D’où viennent les fruits ?

5eme dimanche de Pâques, année B, Jn 15,1-8 /

« De même que le sarment ne peut pas porter du fruit par lui-même s’il ne demeure pas sur la vigne, de même vous non plus, si vous ne demeurez pas en moi. » (Jn 15,4) La logique de ce verset d’évangile semble limpide… et pourtant, l’observation de ceux qui nous entourent ne vient-elle pas infirmer cette logique ? Ne sont-elles pas nombreuses, en effet, les personnes qui portent de bons fruits -de solidarité, d’amour, de réussite- sans faire aucunement référence au Christ ou à Dieu ? Cela nous force à creuser notre réflexion : demeurer en Christ : qu’est-ce à dire ? Pourquoi la prière, les sacrements, la vie en Église ? Et enfin, sommes-nous de bons juges sur nous-mêmes ?

Demeurer en Christ : qu’est-ce à dire ?

La seconde lecture de ce dimanche peut certainement nous éclairer   : « Mes enfants, nous devons aimer non pas avec des paroles et des discours, mais par des actes et en vérité. » ( 1 Jn 3,18)… Donc demeurer en Christ, vivre de sa vie, n’a peut-être pas grand-chose à voir avec le fait de porter ou non le nom de chrétien ou de se réclamer de lui. La réponse est du côté des actes : si je sème l’amour, la fraternité, la paix ; si je donne de moi-même pour le service de mes frères, et en particulier des plus pauvres et des plus exclus, alors je vis de la vie du Christ, je demeure en lui. Mais si je sème la haine, la violence, la division ; si je suis centré exclusivement sur mon bien-être ou sur celui de mon clan ; quand bien même je passerais de longues heures à l’église, abîmé en prière, je ne peux nullement prétendre demeurer dans le Christ ! « Ce qui fait la gloire de mon Père, c’est que vous donniez beaucoup de fruit : ainsi vous serez pour moi des disciples. » (Jn 15,8)… Nous serons donc peut-être surpris de voir la tête des véritables disciples du Christ lors de notre passage en Dieu : à l’image de nombreux tympans, sur le jugement dernier, qui ne manquent pas de mettre, du côté des réprouvés, des évêques et abbés mitrés et, du côté des élus, toutes sortes de pauvres hères apparemment peu recommandables…

Mais alors pourquoi la prière, les sacrements, la vie en Église ?

Partons d’un exemple : les novices de ma communauté rentrent de leur stage d’insertion dans l’association « vivre dans l’espérance » qui s’occupe de personnes malades du sida en milieu très pauvre, ainsi que d’orphelins issus des conséquences de la maladie, et souvent eux-mêmes porteurs de celle-ci depuis leur naissance… L’expérience fut forte et intense pour les novices, le rythme de travail, l’amour gratuit et le dévouement des sœurs, ainsi que des membres de l’association, les ont fortement impressionnés. Or, ils constatèrent, dans le même mouvement, combien la foi, la qualité de la vie communautaire, la prière étaient essentielles aux sœurs pour repartir jour après jour travailler à l’association ou au service de pédiatrie où des enfants et des adultes meurent quasiment chaque jour… Ces sœurs seront-elles jugées sur leur prière, sur leur pratique des sacrements ou sur leur vie en Église ? Certainement pas ! Mais n’est-ce pas grâce à tous ces éléments qu’elles peuvent vivre un amour intense et exigeant jour après jour ?… Leur vie témoigne, de façon limpide, que c’est bien grâce au ressourcement dans l’eucharistie, dans l’adoration quotidienne, dans le soutien fraternel, etc. qu’elles peuvent réellement vivre de la vie du Christ et donc demeurer en Lui, dans tous les engagements du quotidien ! Cela n’éclaire-t-il pas notre question ?

Sommes-nous de bons juges sur nous-mêmes ?

Nous évoquions donc tout à l’heure que de nombreux frères, hors de l’Église, portent aussi de bons fruits, mais surtout, que cela ne nous complexe pas, comme si nous avions honte de ne pas être meilleurs qu’eux… et ne nous laissons pas troubler par ceux qui voudraient ainsi culpabiliser les chrétiens. Premièrement, ne soyons pas amnésiques, ni aveuglés par certains discours malveillants, et ayons à cœur de contempler et de rendre grâce pour tous les bons fruits produits par les chrétiens depuis 2000 ans et encore aujourd’hui… L’évangile ne parle pas de ceux qui produiraient de meilleurs fruits, mais tout simplement de ceux qui produisent des fruits : sortons donc du comparatisme toujours destructeur. Deuxièmement, sommes-nous responsables de nos fruits ou de cultiver notre champ intérieur, laissant la grâce faire son œuvre ?… Si nous contemplons trop le fruit de nos actions, nous risquons fort d’être détournés de la source, et de nous prendre pour l’origine des fruits… L’impératif de l’Évangile n’est pas « Portez beaucoup de fruits ! », mais… « Demeurez en moi ! »… et, sous-entendu, « les fruits je m’en chargerai… »  N’ayons donc pas peur de prendre du temps pour cultiver notre champ intérieur, pour puiser à la source et ensuite mettre en œuvre ce que l’Esprit fera germer en nous… alors nous produirons, nous aussi, de nombreux fruits !

S’agit-il d’opposer les fruits aux moyens nécessaires pour alimenter la plante ?

D’où viennent les fruits ?

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2 réponses à D’où viennent les fruits ?

  1. Une lecture récente rend plus facile ma réponse à la question du blogue (5e dimanche de Pâques). Il s’agit d’un extrait de citation d’une allégorie macédonienne :
    Qui a vu l’aube rosir le Sinaï ne croit plus aux miracles.
    Il sait dès lors qu’il suffit d’ouvrir les yeux pour voir et
    le coeur pour prier. Pour aimer.
    (Aline Apostolska dans « Lettre à mes fils qui ne verront jamais la Yougoslavie »)

  2. Monique dit :

    Le fond de cette histoire, ne serait-ce pas quelque chose qui pourrait aussi se dire comme ceci : « Des racines et des ailes » ?

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