Une Église ou des Églises !

 Allez, un peu bousculé par le temps je me permets de vous repartager la méditation d’il y a six ans que je trouve pas si mal…

21 janvier 2017, 3ème dimanche A, Mt 4,12-23

          Les deux péricopes proposées à notre méditation dans l’évangile de ce dimanche, rapprochent deux dimensions caractéristiques de la révélation chrétienne, son universalité et sa singularité ! D’une part, en effet, la citation d’Isaïe évoque les Nations, toutes appelées à accueillir la grande lumière du Verbe fait chair, d’autre part, l’appel de quelques pêcheurs sur les rives du lac de Génésareth marque la dimension locale et singulière de la vie de Jésus de Nazareth. Or, c’est bien en raison de son Incarnation singulière, dans un peuple, dans un lieu, dans une époque, dans une culture donnés que l’Homme-Dieu rejoint tout être humain, nécessairement lié à un peuple, à un lieu, à une époque, à une culture… Un Homme-Dieu au dessus de ces réalités, n’aurait pas adhéré à notre condition humaine. La façon dont l’universalité du christianisme se joue dans sa capacité à s’incarner dans des lieux, des époques, des cultures différentes, m’apparaît essentielle en cette semaine de prière pour l’unité des chrétiens !

Des Églises apostoliques !

       Vous verrez parfois l’Église représentée sous la forme d’un arbre avec des branches multiples, comme si d’un unique tronc, qui correspondrait au premier temps de l’Église, avaient émergé, au cours des siècles, les différents rameaux du christianisme. Cette image est assez éloignée de la réalité historique. En effet, dès le départ, nous n’avons pas une Église unique, un tronc unique, mais des Églises apostoliques, c’est-à-dire fondées par les apôtres. Qui plus est, le plus grand fondateur d’Églises, saint Paul, ne faisait pas partie des Douzes et il se donnera à lui-même le nom d’Apôtre ! Si le Nouveau Testament témoigne des ordres de mission donnés aux apôtres, « Allez donc : de toutes les nations faites des disciples » (Mt 28,19), aucun texte cependant, pas même parmi les écrits apocryphes, ne nous donne une liste complète des apôtres avec le champ missionnaire réservé à chacun d’eux. La tradition nous rapporte, par exemple, que la Perse et l’Inde furent évangélisées par Thomas, (dont se réclament donc les Églises Assyriennes, Malabares, Malankares, Syro-Malankares) ; l’Église Éthiopienne se réclame de Matthieu, l’Église Apostolique Arménienne de Jude (ou Thadée) et Barthélémy, l’Église Copte de Marc (qui n’était pas apôtre), Constantinople se rattache indirectement à André, considéré également comme l’évangélisateur de la Roumanie. L’Église de Jérusalem se réfère à deux Jacques, le mineur (apôtre) et le « frère du Seigneur ». Quant à Rome, bien sûr, ses pierres de fondation sont les apôtres Pierre et Paul… Voilà comment l’appel d’hommes singuliers –pêcheurs, collecteur d’impôt, zélote, disciples du Baptiste, chercheurs de Dieu…– engendrera des Églises singulières…

Des Églises en communion !

        Tout de suite cependant, il faut ajouter que le Christ n’a pas appelé les apôtres pour les envoyer directement en mission, individuellement. Il les a rassemblés, les a invités à partager sa vie itinérante durant trois années et parfois à partir en mission deux par deux. On retrouve d’ailleurs ces groupes de missionnaires après la pentecôte : Philippe, Barthélémy et Jean prêchent ensemble à Hiérapolis ; Paul évangélise avec Marc et  Barnabé etc. Il ne s’agit pas de prêcher pour soi mais de prêcher l’Évangile de Jésus Christ, ce que rappelle Paul avec virulence dans la seconde lecture de ce dimanche : « Chacun de vous prend parti en disant : ‟Moi, j’appartiens à Paulˮ, ou bien : ‟J’appartiens à Apollosˮ, ou bien : ‟J’appartiens à Pierreˮ, ou bien : ‟J’appartiens au Christˮ. Le Christ est-il donc divisé ? Est-ce donc Paul qui a été crucifié pour vous ? Est-ce au nom de Paul que vous avez été baptisés ? » (1 Co 1,12-13) Dès le départ se pose donc la question de la communion entre des Églises locales singulières. Et dès les débuts de l’Église, des synodes, des conciles vont être nécessaires pour inventer l’unité. Il suffit de penser à l’assemblée de Jérusalem, où Paul vint poser la question des modalités d’accueil des pagano-chrétiens dans l’Église. Ces rencontres n’impliqueront jamais qu’un apôtre, ou qu’un de leurs successeurs, ait un pouvoir de juridiction sur l’ensemble des Églises. Mais elles témoignent d’une communion qui s’est inventée dans le respect des singularités de chaque Église.

Des Églises tendues vers l’unité !

            N’oublions pas, enfin, le but ultime de cette communion, il n’en va pas simplement de la crédibilité du témoignage chrétien –bien que le contre-témoignage de notre division soit un scandale– ; fondamentalement, il en va du salut de l’humanité, puisque le Christ est venu rassembler en lui tous les humains afin de les porter dans la communion trinitaire. L’unité vers laquelle nous sommes tendus, n’est autre que la Tri-unité du Père du Fils et de l’Esprit, trois personnes singulières et pourtant un seul Dieu. Cet horizon trinitaire eschatologique révèle le type d’unité-communion à construire entre les Églises, mais nous permet aussi de reprendre conscience que cette unité est au service de l’humanité entière en marche vers sa plénitude en Dieu, et de reconnaître qu’elle ne peut être qu’inachevée ici-bas !

Alors, pour une mission universelle réellement incarnée :

Une Église… ou des Églises… en communion ?

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