Trouver sa demeure !

vigne3 mai 2015, 5e dimanche de Pâques, année B, Jn 15,1-8 /

« Demeurez-en moi, comme moi en vous » Le verbe « demeurer » revient huit fois dans ce court passage de l’évangile selon saint Jean ! Demeurer en Dieu comme Dieu demeure en nous : n’est-ce pas là le cœur de notre vie ? On l’exprimera peut-être d’une autre manière : trouver la sérénité (l’hésychia des pères orientaux) ; trouver sa vocation ; trouver son chez-soi, le lieu à partir duquel rayonner ; trouver le divin en soi, etc… Je résumerais volontiers tout cela par l’expression « trouver sa demeure ». Avec un premier étonnement : avant de trouver notre demeure en Dieu, prenons acte que c’est Dieu, lui-même, qui a trouvé sa demeure en l’homme !

Dieu a trouvé sa demeure en l’homme !

Cela peut paraître impensable à partir de nos idées toutes faites sur un Dieu tout puissant et auto-suffisant. Et pourtant, Dieu, en s’incarnant, accomplit une attente, un désir… N’a-t-il pas créé l’être humain pour pouvoir un jour entrer dans une relation d’amour réciproque avec lui ? N’est-ce pas le sommet de la Création : un homme capable de Dieu et un Dieu capable de l’homme ? C’est ce dont nous parle cette image de la vigne, travaillée avec patience et tendresse par le Seigneur, afin qu’elle porte de bons fruits… Et quel est le fruit ultime si ce n’est une communion d’amour entre les hommes et avec Dieu ? Saint Bernard disait déjà que dans le Verbe de Dieu, dès la Création du monde, était inscrit le désir de l’incarnation ! Puisque Dieu, par son incarnation, peut désormais demeurer en l’homme, il y a trouvé sa demeure et son lieu… Et, osons le dire, ce qui lui manquait ! Evidement l’autre versant de ce constat consiste à prendre conscience, dans tous les actes de notre quotidien, de l’incroyable dignité de chaque être humain qui est une des demeures de Dieu ! Comment croire encore, au vingt-et-unième siècle, que l’on peut faire plaisir à Dieu en tuant un être humain ???

L’homme ne peut demeurer qu’en Dieu ?

« Celui qui demeure en moi et en qui je demeure, celui-là porte beaucoup de fruits, car en dehors de moi, vous ne pouvez rien faire. » Il s’agit, ici, de prendre acte que notre vie vient de Dieu : comme les sarments de la vigne tirent leur sève du cep, de même les vivants reçoivent à chaque instant leur vie de Dieu. Certes la bonté de Dieu implique « qu’il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, et tomber la pluie sur les justes et sur les injustes. » (Mt 5,45) Tous, ainsi, qu’ils en soient conscients ou pas, reçoivent de Dieu tout ce qui leur est nécessaire pour vivre. Mais tous les jardiniers vous le diront, il y a des gourmands, ces branches ou ces tiges non productives et qui épuisent la plante au détriment des tiges productives. En résumé, si nous ne sommes pas branchés sur Dieu, nous pouvons, apparemment, vivre, mais nous ne participons pas à la fructification de la Création et éventuellement nous pouvons contribuer à sa destruction. Il est évident qu’être banché sur Dieu ne consiste pas forcément à confesser explicitement la foi en Jésus Christ, mais à vivre de sa vie, parfois de façon implicite. Toujours est-il que la vie nous vient de Dieu, que notre vie va vers Dieu et que notre véritable demeure est en Dieu ! Par nos actes, par nos paroles, par nos préoccupations cherchons-nous à vivre de cette vie de Dieu ?

Trouver sa véritable demeure…

Je le dis souvent aux jeunes que j’accompagne : trouver sa vocation consiste à trouver le lieu où je me sens chez moi –ma demeure–, le lieu à partir duquel je pourrai vivre, au mieux, ma vie chrétienne. Il ne s’agit pas de se faire des idées préconçues en pensant que je dois être prêtre ou religieux ou marié… Non, il s’agit de trouver son lieu, celui qui correspond à ce que je suis et qui m’aidera à vivre, au mieux, ma vie chrétienne. Plus globalement, il s’agit bien de trouver toujours plus sa demeure en se désencombrant de ce que nous avons pu accumuler comme avoir ou comme obligations et qui ne correspond pas à ce que nous désirons être. Certaines personnes font parfois le choix d’un changement de cap total dans leur vie, en se libérant, justement, de contraintes accumulées au cours des années. Qu’en est-il pour nous ? Nous sentons-nous chez nous, à notre place ou en train de vivre une autre vie que la nôtre ? Et pour cela nous ne sommes pas sans repère, Jésus nous le redis une fois de plus : « est-ce que mes paroles demeurent en vous ? » Voici encore une autre façon de parler de cette présence de Dieu en nous…

Oui, Dieu a trouvé sa demeure en nous…

Accepterons-nous de nous laisser habiter par Lui…

Afin qu’à notre tour nous trouvions notre véritable demeure ?

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Une réponse à Trouver sa demeure !

  1. Monique dit :

    « L’arbre est dans ses feuilles, maluron, maluré… », une chanson sans âge. « Demeurez en moi, comme moi en vous », dit l’évangile de Jean. C’est spontanément que m’est venue cette vieille chanson quand j’ai lu votre billet, P. Benoît. Bon, il est possible que je vous choque, mais il est possible que je ne vous choque pas non plus ; c’est ce qui m’enhardit à continuer mon commentaire. En fait, c’est lorsque vous dites que « cela peut paraître impensable à partir de nos idées toutes faites sur un Dieu tout puissant et auto-suffisant » que la métaphore végétale m’est apparue porteuse. Métaphore arboricole, devrais-je dire plus précisément, car le mot me semble plus approprié. Non seulement il renvoie à la vie végétale des arbres mais aussi (par le suffixe colo) aux mots cultiver, soigner, et… habiter !

    La métaphore de l’arbre utilisée par Jean, c’est là ce qui m’étonne, moi aussi, ou du moins ce qui me frappe pour la toute première fois ; je ne l’ai jamais vraiment aimée jusqu’à maintenant. C’est la piste que j’ai pourtant suivie – en essayant de ne pas perdre de vue celle que vous nous tracez.

    Dans la réalité végétale, toutes les parties de l’arbre contribuent à faire l’arbre ; toutes les parties sont « organiquement » nécessaires à toutes les autres. L’arbre est ce tout. De sorte que tout l’arbre est, littéralement, « dans » chacune de ses feuilles. À la différence de la montre (Kant), l’arbre se répare tout seul, il se développe tout seul ; ses parties ne sont pas seulement utiles les unes aux autres, elles sont indispensables à l’existence de chacune d’elles… et de l’arbre. Si la métaphore de Jean est valable, alors il me semble que l’on n’a plus à chercher où est notre place : partout où nous sommes, nous sommes liés… organiquement. Là, vous ajoutez, P. Benoît : « Il s’agit, ici, de prendre acte que notre vie vient de Dieu : comme les sarments de la vigne tirent leur sève du cep, de même les vivants reçoivent à chaque instant leur vie de Dieu. » Il s’agit peut-être au fond aussi, et en allant au-delà de la lettre de la métaphore, de prendre acte le plus honnêtement du monde que le cep lui-même est vivant et que donc sa vie lui vient du Vivant. Et alors je n’aurai plus à me demander où est mon lieu. La métaphore est parlante ; il n’y a qu’à la méditer et à s’en imprégner chaque jour et dans chacun de nos choix. Les histoires, on le sait depuis longtemps, pénètrent en nous, en nos cœurs d’humains, et éveillent insensiblement dans nos esprits « la conscience de quelque chose de plus élevé », comme dira Hegel.

    Il n’y a que la science moderne qui a fait vœu de « demeurer » du côté de l’explication mécanique plutôt que d’accepter l’évidence de l’organique. Or nous sommes tellement baignés dans une culture scientifique et technique que nous aimons voir Dieu comme un horloger, i.e. extérieur à sa création, donc extérieur à nous. Pourtant n’importe quel scientifique aurait beau assembler les membres inertes d’un homme, il n’en produirait pas pour autant un vivant ; celà tombe sous le sens. Il faut quelque chose (ou Quelqu’un) qui « demeure dans, qui habite » le vivant pour qu’il vive. Bon, la question est difficile, il faut le reconnaître, qui a déjà été posée comme suit, rappelez-vous : « Deus sive natura ». Il y avait là, et il y a encore, un défi pour les chrétiens que nous sommes ; « discutez et commentez », dirait le professeur…

    Peut-être qu’au fond, une réflexion sur les sens multiples des mots « demeurer » et « habiter » reste à faire qui serait très féconde… Et très étonnante !
    Ps . Aristote a trouvé 8 sens au mot « être dans ».

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