Suivons-nous Jésus pour les bonnes raisons ?

21ème dimanche, année B, Jn 6, 60-69 /

Nous nous demandions la semaine passée si nous refuserions, ou non, de communier à la vie du Christ… Or la fin du discours de Jésus, sur le pain de vie, que nous méditons depuis plusieurs dimanches, illustre dramatiquement cette question : « À partir de ce moment, beaucoup de ses disciples s’en allèrent et cessèrent de marcher avec lui. » (Jn 6, 66) L’interrogation de Jésus aux Douze interpelle donc chacun d’entre nous, dans un contexte peu porteur pour adhérer au Christ et à son Église : « Voulez-vous partir vous aussi ? »(Jn 6,67) Pourquoi sommes-nous chrétiens ?… Faut-il viser le grand nombre ?… Suivons-nous Jésus pour les bonnes raisons ?

Pourquoi sommes-nous chrétiens ?

Depuis la multiplication des pains, une foule nombreuse suivait Jésus, mais pas forcément pour les bonnes raisons… De la même manière, dans les pays de vieille chrétienté, les foules étaient nombreuses à pratiquer le christianisme ; mais pour quelles raisons ? : un prince ou un roi qui s’était « converti » entraînant son peuple avec lui, des raisons sociologiques, des raisons pratiques, par habitude familiale, etc… Non loin de nous, la « révolution tranquille » du Québec ne cesse de nous interroger : pourquoi un peuple massivement christianisé ou, à tout le moins, massivement pratiquant, a-t-il tourné si vite la page du christianisme ? Le poids de la société était-il premier ? La connivence entre le politique et le religieux était-elle trop forte ? L’appropriation adulte de la foi trop délaissée ?… Et, dans les jeunes Églises d’aujourd’hui, pourquoi suit-on le Christ ? Pour obtenir sa protection, pour tenir le coup malgré les difficultés de la vie, par conformisme ? Pourquoi sommes-nous chrétiens ?

Peut-on viser le grand nombre ?

Les récits évangéliques interrogent aussi la question du nombre, la mode des grands rassemblements ou l’utilisation des moyens de communication pour toucher les masses : Ils étaient cinq mille, sans compter les femmes et les enfants, lors de la multiplication des pains (Mt 14,21) ; ils ne semblent plus demeurer  que Douze et quelques autres dans le récit de ce jour ; et au pied de la croix, d’après Jean (19, 25), ils ne sont plus que quatre : « les trois Marie » et « le disciple que Jésus aimait ». En tout cas, ce qui semble déterminant dans le texte d’aujourd’hui, pour que les Douze ne partent pas avec le grand nombre, c’est la relation intime qu’ils avaient tissée avec le Christ et le long compagnonnage qui leur avait permis d’entrevoir la véritable identité du Christ… C’est cette même réalité qui est décisive lorsque des chrétiens d’Occident ne partent pas avec le grand nombre… Cette découverte personnelle du Christ dans notre vie est incontournable et aucune stratégie, visant à embrigader les foules, ne peut produire de fruits durables sans elle. Benoît XVI nous le rappelle dans son exhortation apostolique sur le Parole de Dieu : « L’Évangélisation ne pourra profiter de la virtualité offerte par les nouveaux médias pour instaurer des relations significatives que si l’on arrive à un contact personnel qui demeure irremplaçable. Dans le monde d’internet, qui permet à des milliards d’images d’apparaître sur des millions d’écrans dans le monde, devra apparaître le visage du Christ ainsi que la possibilité d’entendre Sa voix. » (Verbum Domini §113) Le Christ lui-même n’a pas réussi à fidéliser les foules, faut-il donc s’inquiéter de se trouver en minorité ? Et peut-on viser le grand nombre ?

Suivons-nous Jésus pour les bonnes raisons ?

« Seigneur, vers qui pourrions-nous aller ? Tu as les paroles de la vie éternelle… Tu es le Saint, le Saint de Dieu. » (Jn 6,68-69) Au-delà de toutes les raisons pour lesquelles nous suivons le Christ, deux finalement semblent vraies et durables, d’après la réponse de Pierre : Jésus Christ est le seul Sauveur, et il est Dieu lui-même ! Si c’est bien pour cela que nous marchons à la suite du Christ, alors aucune parole difficilement compréhensible de l’évangile, aucune évolution de la société, aucune crise de l’institution Église ne mettra fondamentalement en cause notre désir de suivre le Christ. Car « ni la mort ni la vie, ni les esprits ni les puissances, ni le présent ni l’avenir, ni les astres, ni les cieux, ni les abîmes, ni aucune autre créature, rien ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu qui est en Jésus Christ notre Seigneur. » (Rm 8, 38-39)

Finalement, pourquoi sommes-nous chrétiens ?

Faut-il s’inquiéter de ne pas être du côté du grand nombre ?

Et suivons-nous Jésus pour des raisons essentielles ?

 

 

 

Ce contenu a été publié dans Commentaires de l'évangile dominical. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

3 réponses à Suivons-nous Jésus pour les bonnes raisons ?

  1. Monique dit :

    Eh bien, vous les avez les questions, P. Benoît ! À la question « Pourquoi sommes-nous chrétiens ? », n’importe qui peut répondre une belle réponse logique et vide, une réponse qui fasse joli, qui émeut, qui fait étalage de la répétition du petit catéchisme et de l’écoute attentive des prêches en chaire le dimanche. « Mes bien chers frères… », ça commençait toujours comme ça…. Et c’était ça.

    Mais à celle qui se lirait « Pourquoi, moi, je suis chrétienne ? » alors là, il en va tout autrement ! Je suis chrétienne parce que je suis chrétienne, c’est tout ; je ne sais vraiment pas pourquoi. Je suis, oui, chrétienne, mais sans véritable raison ! C’est bête, non ? En fait, je crois que je ne suis jamais posé la question. C’est grave ? Je doit reconnaître, il est vrai, que je n’ai pas voulu jeter tout cela par-dessus bord lors de notre « révolution tranquille » québécoise. Il doit bien y avoir une raison, mais je la cherche encore ; depuis vendredi dernier ! !

  2. Richard Kearney qui enseigne la philosophie herméneutique et la phénoménologie au Boston College aux États-Unis, nous offre une réponse à la question de Dieu dans :
    Dieu est mort. Vive Dieu. Une nouvelle idée du Sacré pour
    le IIIe millénaire : L’anathéisme. (Paris, Nil, 2011, 361 pages)
    Pour sa démarche, Kearney a créé un mot «anathéisme» qui signifie croire en Dieu au-delà de Dieu.
    cf. Jean-Claude Ravet «Dieu au-delà de Dieu», Relations – septembre 2012, p. 40-41.

  3. Daniel dit :

    Il y a beaucoup de choses dans cette intervention du frère Benoît. En effet, «pourquoi» être chrétien, comme tu dis Monique? Surtout pour ceux qui le sont depuis leur enfance et non à la suite d’une découverte qui a changé leur vie. Il y a toujours le risque de l’habitude pour les premiers, de l’engourdissement, de l’égoïsme facile, des comportements répréhensibles qui s’en mêlent, avec la possibilité de donner envie de tout laisser tomber finalement… C’est peut-être un peu ce qui nous est arrivé au Québec et en Occident.
    En tout cas, le frère Benoît propose une citation intéressante de Benoît XVI, et cela m’a rappelé un de ses derniers discours avant de devenir pape, où il avait également souligné qu’une «foi adulte» ne pouvait être que solidement enracinée dans «l’amitié» avec le Christ. Ça sonne bien, oui, mais on pourrait objecter qu’il n’est pas devant nous comme un ami en chair et en os! Alors, quoi? Même s’il prétend aussi s’identifier au prochain, surtout le pauvre, il reste que «physiquement» du moins, ce n’est pas «lui»!… À ce stade, le frère Benoît revient à la profession de foi de Pierre. Effectivement, si l’on croit que Jésus est Dieu, est le sauveur, est aussi le chemin, la vérité et la vie, il n’y a plus à hésiter. Et alors la «vérité», justement, ne serait plus un «truc» que certains ont et d’autres pas, avec les rivalités et les chicanes que ça entraîne très vite, mais «quelqu’un» à rencontrer et qui nous dépasse par définition… À approfondir!
    Enfin, est également soulignée la situation de l’Église et de son «nombre» désormais minoritaire en Occident. Cela m’a rappelé un mot de Jean-Paul II que j’avais entendu rapporté un jour avec enthousiasme par Guy Gilbert, le «curé des loubards» en France: «Faire Église, ce n’est pas faire nombre, c’est faire signe». Qu’est-ce à dire? Comme Jésus n’est plus «physiquement» devant nous, les êtres humains, est-ce que ça voudrait dire que c’est nous qui serions invités à le rendre visible à autrui par notre vie pour lui faire du bien? Bien sûr, là encore, il faudrait chercher et surtout «faire»: qu’est-ce que «cela» veut dire? implique? etc. Et ce sera pour chacun toujours imparfait, toujours à reprendre, l’histoire de toute une vie… mais est-ce que ce ne pourrait pas être une autre bonne «raison» pour être chrétien? En tout cas, c’est ce à quoi m’amènent les réflexions présentées, et cela me «donne à penser», comme dirait un philosophe… Merci au frère Benoît de partager ainsi avec nous.

    P.S. Je reviens après une longue absence de plus d’un an, mais la prochaine fois devrait être plus rapide! Comme Monique la fois précédente, j’essaierai aussi d’être plus court!…

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *