13ème dimanche, année C, Lc 9,51-62 /
Encore une page d’évangile pas facile à digérer : « Si tu marches à ma suite, dit le Christ, tu n’auras pas de lieu où reposer la tête, tu devras laisser tes obligations familiales et tu ne devras pas regarder en arrière ! » Si l’on part de ces renoncements, on aura du mal à comprendre quoi que ce soit… Ne faut-il pas, au contraire, interpréter ce texte à partir du but recherché, des motifs qui nous mettent en route, et du plus grand amour vers lequel le disciple veut cheminer ? Le chemin proposé par le Christ est celui d’une libération, d’un plus grand amour, d’une vie plus féconde… Permettez-moi de parler de mon expérience de « missionnaire » : Pas un lieu, mais des lieux… Pas une culture, mais des cultures… Pas une famille, mais des familles…
Pas un lieu, mais des lieux…
« Le Fils de l’homme n’a pas d’endroit où reposer sa tête ! » Venant d’une famille rurale, terrienne, il est vrai que d’avoir un chez soi, une terre, un lieu où reposer sa tête est un élément très important pour me sentir à l’aise. Mais j’ai pu découvrir, avec surprise, que cet enracinement de départ, loin d’être une entrave, peut au contraire être un atout primordial pour se rendre disponible pour la mission. Je m’explique : quelqu’un qui n’a pas de racines, va habituellement rechercher le lieu de repos qu’il n’a jamais eu, et j’ai plusieurs fois constaté cela chez des jeunes, un peu déboussolés par la vie, qui vont parfois être tentés par la stabilité de la vie monastique ou par une vie communautaire idéalisée, mais sans vraiment réussir à se maintenir dans leur choix. Par contre, celui qui connaît ses racines, son lieu, n’est pas hanté par cette quête et pourra facilement parcourir les routes de la mission sans s’y perdre. De plus, il n’aura peut-être pas un lieu pour reposer sa tête mais bien des lieux… Nous en faisons l’expérience dans la vie religieuse : je suis toujours impressionné de prendre conscience que j’ai « ma maison » dans trente-et-un pays sur cette planète… Et que ces maisons me parlent toutes de la « cité céleste » où nous aurons notre demeure définitive !
Pas une culture, mais des cultures…
« Laisse les morts enterrer leurs morts ! » Dans la culture juive, comme dans bien des cultures, les obligations liées aux funérailles sont très importantes… Mais les raisons liées à ces obligations ne sont pas toujours les bonnes… Bien sûr il y a le respect dû à ses parents, mais souvent traîne aussi une peur des morts qui, si l’on ne fait pas les choses comme il faut, ne vont pas nous laisser tranquilles… On connaît bien cela sous nos latitudes africaines… Mais s’occuper d’eux alors qu’ils sont encore vivants serait certainement la preuve d’un respect plus grand envers ses parents que de ne s’occuper que de leur dépouille ! Mais plus encore, nous dit le Christ, Dieu « n’est pas le Dieu des morts mais des vivants » (Lc 20,38)… Ne vous souciez donc pas trop de leur dépouille, mais plutôt de votre relation vivante avec eux, au-delà de la mort… Sainte Monique, la mère d’Augustin, qui pourtant avait pratiqué les mensae (repas) sur les tombes des défunts, ne dira-t-elle pas au soir de sa vie à ses fils : « Enterrez ce corps en quelque lieu que ce soit, et ne vous en mettez nullement en peine ; tout ce que je vous demande, c’est que partout où vous serez, vous vous souveniez de moi à l’autel du Seigneur. » (Conf. Livre IX, chap.11) Nos traditions culturelles, autour des funérailles, sont en général bonnes mais ne nous laissons pas enfermer par celles-ci, ouvrons-nous à d’autres cultures et surtout à la culture de l’Évangile ! Ici encore, le missionnaire peut témoigner que, lorsqu’on quitte les rivages familiers, on prend de la distance par rapport à sa culture, et même à ses obligations familiales, mais c’est pour s’enrichir de bien d’autres cultures et tisser un lien différent avec sa famille…
Pas une famille, mais des familles…
« Laisse-moi d’abord faire mes adieux aux gens de ma maison »… « Celui qui met la main à la charrue et regarde en arrière n’est pas fait pour le royaume de Dieu. » Un de nos frères témoignait de l’opposition de sa mère lorsqu’il avait décidé d’entrer dans la vie religieuse… Mais, bien des années plus tard, la maman témoignait qu’en fait, c’était lui maintenant qui était le plus proche de sa mère, même s’il n’était pas proche géographiquement… Et plusieurs religieux témoignent de cette expérience : la suite du Christ, la distance géographique avec la famille, n’est pas une rupture ou une trahison, mais une autre façon de vivre les liens avec ses proches… Et puis, le missionnaire fait l’expérience qu’il n’a plus une seule famille mais bien des familles sous plusieurs latitudes… Le cercle familial s’élargit, pourrait-on dire, aux dimensions de l’universalité sans renier le lien privilégié avec sa famille naturelle. L’expérience de Jésus de Nazareth ne fut-elle pas celle-là, dans son rapport à sa propre famille ?
Alors n’oublions jamais le but de la suite du Christ :
L’ouverture à un amour plus grand…
Les renoncements évoqués ne sont-ils pas les moyens de dépasser
nos attaches géographiques, culturelles, familiales…
Pour les retrouver…mais autrement ?
Mon Cher Benoit,
On se rencontre particulièrement vrai pour ce qui a trait à notre relation avec toi.Depuis que tu es parti, on réalise que si on pensé t’avoir perdu quand tu as quitté le Québec, ce n’est que pour mieux te découvrir dans toute la profondeur de ta spiritualité.
On aimerait bien avoir un jour les commentaires des postulants à ton sujet?
En tous les cas nous on trouve que la Providence leur a fait un beau cadeau.
A nous aussi.
Daniela et Christian
Mon Cher Benoit,
On se rend compte que c’est particulièrement vrai pour ce qui a trait à notre relation avec toi.Depuis que tu es parti, on réalise que si on pensait t’avoir perdu, quand tu as quitté le Québec, ce n’est que pour mieux te découvrir dans toute la profondeur de ta spiritualité.
On aimerait bien avoir un jour les commentaires des postulants à ton sujet.
En tous les cas, nous, on trouve que la Providence leur a fait un beau cadeau.
A nous aussi.
Daniela et Christian