14 février 2016, 1e Dimanche carême année C, Lc 4,1-13 /
Revoici le fameux récit des tentations de Jésus au désert qui inaugure les dimanches de carême. Celui-ci nous parle, aux dires de l’évangéliste, de « toutes les formes de tentation » (Lc 4,13). Evidemment ces tentations concernent non seulement Jésus mais chacun d’entre nous. Quelles sont-elles finalement ? Faut-il les aborder sous la trilogie de l’avoir, du pouvoir et du vouloir ; du jeûne, de la prière et de l’aumône ; de la pauvreté, de la chasteté et de l’obéissance ? Tous ces angles d’approche sont possibles mais, il me semble, toujours un peu forcés. Essayons donc de voir de plus près le texte : qu’en est-il pour Jésus et qu’en est-il pour nous ?
« Es-tu vraiment le Fils de Dieu ? »
Je crois que le texte met en récit, finalement, l’unique question qui devait tarauder Jésus au seuil de son ministère publique : « Suis-je vraiment le Fils de Dieu… et comment vivre ma mission ? » N’est-ce pas la parole qu’il venait d’entendre lors de son baptême dans le Jourdain : « C’est toi mon Fils : moi, aujourd’hui, je t’ai engendré. » (Lc 3, 22) ? Et cette parole, pourrait-on dire, l’Esprit l’envoie la méditer dans le désert : « Jésus, rempli de l’Esprit Saint, quitta les bords du Jourdain ; il fut conduit par l’Esprit à travers le désert où, pendant quarante jours, il fut mis à l’épreuve par le démon. » (Lc 4,1) Alors le démon commence son travail de sape : « Si tu étais le Fils de Dieu, tu dirais à ces pierres de devenir des pains. Comment supportes-tu la faim alors que tu pourrais, d’un claquement de doigts, changer ces pierres en pain ? » Oui mais voilà, s’il faisait cela, le projet de l’incarnation serait réduit à néant. Car si la vie, la mort et la résurrection de Jésus sauvent l’humanité, c’est parce qu’il a accepté la condition humaine et qu’il s’est identifié à chaque être humain, dans sa fragilité et son péché. Face à cette tentation Jésus répond que, non, il ne sortira pas de la condition humaine tout en la libérant de ce qu’elle peut avoir d’aliénant : « l’homme ne vit pas seulement de pain. » Alors le démon poursuit son travail : « Mais si tu étais Fils de Dieu, tu posséderais tous les Royaumes d’ici-bas, alors que c’est à moi qu’ils appartiennent… Mais je peux te les offrir, si tu te prosternes devant moi. » Jésus répond « ce n’est pas en me prosternant à tes pieds que je deviendrai le Seigneur de l’univers, mais en faisant toujours la volonté de mon Père : ‘Devant lui seul tu te prosterneras.’ » Enfin le démon sort sa dernière cartouche, peut-être la plus redoutable : « Mais si tu étais le Fils de Dieu, tu n’aurais pas besoin de souffrir, les anges te porteraient sur leurs mains… Crois-tu vraiment que la persécution, la passion et la mort en croix que tu t’apprêtes à vivre sont nécessaires ? » Et Jésus de répondre : « Non pas ma volonté mais celle de mon Père : ‘Tu ne mettras pas à l’épreuve le Seigneur ton Dieu.’ » Alors, « ayant épuisé toutes les formes de tentations, le diable s’éloigna de Jésus jusqu’au moment fixé. » Nous voyons donc par-là que le diable avait voulu détourner Jésus de sa Mission : épouser la condition humaine ; vivre sa vie en humble serviteur et non en souverain dominateur ; et donner sa vie pour les hommes jusqu’à la croix !
Sommes-nous vraiment Fils de Dieu ?
Les formes de tentations sont donc les mêmes pour nous : « Sommes-nous vraiment des enfants chéris de Dieu… et comment vivre notre mission ici-bas ? » Première tentation : pourquoi la fragilité de notre condition humaine ? Dieu ne pourrait-il pas d’un coup de baguette magique nous donner tout ce dont nous avons besoin ? Eh bien non, répond Jésus, notre condition humaine est belle et bonne, voulue par Dieu, et nous pouvons la vivre en êtres libres, sachant maîtriser nos besoins. Deuxième tentation : pourquoi vivre en humbles serviteurs une vie modeste, alors que nous pourrions être puissants et riches moyennant quelques compromissions ? « Mais tu es fou, nous dit Jésus, tout ce que tu auras obtenu ici-bas en piétinant tes frères, d’une part, tu ne l’emporteras pas au ciel et, d’autre part, en vouant ton âme au diable, tu te prépares ‘aux pleurs et aux grincements de dents’ pour l’éternité… » Le chemin du service, de l’amour et du don de soi est le seul qui nous configurera à Jésus Christ. Troisième tentation : « Mais si Dieu existait, il n’y aurait pas de souffrance, pourquoi ne vient-il pas à mon aide, pourquoi le mal ? » Et Jésus ne répondra pas de façon théorique à cette question, mais par sa vie même : Dieu ne veut pas la souffrance ! Dieu est du côté des souffrants et souffre avec nous ! Dieu ne veut pas le mal et s’engage contre le mal ! Notre vie n’est pas à mesurer uniquement à l’horizon d’ici-bas… Le mal et la mort, malgré les apparences, n’ont pas le dernier mot et ils ont été vaincus ! Ce n’est, donc, qu’en se mettant humblement à l’écoute de la volonté de Dieu que nous serons sauvés et non pas en le mettant à l’épreuve et en portant des jugements bien trop humains à son encontre.
Alors, écouterons-nous le démon tentateur ou bien :
-Accepterons-nous de vivre notre condition humaine à la manière de Jésus de Nazareth ?
-Accepterons-nous d’être serviteurs et de gagner, comme le Christ, la véritable couronne ?
-Accepterons-nous de lutter contre le mal et d’accepter notre croix, pour participer, avec le Christ, au Salut du monde ?
Est-ce irraisonnable de dire à quel point c’est une abstraction pour moi d’être à l’écoute de la volonte de Dieu et d’ajouter ne pas porter de jugements trop humains à son encontre ? Je ne suis q’humaine, je ne pense qu’humain. Je ne sais jamais ce que ce sera ma vie à chaque matin. Ma condition humaine est d’obtenir le bonheur tel qu’Il nous le promet. ( je le dis tous les matins juste avant le souhait de la paix).
Je ne veux pas la vie de Jésus de Nazareth, je veux me servir de sa Parole pour passer au travers des épreuves de ma vie. La vie n’a qu’un seul but dans ma foi, être heureuse. Le salut du monde pour moi ? Y a-t-il autre chemin que l’amour ? Excusez cette intrusion mais je trouve les questions désarmantes. Je suis portée à croire que même Jésus ne me souhaite pas sa vie. C’est le contraire qu’il voulait il me semble ?