26 janvier 2014, 3ème dimanche du temps ordinaire, année A, Mt 4,12-23 /
En cette semaine de prière pour l’unité des chrétiens, il est heureux que la liturgie nous propose ce passage de Paul aux Corinthiens : « Chacun de vous prend parti en disant : ‘Moi, j’appartiens à Paul’, ou bien : ‘J’appartiens à Apollos’, ou bien : ‘J’appartiens à Pierre’, ou bien : ‘J’appartiens au Christ’. Le Christ est-il donc divisé ? Est-ce donc Paul qui a été crucifié pour vous ? Est-ce au nom de Paul que vous avez été baptisés ? » (1 Co 1,12-13) Que dire de plus ? Je n’ose pas imaginer les propos de Paul s’il revenait aujourd’hui et qu’il constatait cette division des Églises chrétiennes dans laquelle nous nous complaisons depuis, disons, mille ans (depuis 1054 avec les Églises orthodoxes et depuis 1517 avec les Églises issues de la Réforme, sans parler des Anciennes Églises d’Orient dont nous sommes séparés depuis 451)!!! Revenons sur le scandale de cette division, en nous laissant éclairer par Paul et par le cœur de la proclamation de Jésus, qui nous est rappelée dans l’évangile de ce jour : « Convertissez-vous, car le Royaume des cieux est tout proche. » (Mt 4, 17) : L’unité des chrétiens n’est pas facultative ; L’unité des chrétiens est à construire comme le Royaume ; L’unité des chrétiens n’est pas uniformisation ;
L’unité des chrétiens n’est pas facultative !
Les arguments de Paul sont très simples : être chrétien, être baptisé, c’est porter le nom du Christ, c’est être membre du Corps du Christ ressuscité, or le Christ est-il divisé ? Comment croire que l’on puisse constituer le Corps du Christ en luttant contre d’autres membres de son corps ou, au minimum, en ignorant ces autres membres : « Mais, de fait, il y a plusieurs membres, et cependant un seul corps. L’œil ne peut donc dire à la main: ‘Je n’ai pas besoin de toi’, ni la tête à son tour dire aux pieds: ‘Je n’ai pas besoin de vous.’ » (1 Co 12,20-21) Pourquoi le Christ est-il venu sur terre, sinon pour inaugurer le Royaume de Dieu, c’est-à-dire réconcilier les hommes entre eux et avec Dieu et, pour le dire encore autrement, faire entrer l’humanité dans la Communion Trinitaire, réaliser cette communion des hommes entre eux et avec Dieu ? C’est cela le Royaume de Dieu : cette communion entre les hommes et avec Dieu ! Pour réaliser cela, le Christ a justement rassemblé des disciples, embryon de l’Église, avant-poste du Royaume. L’Église est donc le lieu qui nous fait entrer dans cette fraternité universelle à laquelle nous sommes destinés en Dieu ! Si, au contraire de son essence même, l’Église est divisée, elle ne remplit plus son rôle, à la limite elle n’a plus de raison d’être : sommes-nous bien conscients de cela ? Je le répète, l’unité des chrétiens n’est pas facultative, ce n’est pas une mode, ou un aspect périphérique de notre foi : elle est au cœur du Salut opéré par le Christ !
L’unité des chrétiens est à construire comme le Royaume !
En même temps, reconnaissons que nous ne sommes pas encore au Ciel : le Royaume de Dieu est déjà là mais pas encore en plénitude… La division des chrétiens est certainement le signe que cette unité, entre les hommes et avec Dieu, est toujours à construire et jamais acquise ici-bas. Peut-être qu’une Église parfaitement unie serait par trop triomphaliste, et aurait délaissé certains accents de la foi chrétienne. N’est-ce pas ce que nous avons vécu en Occident : avec une Parole de Dieu confisquée par les clercs dont l’accès nous fut restitué grâce certainement au protestantisme ; avec une pastorale parfois trop enfermée dans le droit canon, alors que les orientaux nous invitent à une approche plus spirituelle des sacrements ; avec une imagerie religieuse tombée souvent dans la mièvrerie tandis que la tradition orientale nous rappelle la richesse de la tradition des icônes, etc… N’y a-t-il pas un certain dessein de Dieu, dans cette variété des Églises ? Nous ne pouvons, en tout cas, l’envisager qu’en termes de ‘communion dans la différence’ et certainement pas en termes de ‘division voulue par Dieu’ ! L’unité des chrétiens est donc à construire comme le Royaume en marche !
L’unité des chrétiens n’est pas uniformisation !
Le grand problème, c’est la quête d’uniformité. N’est-ce pas cette recherche d’uniformisation qui est au cœur de nos divisions : on a voulu imposer à nos frères orientaux une conception catholique de la primauté papale, bien éloignée de ce qu’elle recouvrait dans les premiers siècles de l’Église. On a voulu, bien souvent, imposer une liturgie uniforme et latiniser de force les orientaux. On a voulu uniformiser la théologie, etc… Fondamentalement, l’uniformité est de l’ordre du fusionnel et absolument à l’opposé d’une communion dans la différence. Notre Dieu est Trinitaire, communion de personnes dans la différence, et c’est ce à quoi il nous invite. Voilà pourquoi nos différences entre chrétiens ne doivent pas être source de division, mais richesses de communion, de dialogue, de complémentarité. C’est le chemin emprunté par le mouvement œcuménique, des pas immenses ont été faits, mais pourquoi ne pouvons-nous pas partager encore la même table eucharistique ? N’est-ce pas ce démon de l’uniformité qui nous freine ? Rappelons-le à temps et à contre temps, et en particulier auprès de nos responsables d’Église : l’unité des chrétiens n’est pas uniformité ! Le dialogue a tellement avancé, avec les grandes Églises chrétiennes, qu’on se demande pourquoi le geste fort de l’accueil eucharistique, qui manifesterait cette ‘communion dans la différence’ retrouvée nous est refusé !
Oui, rappelons-le à temps et à contre temps :
L’unité des chrétiens n’est pas facultative !
L’unité des chrétiens est à construire comme le Royaume !
L’unité des chrétiens n’est pas uniformisation !
Bonjour Benoit
C’est très vrai et surtout très ‘assomptionniste’ ce que tu as dis sur l’unité des chrétiens.
Pourrais-tu nous expliquer la dernière phrase quand tu parles de’ l’accueil eucharistique qui nous est refusé’
Comme tu vois on ne veut pas perdre un seul mot de tes méditations.
Bonjour Daniela et Christian,
En fait, le véritable terme est « L’hospitalité eucharistique refusée »… Cela signifie que sauf rares exceptions, l’Eglise catholique nous demande de ne pas donner l’eucharistie aux non-catholiques, et aux catholiques de ne pas communier lorsqu’ils participent à une célébration non-catholique…
Voir l’article suivant qui fait le point sur le sujet :
Hospitalité eucharistique
et quelques documents officiels de l’Eglise sur le sujet :
– Ecclesia de eucharistia notamment les n° 43-44-45
– Accueil possible entre chaldéens (catholique) et assyriens :
J’aime beaucoup votre texte, P. Benoît, simple, direct et super éclairant. J’y reviendrai plus tard au cours de la semaine parce que là, je dois quitter pour Montréal dans quelques minutes.
p.s. En fait pas si simple que ça puisqu’il frappe, agréablement, par ses nombreuses nuances !
Il y a trop à souligner dans votre texte, Benoit, pour qu’on le fasse ici. Mais une chose frappe : c’est que vous dites au fond ce que plusieurs personnes pensent : tous les chrétiens sont unis en ce qu’ils sont chrétiens. En ce qu’ils ont le Christ comme guide, comme but, etc. C’est énorme !
Qu’exiger de plus ?
Ou bien soyons honnêtes : ce n’est pas l’unité des chrétiens qui pose problème, ce serait plutôt que chaque église veut être la seule. Et ça, c’est pas beau… Ce serait même pas chrétien que ça ne m’étonnerait pas !
Si le Christ était divisé, vaine est notre foi: nos diversités religieuses ne doivent pas être des sources de divisions, mais plutôt de richesses; car c’est en acceptant l’autre dans sa différence qu’on trouve que la perfection n’est pas de ce monde. Nous sommes tous en marche vers le Christ, pourquoi ne pas nous tenir la main dans la main chaque jour avec sincérité, miséricorde et amour du prochain.
Que le Seigneur nous y aide à ne pas rester dans le conformisme, mais à construire le Royaume sur terre qui est déjà là, mais pas encore, amen !
Bonjour Benoît
Comme je partage ta pensée surtout dans le paragraphe « l’unité des chrétiens est à ta construire », surtout la réflexion que si nous étions unis, l’Église serait peut-être triomphaliste (elle ne l’est pas déjà un peu !). Nous avons encore beaucoup de chemin à faire pour reconnaître que nous (catholiques) on a pas La vérité à nous tout seul, que nous avons beaucoup à apprendre des protestants et des orthodoxes. Nous commençons une session sur les icônes avec le père Édouard et cela nous révèle tant de choses que nous ignorons nous les catholiques.
« N’y a-t-il pas un certain dessein de Dieu, dans cette variété des Églises ? » Pourquoi pas. Pourquoi pas la variété des Églises ne serait pas une richesse. Jésus lui-même a pris ses distances avec les disciples de Jean, Il ne s’est pas intégré à ce groupe. Chaque famille, chaque pays à ses traditions. Pourquoi on accepterait pas la différence dans les Églises. L’Unité n’est pas l’uniformité comme tu l’as si bien enseigné. Est-ce possible qu’il serait plus facile de faire « l’unité » entre les « fidèles » que pour la Hiérarchie ?
Dans Mt 10, 32 « Quiconque se déclarera pour moi devant les hommes, moi aussi je me déclarerai pour lui devant mon Père ». C’est une Parole de réconfort pour moi. Dieu ne tiendra pas compte de quelle Église nous faisons parti mais de notre foi en Lui.
INFO: Nous aussi au Montmartre nous avons eu pour une 2è année une soirée de prières à la manière de Taizé avec la participation de différents groupes Taizé, une centaine de personnes venues de différentes paroisses et de différentes confessions. J’ai beaucoup pensé à toi Benoit qui nous a fait connaître ces chants et nous as ouvert à l’oecuménisme. Oups c’est long.
Merci Benoît des explications, et pour Chantal, nous voulons lui dire qu’elle écrit tellement bien, qu’elle devrait intervenir plus souvent.
( C’est vrai que c’était beau la soirée de Taizé…Mais je pense qu’on était plus proche de deux cents que de cent)
On aime se rappeler, avec reconnaissance également, que le 21 mai 2007, frère Benoît conduisait ses 18 pèlerins du Montmartre, à Taizé (France) lieu de la fondation en 1940 de la Communauté œcuménique internationale par frère Roger dont la mort violente est survenue le 16 août 2005.
Dans les dernières années de sa vie, ce rassembleur se préparait à nous laisser sa pensée sous le titre de « Choisir d’aimer », ouvrage publié après sa mort par les Ateliers des Presses de Taizé (2006).