Au-delà des cultures, la vie religieuse est une !

Richard et Nicodème en menuisiers

Richard et Nicodème en menuisiers

On m’a posé la question de savoir comment un « missionnaire » vit sa vie religieuse dans une autre culture que la sienne. En fait de culture, dès le début de ma vocation, j’ai cherché à vérifier la solidité de ma foi dans un autre contexte que le mien : désirais-je donner ma vie au Seigneur par un réel attachement à Jésus Christ ou par un attachement à un type de liturgie, à un environnement, à certaines façons de faire Église… ? Et c’est ainsi que je suis parti vivre mon postulat en Côte d’Ivoire durant deux années, dans une culture, dans un climat, dans une Église très différents de ce que je connaissais jusqu’alors. Dès le départ donc, ma vie religieuse s’est façonnée au carrefour de plusieurs cultures. Je compléterai cette première expérience interculturelle par 27 années de vie en communauté internationale ; par la participation à 7 éditions « d’anglais et prière » à New-York ou à Londres ; par 9 années d’apostolat au Québec et par maintenant bientôt 4 années au Togo.

Ne comptez donc pas trop sur moi pour vous partager les « découvertes exotiques » du religieux dans une autre culture. Selon moi, la vie religieuse est une, elle consiste à faire vœux de conversion, jour après jour à la suite du Christ, avec des frères et selon une tradition de congrégation.

Ces 15 années de vie, hors de ma culture d’origine, m’ont donc appris à relativiser et à me méfier de nos références culturelles. La culture que nous avons à promouvoir, c’est la culture de l’Évangile qui interroge toutes nos références humaines. Je suis outré et blessé lorsque, dans la vie religieuse, on impose des formes et des façons de faire, sous prétexte qu’« ici on fait comme ça » ! On parle volontiers de communautés internationales, mais regardons de plus près ce que l’on impose bien souvent : des types de chants, des mets, des programmes télévisés, des façons de se rapporter les uns aux autres à table, etc. Je sais bien qu’il n’est pas du tout évident de faire place à la culture de chacun, et que nos communautés internationales sont situées, elles-mêmes, dans une culture particulière. Il n’y a donc pas de recette miracle pour trouver le bon équilibre, mais ne nous croyons pas trop vite au sommet de l’ouverture à l’autre et cultivons une vigilance de chaque instant, avec un infini respect devant « l’histoire sacrée » de chacun de nos frères… Je reconnais avoir eu une grande chance de pouvoir passer de nombreuses années hors de ma culture d’origine et je souhaite que chacun puisse avoir ce genre d’opportunité, sur un temps suffisamment long : je crois que cela résoudrait bien des malentendus dans nos sociétés de brassage multiculturel !


 

La Vie par ici

Augustin récolte les piments

Augustin récolte les piments

Enfin une semaine un peu calme, où chacun est à sa tâche… Nous sommes toujours dans la saison sèche mais, grâce à la diligence des novices jardiniers, les salades, concombres et poivrons sont au   rendez-vous en attendant le reste… Les cours ont également repris leur rythme habituel…

Dans le cadre de l’année de la vie consacrée, un grand forum pour l’Afrique de l’Ouest était organisé ces jours-ci à Lomé. Plusieurs de nos frères étaient au rendez-vous, souhaitons que ce temps apporte à chacun un renouveau dans sa suite du Christ !

Sur ces quelques babillages, je vous souhaite une bonne suite de carême…

Justin à l'arosage

Justin à l’arosage

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Une réponse à Au-delà des cultures, la vie religieuse est une !

  1. Monique dit :

    Là, je suis restée bouche bée, P. Benoît, en lisant vos deux billets : toutes mes questions de la dernière semaine ont trouvé leur sens. Vous écrivez : « Je suis le Seigneur ton Dieu, qui t’ai fait sortir du pays d’Égypte, de la maison d’esclavage. » (Ex 20,2) Et vous expliquez : « Je suis un Dieu d’amour qui veut ton bonheur et te libérer de tous tes esclavages. »

    C’est le mot « esclavage » qui tout d’un coup m’a réveillée. L’esclave au sens le plus manifeste est celui qui est enchaîné et qui est au service d’un autre, son maître. L’esclave type est le prisonnier de la caverne enchaîné depuis sa naissance et qui prend les ombres sur le mur pour la réalité pleine et entière. Au fond de sa caverne, il n’a pas accès à la lumière, il n’a pas accès à la vérité. Qui plus est, il est ignorant de son ignorance. Il est ce qu’il est, et rien de plus, point final.

    Ce que j’ai compris de vos deux billets qui s’éclairent mutuellement, c’est ceci : ces cultures particulières et étanches que j’évoquais la semaine dernière peuvent être vues comme des chaînes d’autant plus invisibles et fortes que tissées par l’habitude « dès notre naissance ». Je me représente les pauvres ombres qui nous tiennent lieu de vérité – notre culture propre -, et qui nous satisfont au point de nous donner envie de tuer, comme dans l’allégorie, celui qui viendrait nous dire : « Je suis le Seigneur ton Dieu, qui t’ai fait sortir du pays d’Égypte, de la maison d’esclavage » – Cela s’est vu !

    J’ai compris, mais je m’emballe peut-être encore, que l’évangile vise à révéler à l’esclave que nous sommes que la vérité est une et douce – vous parlez d’amour et de bonheur… Si le message est un, alors il peut être enseigné à toutes les cultures, à toutes les nations… peu importe la caverne d’origine ! Mais voilà un pan de mes questions qui me revient : les pasteurs que nous avons sont-ils eux-mêmes, tous, sortis une première fois de leur caverne ? Quand nous, simples mortels, voyons arriver un pasteur prisonnier de ses chaînes, tout bardé de chaînes, comme dirait le philosophe Alain, que devons-nous penser ? Une réponse serait : il faut des pasteurs capables de s’élever et de viser la vérité, celle qui vient du Christ ; on en reste si souvent aux mots, qui sont aussi des ombres ! Des pasteurs qui dépassent leur propre culture pour enseigner, en somme, la « culture » de Dieu. Une toute nouvelle culture, un tout nouveau passeport, une toute nouvelle vie. Et cela s’appellerait sans doute « une conversion », non ? Humm, pas facile tout ça cependant…

    Excellent. Je crois, dès lors, que vous me concéderez que sans cela, la prière que vous autres, prêtres, nous enseignez à répéter, « Que votre règne arrive », n’aura pas de sens. C’est cela qui me désespère. Car il faut bien vous comprendre, Benoît ; vous dites, si je saisis bien, ceci : Que chacun de nous se donne la tâche d’un monde à refaire – quitte à s’expatrier pour cela – cela s’est vu aussi…. C’est-à-dire que chaque génération, et nous avec, doit viser une paix qui ne soit pas celle de la servitude et de l’esclavage intérieurs et inlassablement, comme le dit Camus, « refaire avec tous les hommes une arche d’alliance ». Par delà les cultures particulières, par-delà les chaînes. Ce serait peut-être même un « impératif catégorique », comme disait l’autre…

    Il faudra, en effet, creuser et méditer, à notre profit, les dix paroles du décalogue.
    Ça ferait un bien beau dimanche… , n’est-ce pas ?

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