Passerons-nous à la Nouvelle Alliance ?

2ème dimanche, année C, Jn 2,1-11  /

Nous le savons bien, il y a bien plus dans ce récit des noces de Cana qu’une histoire de vin manquant ! La mariée absente, le troisième jour, les cuves destinées aux ablutions rituelles, l’heure qui n’est pas encore venue, le commencement des signes… Tous ces « détails » renvoient au passage de l’Ancienne à la Nouvelle Alliance, à l’inauguration des temps nouveaux déjà évoquée par Jean sans son prologue. Du régime des rites à celui de la grâce, des calculs prévoyants au service un peu fou, du vin qui enivre au meilleur des vins… Sommes-nous si sûrs que cela d’avoir fait le passage vers la Nouvelle Alliance ?

Du régime des rites à celui de la grâce !

« Ils n’ont pas de vin. » (Jn 2,3) Remarquons bien d’abord que Marie ne dit pas qu’ils n’ont plus de vin, mais qu’ils n’ont pas de vin ! Dans le judaïsme de l’époque, il y avait l’eau pour les purifications (600 litres à Cana !), le sang des sacrifices, les 613 commandements… mais cette hypertrophie des obligations pouvait-elle apporter la joie d’un salut plénier, offert gratuitement ? Non ! Nous étions alors dans l’ordre des mérites, des rites à observer pour plaire à Dieu, du donnant-donnant et du marchandage. Avons-nous vraiment quitté ce régime-là ? Par le récit des noces de Cana, où le Seigneur apporte la joie sans rien demander comme condition, si ce n’est d’accepter de boire le vin offert, l’évangéliste Jean résume, de belle manière, le projet de salut de Dieu pour les hommes : Il veut leur offrir sa joie ! Et Jean de couronner son évangile par ce thème : « Je vous verrai de nouveau et votre cœur sera  dans la joie, et votre joie, nul ne pourra vous la ravir. […] Demandez et vous recevrez, pour que votre joie soit complète. […] Maintenant je viens vers toi et je parle ainsi dans le monde, afin qu’ils aient en eux-mêmes ma joie complète. » (Jn 16,22.24 ; 17,13) Voulons-nous quitter le régime des rites pour entrer dans celui de la grâce ?

Des calculs trop humains au service un peu fou !

« Jésus dit aux serviteurs : ‘Remplissez d’eau les cuves.’ Et ils les remplirent jusqu’au bord. Il leur dit : ‘Maintenant, puisez, et portez-en au maître du repas.’ Ils lui en portèrent. » (Jn 2,7-8) Les serviteurs devaient s’étonner et ils auraient pu refuser d’obéir : Il est assez fou de penser résoudre le problème du vin manquant avec des litres et des litres d’eau !… Et qu’allaient-ils subir comme châtiment s’ils versaient de l’eau dans la coupe du maître du repas alors qu’il réclame du vin ? Mais ils obéissent, encouragés par la parole de Marie : « Faites tout ce qu’il vous dira ! » Si nous ne sommes pas disponibles à la grâce nous pouvons facilement démissionner face aux défis de notre monde… Face à tant de misères et de besoins humains que pouvons-nous faire avec nos pauvres moyens inadaptés ? Or tous les saints d’hier et d’aujourd’hui en témoignent, si nous acceptons de retrousser nos manches, de répondre avec les moyens du bord et de servir nos frères souffrants, alors la grâce pourra agir à travers nous… Mais si nous restons dans nos calculs trop humains, si nous refusons d’obéir aux appels du Seigneur, renvoyés par nos frères en difficulté, alors notre vie sera stérile. Les exemples ne manquent pas de cette eau changée en vin,ou des cinq pains nourrissant les foules… Je pense à la sœur Stella, par exemple, qui accepta un jour de retrousser ses manches pour aider les malades du sida, au nord Togo, abandonnés à eux-mêmes. Aujourd’hui, elle soutient, avec ceux qui l’ont rejointe, des milliers d’enfants et d’adultes aux prises avec les conséquences de cette maladie. Servir sans trop nous poser de questions et avec des moyens inadaptés, comme les serviteurs de Cana, nous en sentons-nous capables ?

Du vin qui enivre au meilleur des vins !

« Tu as gardé le bon vin jusqu’à maintenant ! » (Jn 2,10) Plus on avance dans la vie, plus on risque de se poser de questions : est-ce que je n’ai pas gaspillé mes jeunes années, qu’ai-je fait de ma vie ? Et le « démon de midi » s’empare de plusieurs personnes qui renient leurs engagements en espérant profiter de la vie et croquer enfin celle-ci à pleines dents. Il y a ici, je crois, l’illusion d’un jeunisme, d’un bonheur qui nous échappe, d’une vie sans épreuves à traverser… L’évangile de Cana ne nous incite-t-il pas à penser que ce bon vin de nos jeunes années n’est rien en comparaison du meilleur des vins à venir, celui du festin des noces dans le Royaume de Dieu, avec tous ceux que nous aurons aimés ici-bas, ou appris à aimer lors de notre passage en Dieu ? Il ne s’agit pas de s’enivrer des plaisirs de la vie pour faire passer la pilule des épreuves de l’âge ou de la maladie : « Tout le monde sert le bon vin en premier, et, lorsque les gens ont bien bu, on apporte le moins bon. »… mais d’apprendre toute notre vie à recevoir le meilleur des vins, qui nous sera offert à la fin de notre parcours ! Si notre palais n’est pas éduqué à l’amour, comment pourrons-nous en apprécier toutes les subtilités ?

Du régime des rites à celui de la grâce,

Des calculs trop humains au service un peu fou,

Du vin qui enivre au meilleur des vins,

Sommes-nous prêts à entrer dans la Nouvelle Alliance ?

 

 

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2 réponses à Passerons-nous à la Nouvelle Alliance ?

  1. Tentatives pour passer à la Nouvelle Alliance :

    Rencontre conviviale du groupe de pèlerins du Montmartre de Québec et des paroissiens de la communauté protestante de Wildersbach, en Alsace (19 mai 2007).

    Et, pour trois pèlerins privilégiés, également du Montmartre de Québec, leur visite de l’Institut musulman de la Grande Mosquée de Paris (21 septembre 2009) :
    « […] L’Église d’Occident a ainsi autant besoin de trésors à recevoir
    de ses soeurs qu’elle a d’aide à leur apporter. » (Michel Kubler, journal Lacroix)

  2. Monique dit :

    « Faites tout ce qu’il vous dira ! » Puis-je parler franchement ? Un passage comme celui-là m’a toujours traumatisée ! Jeune, je priais fermement pour que « ce qu’il me dira » soit quelque chose de « raisonnable ». Mais, en effet, les enseignements que je recevais allaient tous dans le même sens que vous, P. Benoît. Alors, je cherchais les misères humaines, je cherchais dans mes livres de géographie les endroits réputés les plus pauvres, je cherchais des frères souffrants, les grands malades de la lèpre – à l’époque ; et tous ces endroits étaient loin. À mon grand soulagement, il n’y avait pas de ce type de besoin autour de chez moi. Soulagement ? Non, puisque moins je trouvais, plus je me sentais coupable… Je regardais avec intérêt et admiration les photos de religieux à grosse barbe ayant passé 30 ans en Afrique, et celles des sœurs qui trouvaient en Chine des bébés abandonnés dans les fossés. Je donnais avec émotion à l’œuvre de la Sainte-Enfance !
    Puis la vie m’a avalée.
    Avec le temps, ma plus grande peine a été de me rendre compte que nous, que moi – mais je le constate chez d’autres aussi -, nous ne savons même pas deviner les misères, les souffrances, les pauvretés de tous ordres, les solitudes pudiquement cachées, « autour de nous » ; peut-être parce qu’ici l’emballage est plus propre ? Préjugés ? Est-ce que chez nous cette phrase « Faites tout ce qu’il vous dira ! » ne résonne pas tout aussi ? Eux, ceux d’ailleurs, sont dans le besoin, nous pas, pas chez nous, pas dans notre cour. Y aurait-t-il des professeurs d’ici qui nous éduquerait à avoir l’imagination de l’autre ? Tout simplement. Est-ce que ce ne serait pas un bon point de départ déjà ?

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