La semaine passée fut marquée par un genre de « marathon de confessions » auquel je
n’étais guère habitué. En effet, pour la préparation à la célébration de Noël, les prêtres, des principales paroisses de la ville, se rassemblent quatre soirs de suite, à chaque fois dans une paroisse différente, pour proposer le sacrement de la réconciliation. Le dernier soir, où l’affluence était la plus forte, nous avons confessé durant 2h30, alors que nous étions tout de même une douzaine de prêtres.
Quel beau ministère de pouvoir transmettre le pardon du Seigneur, mais aussi que de « misères humaines » à accompagner au-delà du bref rendez-vous sacramentel. À la suite de la session d’inter-noviciat sur la guérison intérieure qui mettait en exergue tout le travail à faire sur nos blessures intérieures, j’étais particulièrement sensible, durant ces tranches de vie partagées, aux guérisons nécessaires pour permettre à chacun de faire un pas de plus vers une vie libérée et heureuse…
L’un où l’autre rendez-vous fut pris, mais aussi, après décantation de tous ces partages de vie, j’eu quelques regrets de ne pas avoir demandé à tel ou tel de poursuivre l’accompagnement plus en profondeur. Entre la puissance de la grâce de Dieu et les médiations nécessaires, liées à la nature humaine, quel équilibre trouver ? La théologie ne se contente pas de dire que la grâce suppose la nature mais qu’elle la parfait.
« La théologie catholique n’a jamais cessé de proclamer que la nature humaine, et donc a fortiori la nature cosmique, n’est pas fondamentalement corrompue, mais seulement blessée. » (cf. Adolphe Gesché, Le Cosmos, Paris, Cerf, 1994, p.169)
« La grâce, tel un levier en quelque sorte, aide à l’épanouissement accompli de la nature, donc d’une nature qui en est capable. » (idem, p.186 )
Peut-être que dans quelques dizaines d’années, nous saurons mieux nous y prendre…
Une phrase de A. Gesché me frappe : «…donc d’une nature qui en est capable ». Augustin, dans la même ligne, dit : « Une nature capable de Dieu ». Dans ces mots votre question, P.Benoît, trouve déjà une piste de réponse, il me semble : « Entre la puissance de la grâce de Dieu et les médiations nécessaires, liées à la nature humaine, quel équilibre trouver ? », dites-vous.
Faut-il chercher un équilibre ou plutôt se demander comment agit la grâce de Dieu chez un être dont la nature profonde est cette « capacité » originale (originelle) de la recevoir (et de la désirer) pour se parfaire ? La plante a besoin de soleil et d’eau pour sa perfection mais cela n’entre pas en conflit avec sa nature ; bien au contraire, le soleil et l’eau servent à l’accomplissement de sa nature qui est de croître et se reproduire. D’où, je ne chercherais pas « l’équilibre » ici entre la nature de la plante et ses aliments. De même, pourrions-nous dire que la nature humaine, notre nature, est celle qui, bien au-delà de celle des plantes ou des animaux, désire la grâce de Dieu. A besoin de la grâce de Dieu comme son aliment. Il faut supposer que l’accomplissement de la nature humaine dépasse de beaucoup les simples accroissement et reproduction ! Les « méditations nécessaires [parce que] liées à la nature humaine » ne seraient rien d’autres que la partie sensible de notre désir de Dieu comme notre accomplissement. La prière n’a-t-elle pas déjà été vue comme un acte de désir ? Les plantes, les animaux, désirent quelque chose ; les humains désirent quelqu’un, un autre qui parle aussi. Un visage, dirait Lévinas et après lui certain psychanalyste. Pourquoi un visage ? Parce que nous désirons dans l’autre un être qui répond. Dieu n’est-il pas éminemment celui-là ?
Mais ne faut-il pas désirer en titi pour comprendre cela concrètement ? Ça, c’est peut-être même plus que dix ans !