Tempête à bord !

la tempête apaisée21 juin 2015, 12ème dimanche ordinaire, année B, Mc 4,35-41 /

« Maître, nous sommes perdus ; cela ne te fait rien ? » (Mc 4,38) Question d’une brulante actualité en ce temps de crise, j’ose à peine employer le mot tant il semble galvaudé, mais que l’on change les mots ou pas, les cris de l’humanité sont bien présents : chômage chronique ; paupérisation ; nombre jamais atteint de déplacés et réfugiés dans le monde (60 millions !) ; guerres larvées et terrorisme ; sociétés qui se replient sur elles-mêmes face aux migrants, pollution et nature mise à mal ; crise de sens et avenir bouché, etc. etc. Je ne voudrais pas allonger inutilement la liste : « Maître, nous sommes perdus ; cela ne te fais rien ? »… À l’appel du Seigneur « le vent tomba, et il se fit un grand calme ! » La solution est-elle magique ? : « Faites confiance au Seigneur et il s’occupera de tout : santé, richesse, amour » comme le chantent sur les toits nos frères adeptes de la théologie de la prospérité ?… Peut-être pas, l’espérance est ailleurs : nous ne sommes pas seuls, nous pouvons agir, changeons notre regard !

Nous ne sommes pas seuls !

N’êtes-vous pas étonnés par le fait que Jésus serait en train de dormir alors qu’une grosse tempête se déchaîne sur le lac et que l’eau est déjà à fond de cale ? Le texte de la tempête apaisée n’a pas été mis par écrit par Marc pour rapporter fidèlement un événement de la vie de Jésus, mais surtout pour encourager les premières communautés chrétiennes soumises à la tempête : la persécution, la division dans les familles, la difficulté à tenir ferme dans la foi, etc… La tentation serait de croire que Jésus dort, c’est-à-dire qu’il ne s’est pas réveillé du sommeil de la mort, qu’il est absent, qu’il n’est même pas ressuscité… L’évangéliste affirme au contraire que Jésus est réveillé – c’est le même mot que celui qui est employé pour la résurrection – et qu’il a vaincu toute force du mal. Lorsqu’en effet, Jésus commande à la mer et au vent, il leur parle comme au Démon : « Silence, tais-toi ! », c’est-à-dire que toutes ces forces qui se déchaînent trouvent leur connivence dans un même Mal qui pourtant a été vaincu. Le premier enseignement consiste donc à reconnaître que face à toutes les adversités de notre vie, nous ne sommes pas seuls, le Christ ressuscité est à nos côtés. Or le Corps du Ressuscité est constitué de tous ses membres. Ainsi, son mode de présence n’est pas à chercher du côté de l’intervention miraculeuse et sensationnelle d’un Christ venu de l’au-delà (même si le miracle est possible occasionnellement), mais dans sa présence agissante à travers tous les croyants par la force de son Esprit. Nous ne sommes pas seuls, car le Christ est à nos côtés, notamment par sa présence en nos frères et sœurs sous la mouvance de l’Esprit !

Nous pouvons agir !

Alors ce qui nous paraissait impossible devient possible… Seul nous ne pouvons rien, mais avec des frères et des sœurs qui se laissent façonner par l’Esprit du Seigneur son projet d’amour pour notre Terre peut se réaliser. « Quand nous sommes capables de dépasser l’individualisme, un autre style de vie peut réellement se développer et un changement important devient possible dans la société. » (Laudato si n°208). Le Seigneur commande au vent et à la mer, c’est-à-dire que même face aux dérèglements climatiques, aux catastrophes naturelles sur lesquelles nous ne semblons, spontanément, n’avoir aucune emprise, il est possible d’agir. En effet, comme le montre bien le pape François dans sa toute nouvelle encyclique, l’humanité est la principale responsable de ces changements et d’autre part nous n’avons jamais aussi bien maîtrisé les techniques et la science : « Jamais l’humanité n’a eu autant de pouvoir sur elle-même et rien ne garantit qu’elle s’en servira toujours bien. » (Laudato si n°104)… mais en même temps il affirme : « Tous, nous pouvons collaborer comme instruments de Dieu pour la sauvegarde de la création, chacun selon sa culture, son expérience, ses initiatives et ses capacités. » (Laudato si n°14) Oui nous pouvons agir face aux grands défis de la sauvegarde de la Création et donc, a fortiori, face à toutes les crises dont les humains sont, avec encore plus d’évidence, responsables : guerre, terrorisme, injustice, absolutisation de l’argent etc.  !

Changeons notre regard !

« Pourquoi êtes-vous si craintifs ? N’avez-vous pas encore la foi ? » (Mc 4,35-41) Il s’agit effectivement de changer notre regard sur le monde pour y poser un regard de foi… Mais attention, ne nous trompons pas de foi, il ne s’agit pas de celle des tenants de la théologie de la prospérité : Dieu n’est pas un magicien qui résoudra tout, d’un coup de baguette magique, sans quoi il ne serait pas venu sur terre pour mourir sur une croix !!! Non, la Création est le temps et l’espace confiés à l’humanité pour apprendre à vivre selon le cœur de Dieu : son projet se déploie, Dieu est déjà vainqueur du mal, mais nous ne pouvons pas faire l’impasse de l’apprentissage de la liberté, de la fraternité, de la coresponsabilité. Contemplons donc notre monde avec les yeux de la foi : un monde beau où tout nous a été donné pour mener à bien notre vie individuelle et collective ; un monde sauvé qui n’avance pas vers un mur mais vers une transfiguration ; un monde où nous pouvons agir, en pleine liberté, en faveur du projet de Dieu ou en sa défaveur !

Oui notre monde ne manque pas de violentes tempêtes,

Mais saurons-nous y faire face avec un regard de foi :

Nous ne sommes pas seuls,

Nous pouvons agir,

Changeons notre regard !

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Une réponse à Tempête à bord !

  1. Thérèse L.-Vézina dit :

    Une invitation pressante de changer son regard que cette lecture en diagonale de frère Benoît du texte intégral de l’encyclique «Laudato si » reproduit dans la revue PÈLERIN (Bayard 2015) dont nous prenons connaissance par le truchement du blogue du 20 juin 2015. Merci !

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