Plongés dans la vie trinitaire… jusqu’où ?

trinite31 mai 2015, Saint Trinité, année B, Mt 28,16-20 /

« Baptisez-les au nom du Père, et du Fils et du Saint-Esprit. » (Mt 28,19) C’est-à-dire plongez-les dans la vie du Père, dans la vie du Fils, dans la vie de l’Esprit, faites-en des hommes nouveaux ! Or, en cette fête de la Trinité, je m’interroge : jusqu’à quel degré la vie du Père, du Fils, de l’Esprit est-elle devenue nôtre ? Cela me rappelle une histoire rapportée par Jean-Yves Leloup[1] : « Lorsqu’on arrivait à la porte de son ermitage, le père Séraphin, du mont Athos, avait l’habitude de vous observer de la façon la plus indécente : de la tête aux pieds pendant cinq longues minutes, sans vous adresser le moindre mot. Ceux que ce genre d’examen ne faisait pas fuir pouvaient alors entendre le diagnostic cinglant du moine : « Vous, Il n’est pas descendu en dessous du menton.  ‑Vous, n’en parlons pas. Il n’est même pas entré. ‑Vous, ce n’est pas possible, quelle merveille. Il est descendu jusqu’à vos genoux. » C’est du Saint-Esprit bien sûr qu’il parlait et de sa descente plus ou moins profonde dans l’homme. Quelquefois dans la tête, mais pas toujours dans le cœur ou dans les entrailles… Il jugeait ainsi la sainteté de quelqu’un d’après son degré d’incarnation de l’Esprit. L’homme parfait, l’homme transfiguré, pour lui c’était celui qui était habité tout entier par la présence de l’Esprit Saint de la tête aux pieds. « Cela je ne l’ai vu qu’une fois chez le staretz Silouane, c’était vraiment un homme de Dieu, plein d’humilité et de majesté. » » Ainsi certains chrétiens de souche,  -baptisés pour faire plaisir à la grand-mère-, se disent-ils croyants mais, bien souvent, ils ne croient qu’en « quelque chose après la mort »… D’autre croient en un Dieu lointain, tout-puissant, créateur… Beaucoup plus rares sont ceux qui croient en Jésus Christ, en tant que Dieu venu dans notre monde, qui a partagé notre condition humaine jusqu’à mourir et qui est ressuscité… Et je crois qu’ils sont encore plus rares ceux qui reconnaissent la présence de l’Esprit Saint dans leur vie… Jusqu’où la vie trinitaire est-elle devenue nôtre ?

Au nom du Père…

Avant la venue de Jésus, on baptisait déjà au nom de Dieu. Jean, le baptiste, se situe dans ce courant des mouvements baptistes qui s’en remettent plus à la purification des péchés par les eaux baptismales que par le feu des sacrifices au Temple de Jérusalem. C’est la foi au Dieu créateur et miséricordieux qui est ici source de Salut… Aujourd’hui encore, nombre de « chrétiens de souche », ou « chrétiens culturels » ont une foi déiste, en un Dieu tout puissant, créateur, qui a préparé une place au ciel pour ses enfants et c’est à peu près tout. Pour le reste ils se disent agnostiques, ne pouvant pas savoir ce qui se passe dans l’au-delà… C’est comme si ceux-ci n’avaient été baptisés qu’au nom du Père, ou plus précisément, au nom d’un Dieu dépendant de leur imaginaire, en faisant fi de toute la révélation biblique et en particulier de toute la révélation en Jésus Christ. Sommes-nous de ceux-là ?

Au nom du Fils…

Ceux qui se reconnaissent chrétiens accordent, en principe, une place importante à Jésus Christ dans leur vie. Il n’est pas qu’un sage ou un prophète des temps passés, mais le Fils de Dieu fait homme. La façon dont il a vécu interpelle leur façon de vivre. Ils veulent mettre leurs pas dans les pas de Jésus. Sa mort et sa résurrection donnent sens à leur vie. Mais s’il n’y a pas de place pour l’Esprit, ne manque-t-il pas quelque chose ? Leur foi ne ressemble-t-elle pas plutôt à un humanisme à construire à la force des poignets ? Humanisme coloré, certes, d’une espérance dans l’au-delà ? N’est-ce pas ce qui a été reproché à une certaine période postconciliaire : une vie chrétienne trop horizontale, délaissant le sens du sacré, la mystique, l’union au divin, avec des liturgies peu inspirées ? C’est comme si ceux-ci n’avaient été baptisés que dans le Père et dans le Fils… Sommes-nous de ceux-là ?

Au nom de l’Esprit…

« Baptisez-les au nom du Père, et du Fils et du Saint-Esprit ! » C’est bien dans la vie trinitaire que nous avons été plongés. Non seulement en référence au Père Créateur et au Fils Sauveur, mais encore à l’Esprit Sanctificateur. Ce n’est pas grâce à nos propres forces que nous pouvons configurer notre vie à celle du Christ, mais en laissant l’Esprit Saint agir en nous, en le laissant nous sanctifier, nous unir au Père et au Fils, rendre efficace notre vie sacramentelle, etc. Et nous en revenons au père Séraphin cité plus haut : l’Esprit Saint a-t-il trouvé sa place dans nos vies, n’est-il qu’une notion intellectuelle ou est-il parvenu jusqu’à notre cœur et à nos entrailles ? Prenons-nous du temps pour notre vie spirituelle : la prière et les lectures bien sûr, mais aussi l’accompagnement spirituel qui n’est qu’un moyen de plus pour développer pleinement en nous la vie de l’Esprit reçue à notre baptême ?

Aujourd’hui où nous fêtons la Sainte Trinité,

Rappelons-nous que nous avons été baptisés au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit,

Jusqu’où cette vie trinitaire façonne-t-elle notre foi et notre vie ?

[1] Jean-Yves Leloup, Ecrits sur l’hésychasme, Albin Michel, 1990

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Une réponse à Plongés dans la vie trinitaire… jusqu’où ?

  1. Thérèse L.-Vézina dit :

    Aucun doute pour ma part, l’accompagnement soutenu du blogue est un moyen privilégié d’entretenir la vie de l’Esprit. Toute ma reconnaissance !

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