnent le gros lot à la loterie, c’est vraiment rien du tout, à côté de ce que j’ai gagné avec ce retour à la vie. » N’est-ce pas là ce dont essaient de nous faire prendre conscience les textes de ce dimanche : le temps est court, ce monde passe, vivez intensément, et à sa vraie profondeur, votre vie. Ne gaspillez pas votre temps en peccadilles !

Goûter l’instant présent !

Avec l’influence des religions orientales, et la mode des séminaires sur le développement personnel (la nouvelle religion des sociétés sécularisées), on nous rabâche à longueur de temps que seul l’instant présent est important, que seul l’instant présent existe : le passé n’existe plus et le futur n’existe pas encore. Je ne suis pas vraiment d’accord avec ces affirmations ! Oui, il s’agit de goûter l’instant présent, de le vivre à sa juste profondeur, non pas parce que le passé n’existerait plus et que le futur n’existerait pas encore, mais, au contraire, parce que l’instant présent doit se construire en s’appuyant sur notre passé et en vue de notre avenir. Notre vie s’inscrit dans un projet d’amour de Dieu pour chacun de nous. Le passé, le présent et l’avenir existent en Dieu, qui transcende le temps ! Nous savons d’où nous venons et où nous allons, et cela nous permet de vivre à sa juste profondeur ce que nous avons à vivre à chaque instant. La perspective n’est pas du tout la même que celle de la pensée bouddhiste, qui nous dit que rien n’est permanent et que seul l’instant présent existe… Mais l’on se rejoint sur le « convertissez-vous », « ne vivez pas à la surface de vos vies », « goûtez l’instant présent »… C’est bien ce qu’a découvert l’homme dont je parlais plus haut, mais n’attendons pas l’AVC pour en prendre conscience !

Réenchantez le monde !

À partir de ce constat, de l’importance de chaque instant et du temps qui passe vite, une mauvaise interprétation consisterait à ne vouloir perdre aucun instant, à profiter au maximum de la vie et à être efficace aussi bien dans son travail que dans l’organisation de ses loisirs ou de sa vie de famille. Vu d’Afrique en particulier, la société occidentale, notamment urbaine, donne le tournis et on se demande ce qu’ils ont tous à courir ces occidentaux, et vers quoi ils courent ? Il s’agirait au contraire de réenchanter le monde, de ne plus se laisser manipuler par une société du consumérisme, de l’efficacité, de la rentabilité, mais de retrouver le sens de la gratuité, de la lenteur (comme nous y invitent certains mouvements à la mode), de la poésie, de la spiritualité et même de la mystique ! N’est-ce pas ce dont nous parle Jésus lorsqu’il proclame : « Cherchez d’abord le Royaume, et le reste vous sera donné ! » ; « Le Règne de Dieu est tout proche. Convertissez-vous et croyez à l’Évangile. »

Ne gaspillez pas votre temps en peccadilles !

Vous comprenez alors que les peccadilles, ce ne sont pas les petits bonheurs de la vie, bien au contraire, mais ce temps perdu à se combattre les uns les autres ; à semer la haine et la division ; à vouloir défendre à tout prix une liberté d’expression sans mesure ; à cultiver nos particularismes entre Églises chrétiennes ; à dénier, à ceux qui ne pensent pas comme moi, le droit d’exister ; etc. Quelle fut la première demande de l’homme sortant de sa paralysie ? De défendre la vérité ? De se venger de l’existence ? De régler son compte avec le personnel soignant ?… Bien sûr que non, ce fut de voir sa fille de cinq ans et de pouvoir la serrer dans ses bras, car l’émotion était trop forte pour qu’une parole puisse surgir… C’est-à-dire d’exprimer son amour et sa joie de vivre ! N’est-ce pas ce à quoi nous invite l’Évangile à longueur de page ? « Je vous ai dit tout cela pour que ma joie soit en vous et que vous soyez comblés de joie ! » (Jn 15,11)

Oui, le temps est limité…

Goûtez l’instant présent !

Réenchantez le monde !

Et ne perdez pas votre temps en peccadilles !

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5 réponses à Ne gaspillez pas votre temps en peccadilles !

  1. Monique dit :

    «Vous comprenez alors que les peccadilles, ce ne sont pas… mais ce temps perdu à vouloir défendre à tout prix une liberté d’expression sans mesure. » Mais, P. Benoît, la liberté d’expression est sans mesure ou elle n’est pas «liberté » ! En tant que croyants, il nous revient de la défendre à tout prix la liberté ; ne vient-elle pas de Dieu ? L’animal est déterminé mais l’homme est libre, il a été créé libre. Il faut avoir été créé libre pour pouvoir aimer. Or le commandement est sans détour : « Aime ton Dieu et aime ton prochain » , c’est-à-dire « Aime » Là-dessus, je ne pense pas me tromper tellement. Vous êtes d’accord au fond, non ?

  2. Frère Benoît dit :

    Ah Non ! Je ne suis pas d’accord ! La liberté de l’homme créé à l’image de Dieu n’a pas grand chose à voir avec la liberté d’expression !

    Premièrement la loi limite la liberté d’expression :
    Limite 1 – Ne pas porter atteinte à la vie privée et au droit à l’image d’autrui. (règle sur l’utilisation des images sur Internet, dans les journaux etc.)
    Limite 2 – Ne pas tenir certains propos interdits par la loi : l’incitation à la haine raciale, ethnique ou religieuse, l’apologie de crimes de guerre, les propos discriminatoires en raison d’orientations sexuelles ou d’un handicap, l’incitation à l’usage de produits stupéfiants, le négationnisme.
    Limite 3 – Ne pas tenir de propos diffamatoires : la diffamation se définit par toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération d’une personne. Il est possible pour se défendre d’une accusation de diffamation d’invoquer l’exception de vérité, c’est-à-dire de rapporter la preuve de la vérité de ses propos.
    Limite 4 – Ne pas tenir de propos injurieux : l’injure se définit comme toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l’imputation d’aucun fait.
    Limite 5 – Il existe également des limites spécifiques telles que le secret professionnel, le secret des affaires et le secret défense.
    Limite 6 – Certaines personnes, en raison de la fonction qu’elles occupent, sont tenues à un « devoir de réserve ». C’est le cas des fonctionnaires qui doivent exprimer leurs opinions de façon prudente et mesurée, de manière à ce que l’extériorisation de leurs opinions, notamment politiques, soit conforme aux intérêts du service public et à la dignité des fonctions occupées. Plus le niveau hiérarchique du fonctionnaire est élevé, plus son obligation de réserve est sévère.

    Deuxièmement la liberté de l’homme consiste à tendre vers ce à quoi il est destiné : plus l’homme se conforme à la volonté de Dieu plus il est libre… Cela n’a rien à voir avec le fait de faire ce que je veux… Par exemple, consommer de la cocaïne de façon régulière ne rend pas libre, mais dépendant…

    Troisièmement si l’expression de ma liberté entraîne la violence, la haine et la mort… Je dois m’autocensurer… Suite à la récidive de la caricature de Charlie Hebdo des personnes sont mortes (je n’ai pas les chiffres mais au minimum 10 morts au Niger et 45 blessés), une quarantaine d’églises, de communautés religieuses et de centres culturels ravagés…

    Quatrièmement je pense que de nombreuses caricatures devraient tomber sous le coup de l’incitation à la haine religieuse… Il suffit de les voir, mais je ne veux pas leur faire de publicité en les republiant ici… (Monique je te les envoie par mail)

    • Monique dit :

      « La liberté de l’homme consiste à tendre vers ce à quoi il est destiné ». Là, je suis tout à fait d’accord avec vous, P. Benoît. Toutefois, comme je ne suis pas théologienne, je ne peux, moi, écrire ce que vous écrivez ensuite que « plus l’homme se conforme à la volonté de Dieu plus il est libre… ». Mais je vous autorise à le faire, vous (!). Moi, je dirais : Plus l’homme se conforme à ce à quoi il est destiné, plus il est libre. Or ce « ce vers quoi il est destiné » s’appelle de notre côté, son Bien. Et dans cette même ligne, son bien le plus éminent, le Bien suprême, s’appelle Dieu. Beaucoup de philosophes modernes ont tenté de le nier mais tous les philosophes de l’antiquité, en excluant les sophistes, l’ont vu clairement. Dans une intuition prémonitoire ? Pourquoi pas ?

      La difficulté vient de ce que cette liberté « ontologique » est telle qu’elle me permet de faire ce que je veux. Je « peux » le faire… quoique si je me trompe, si ce que je veux va à l’encontre de mon bien et de celui de tous – le bien commun -, alors ce n’est plus la liberté : c’est, au mieux, l’ignorance, au pire, la licence. Platon en parle très justement comme laideurs et maladies de l’âme. Il se trouve, et c’est heureux, que nous avons créé, comme vous le rappelez, des lois pour endiguer les débordements de ceux et celles qui aimeraient se laisser aller à la licence, pour ceux qui s’arrogeraient le droit de « tout faire comme un dieu à figure humaine ».- Ces derniers mots sont ceux de Platon qui discute du juste et de l’injuste dans la « République ».

      Ainsi, je suis d’accord avec vous, P. Benoît, à l’effet qu’on doit déjà, et d’abord, se censurer soi-même. Pourquoi ? Parce que, paradoxalement, me censurer, c’est me rendre libre : libre de l’orgueil, libre du brûlant désir des honneurs, libre de la jouissance méchante de détruire l’autre humain, de salir le sacré, libre de cultiver la volonté de puissance qui nivelle les valeurs les plus hautes, etc. Mais puisqu’il n’est pas facile de s’autocensurer, surtout lorsque l’on est aveuglé par toutes ces colères et autres ressentiments qui parfois nous habitent, alors l’État, lorsqu’il est juste, fait des lois et des règlements – ceux que vous nous rappelez excellemment dans votre commentaire. Il est à souhaiter que nous ayons des gouvernants prudents et courageux qui protègent le bien commun. Mais ça…

      Au fond, Benoît, nous étions d’accord ou pas ?

  3. Joseph dit :

    Merci père Benoit pour votre commentaire

  4. Thérèse L.-Vézina dit :

    Tout a été entendu sur la liberté d’expression non sans privilégier pour ma part un extrait des propos récents du pape François :

    « On ne peut pas insulter le foi des autres …»

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