Apprendre à aimer !

5 septembre 2010, 23° dimanche C, Lc 14,25-33 /

« Si quelqu’un vient à moi sans me préférer à son père, sa mère, sa femme, ses enfants, ses frères et sœurs, et même à sa propre vie, il ne peut pas être mon disciple. » (Lc 14,26)… « Celui d’entre vous qui ne renonce pas à tous ses biens, ne peut pas être mon disciple. » (Lc 14,33) Quelles affirmations ! Il y a de quoi nous faire froid dans le dos ! La suite du Christ implique-t-elle de se couper totalement de nos liens affectifs et matériels à la manière de certaines sectes bien connues ? Une fois de plus, il faut faire l’effort d’interpréter ce passage dans la logique de l’ensemble de l’Évangile et de la tradition chrétienne. Le but n’est-il pas d’apprendre à aimer ? Aimer nos proches, mais aussi s’ouvrir à un amour universel jusqu’à être capable de passer en Dieu…

Apprendre à aimer nos proches !

Il est  clair que, dans la logique de l’Évangile, avant de vouloir aimer en théorie, il s’agit d’aimer nos proches. Que l’on songe aux commandements anciens (« Tu honoreras ton père et ta mère ») ou à la première épître de saint Jean « Celui qui n’aime pas son frère, qu’il voit, ne peut pas aimer Dieu qu’il ne voit pas. » (1Jn 4,20) L’évangile de ce jour ne nous incite donc pas à nous détourner de l’amour de nos proches, mais à préférer le Christ à nos proches. Qu’est-ce à dire… si ce n’est que l’amour du Christ doit nous apprendre à grandir dans nos amours humaines ? L’amour que le Christ a manifesté pour l’humanité nous révèle le summum de l’amour, il devient une référence pour nos amours humaines, il doit être préféré à tout autre critère. Ainsi, préférer le Christ à l’amour de son père peut vouloir dire se libérer d’une certaine emprise paternelle : dans les sociétés patriarcales en particulier, l’autorité paternelle, sacrée, peut être très destructrice. Préférer l’amour du Christ à l’amour de sa mère peut vouloir dire se libérer d’une mère possessive. Préférer l’amour du Christ à l’amour de ses enfants peut vouloir dire se libérer de l’enfant roi dominateur ou, à l’inverse, de notre propension à considérer nos enfants comme notre bien. Comme le dit si bien Khalil Gibran : « Vos enfants ne sont pas vos enfants…. Ils viennent à travers vous, mais non de vous, et bien qu’ils soient en vous ils ne vous appartiennent pas ». Bref, préférer l’amour du Christ à nos amours humaines nous permet d’orienter toutes nos relations vers un amour plus juste, plus ouvert, plus respectueux, plus oblatif. Le Christ nous apprend ainsi à mieux aimer nos proches.

S’ouvrir à un amour universel !

Sans concurrence et dans la même logique, l’amour du Christ nous invite à dépasser nos liens naturels, de sang, de clan, d’amitié pour avancer vers un amour plus universel. Le Christ, à l’aide de deux petites paraboles, nous dit qu’il ne faut pas oublier le but à atteindre : celui qui veut bâtir une tour doit prévoir sa dépense avant de commencer les travaux, le roi qui part en guerre doit évaluer ses forces avant de se lancer dans une aventure périlleuse… De même, celui qui veut suivre le Christ, ne doit pas viser des bienfaits immédiats (comme les foules qui recherchaient guérisons ou nourriture miraculeuse) mais doit penser au but ultime : une communion universelle de tous les êtres en Dieu ! Et pour atteindre cette communion, nulle autre voie que celle du Christ, celle d’un amour universel qui dépasse les liens familiaux (« Qui est ma mère, qui sont mes frères » Mt 12,48), celle d’un amour universel qui se fait serviteur (« Si donc je vous ai lavé les pieds, moi le Seigneur et le Maître, vous aussi vous devez vous laver les pieds les uns aux autres. » Jn 13,14), celle d’un amour universel quitte à en payer le prix (« Celui qui ne porte pas sa croix pour marcher derrière moi ne peut pas être mon disciple. » Lc 14,27).

Se préparer à notre passage en Dieu !

Si nous avons, bien présent à l’esprit, l’horizon ultime de nos vies, – cette communion universelle de tous les êtres en Dieu -, nous comprenons alors aisément que le but de nos vies, ici–bas, n’est pas de se constituer un patrimoine, ni de cultiver notre clan familial, mais d’entrer dans un certain détachement nécessaire : « Celui qui ne renonce pas à tout ce qui lui appartient, ne peut pas être mon disciple. » (Lc 14,33) Le passage en Dieu est à ce prix, et le passage en Dieu commence ici-bas ! Non pas un détachement comme une fin en soi, mais pour une qualité d’être plus grande, pour une plénitude de vie, où tous nos liens familiaux, d’amitiés, mais aussi avec les biens de cette terre et les autres êtres vivants seront portés à leur plénitude !

Avons-nous suffisamment le désir de cette plénitude,

pour prendre les moyens d’y parvenir

et apprendre à aimer à la suite du Christ ?

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