17 mai 2015, 7e dimanche de Pâques, année B, Jn 17,11b-19 /
Avec les fêtes de l’Ascension et de la Pentecôte, nous voici en plein dans le temps qui est le nôtre : le Christ n’est plus présent parmi nous dans son corps de chair mais par son Esprit… Et, avant son départ, le Christ nous livre comme un testament dans ce discours au soir de la Cène : il veut que ses disciples demeurent unis, qu’ils soient comblés de joie, qu’ils soient sanctifiés dans la vérité et gardés du Mauvais ! Deux mille ans plus tard, qu’en est-il ? La vie de l’Esprit est-elle suffisamment entretenue en nous et entre nous pour que la joie, l’unité, la vérité, la sainteté rayonnent parmi les disciples du Christ ?
« Qu’ils soient un. »
Sur la question de l’unité, on peut voir le vide à moitié plein ou à moitié vide : Oui les disciples se sont divisés, ou plutôt, ils n’ont pas trouvés les moyens d’entretenir, envers et contre tout, leur unité. Car, rappelons-le, dès les temps apostoliques nous avons à faire à une multiplicité d’Églises locales qui vont devoir inventer les moyens de maintenir leur communion. L’image d’une Église une qui se divise en plusieurs branches n’est qu’une vue de l’esprit. L’Église a toujours été plurielle, une communion d’Églises locales. Les aléas de l’histoire, les compromis avec le pouvoir politique ont bien mis à mal cette communion jusqu’à ce que des chrétiens se massacrent entre eux ! Mais, Dieu merci, nous n’en sommes plus là ! Même si la communion des chrétiens n’est pas parfaite, elle est déjà réelle et nous pourrions multiplier les beaux exemples de cette communion en marche ! « Qu’ils soient un, comme nous-mêmes » : la Sainte Trinité est communion de personnes et non uniformité… C’est bien parce que nous avons mis de côté nos illusions d’une Église uniforme, d’une Église totalitaire que la communion est possible et que l’unité des chrétiens a fait un formidable bon en avant. Ne nous méprenons donc pas sur cette injonction du Christ. Communion d’Églises locales : oui, uniformisation et totalitarisme : non ! Alors, ne baissons pas les bras et travaillons sans cesse à une plus grande communion des Églises.
« Qu’ils aient en eux ma joie. »
Notre bon pape François ne manque pas de nous le rappeler : la vie chrétienne est rayonnement de joie ! N’est-ce pas le titre de son encyclique programmatique La Joie de l’Évangile : « La joie de l’Évangile remplit le cœur et toute la vie de ceux qui rencontrent Jésus. Ceux qui se laissent sauver par lui sont libérés du péché, de la tristesse, du vide intérieur, de l’isolement. Avec Jésus Christ la joie naît et renaît toujours. » (Evangelii Gaudium n°1) ? N’est-ce pas ce qu’il répète aux consacrés : « Que soit toujours vrai ce que j’ai dit un jour : ‘Là où il y a les religieux il y a la joie.’ » (Lettre aux consacrés). Mais entendons bien ces paroles, nous n’avons pas à créer cette joie, mais à l’accueillir… À laisser la joie de l’Évangile, la joie de Dieu, remplir notre cœur et notre vie. Pour cela, pas d’autre moyen que de mettre en œuvre sa foi avec des frères et sœurs dans une communauté vivante. Si nous nous isolons, la joie des disciples de Jésus non seulement ne sera pas perceptible mais cette joie intérieure risque fort de s’étioler.
« Qu’ils soient sanctifiés dans la vérité. »
Un seul est saint : Dieu ! Un seul est vrai : Dieu (Je suis la vérité, le chemin et la vie) ! Être sanctifié dans la vérité n’a donc rien à voir avec une attitude intransigeante, orgueilleuse et prétentieuse qui consisterait à se croire être seul détenteur de la vérité, une vérité purement dogmatique, à grand renfort, parfois, de citations bibliques. Non la vérité est une personne : Jésus Christ. Être sanctifié dans la vérité consiste donc à conformer toujours plus sa vie à celle du Christ, à ses paroles et à ses actes. On le voit bien, excusez-moi d’y faire référence une fois encore, à travers le témoignage de notre pape François par exemple. Si ses paroles et ses actes ont un tel retentissement, c’est parce que, à sa manière, il essaie de faire siennes les attitudes de bontés du Seigneur Jésus envers tous. Nos communautés de disciples ont-elles le même désir d’être présence aimante du Christ ressuscité auprès de tous et en particulier des plus petits ? De signifier en gestes et en paroles la vérité de l’Évangile ?
Enfin, le Seigneur a prié son père de nous garder du Mauvais… Non pas de nous préserver de l’épreuve, mais plutôt, dans toutes les épreuves qui sont les nôtres que nous gardions le regard fixé, avec confiance, sur le Seigneur et mettions en œuvre ce qu’il nous a laissé en héritage :
Cultiver l’unité, c’est-à-dire être hommes de communion…
Témoigner de la Joie de l’Évangile qui donne sens à la vie…
Et avancer sur le chemin de la sainteté : une vie toujours plus conforme à celle du Christ !
Désirons-nous réellement mettre en œuvre son testament ?
Nous n’avons pas à créer cette joie, mais à l’accueillir…
Merci de nous rappeler qu’on n’a pas à la créer, mais à l’accueillir . Quand ça va mal et qu’on n’a pas envie de sourire, ça nous pousse à aller vérifier si on est bien branché à la source de la Joie.
Le tout premier paragraphe de l’exhortation apostolique du pape François, La Joie de l’Évangile, vous avez raison de le rappeler, P. Benoît, va comme vous citez : « La joie de l’Évangile remplit le cœur et toute la vie de ceux qui rencontrent Jésus. Ceux qui se laissent sauver par lui sont libérés du péché, de la tristesse, du vide intérieur, de l’isolement. Avec Jésus Christ la joie naît et renaît toujours. » (Evangelii Gaudium n°1) Deux fois le mot « joie » apparaît dans ces seules trois premières phrases de l’introduction (d’un texte qui comporte 288 paragraphes !). Et il en va de même dans les lignes qui suivent. Dans les paragr. 2 à 7, le mot joie revient 37 autres fois ! Début très certainement programmatique, avec le titre, déjà, puis arrive la tonalité qui est donnée avec force ! Il est solide, le pape François ! Mais je veux bien, moi, retrouver là toutes ces références aux Évangiles, Actes, Prophètes ; si cela me plaît et me rassure, il n’en reste pas moins que j’ai ce malaise de ne pas savoir clairement ce qu’est la joie au juste – i.e. quel est l’être de la joie, comme disent les philosophes. Bon, « le mot joie » évoque chez tout le monde, et chez moi aussi, un vague sentiment de ce qu’il veut dire. Mais « vague » rime dans mon esprit avec « confus », « obscur », « incertain ». Or si l’on doit voir le cadeau des dernières paroles de Jésus comme une sorte de « testament », dans mon livre à moi, comme on dit à Montréal (!), cela implique à tout le moins que l’on doit comprendre de quoi il s’agit. Non ? Que veut donc dire le mot joie ? Qu’est-ce que c’est la joie ?
Je suis retournée au texte de François pour y découvrir, dès le paragr. 2, ceci : « Le grand risque du monde d’aujourd’hui, avec son offre de consommation multiple et écrasante, est une tristesse individualiste qui vient du cœur bien installé et avare (…). Quand la vie intérieure se ferme sur ses propres intérêts (…), l’enthousiasme de faire le bien ne palpite plus. » Tristesse et enthousiasme sont ici adroitement mis en opposition. Et les oppositions, on le sait, sont toujours éclairantes. Bien sûr il y a des tristesses légitimes, mais il y en a d’autres « qui agissent comme un poison », dit le philosophe québécois Thomas De Koninck. Et la pire d’entre elles, c’est la paresse. Or justement, la paresse a comme définition ceci : une « ‘tristesse’ devant la difficulté du bien ». Là on rejoint notre pape qui dit : « une tristesse …qui vient d’un cœur bien installé et avare ». Donc paresseux. Ensuite, il faut bien remarquer comment finement le pape, dans sa phrase, oppose cette tristesse-paresse à l’enthousiasme : « l’enthousiasme de faire le bien ne palpite plus », écrit-il. D’un seul coup apparaît la définition de la joie, voyons comment : enthousiasme et paresse deviennent une paire d’opposés parfaits qui s’éclairent l’un l’autre. Qui « nous » éclairent comme ceci : Si la paresse peut être comprise comme ‘tristesse’ devant la difficulté du bien, on conçoit très bien que son contraire, l’enthousiasme devant le bien à faire, corresponde dès lors à… la joie – tristesse et joie étant, qui le niera, des opposés directs. CQFD ! La voilà notre joie !
Pour la toute première fois, enfin, j’ai un éclairage magnifique, lumineux, sur cette « joie » dont on nous parle dans l’enseignement de l’Église ! La joie, c’est un enthousiasme à faire le bien ! ! La formule est super belle et fait sens. Si j’ai pas trop tort, alors c’est génial et trop beau – surtout quand on pense à l’origine grecque du mot « enthousiasme »… !
Mille mercis pour votre billet, Benoît, il oblige !