L’écologie n’est pas une mode !

« Voilà que l’Église se met à parler d’écologie puisque c’est à la mode… Quelle idée ! » A travers ce genre de réflexion beaucoup de chrétiens se demandent jusqu’où l’Église ira se fourvoyer pour correspondre à l’air du temps…

L’écologie n’est pas une mode !

J’avoue être plutôt abasourdi par ce genre de réaction mais pas vraiment surpris ! Il est vrai que l’Église occidentale en mettant en exergue la valeur incomparable de l’être humain créé à l’image de Dieu a véhiculé aussi une relativisation excessive des règnes animal, végétal, minéral. Cependant une vision plus holistique, englobante, cosmique du plan de Dieu a toujours été défendue au sein de l’Église.

La création gémit dans les douleurs de l’enfantement !

En caricaturant un peu nous pourrions dire que deux visions du monde coexistent : D’une part une vision radicalement pessimiste, occidentale, dans la lignée de saint Augustin et radicalisée par l’augustinisme, Luther ou Pascal… Vision d’un monde profondément corrompu par le « péché originel » et que Dieu vient sauver par la grâce seule. D’autre part une vision plus optimiste, orientale, dans la lignée de saint Irénée et saint Thomas…. Vision d’une création certes imparfaite mais en train de se déployer vers sa plénitude, d’une humanité blessée par le péché, incapable de réaliser seule sa vocation divine mais que Dieu vient accompagner et accomplir en Jésus Christ…Dans cette vision l’incarnation est moins une venue du Verbe de Dieu pour « réparer les pots cassés » qu’une incarnation du Verbe nécessaire, prévue depuis la fondation du monde (cf. Saint Bernard) pour achever la Création, pour transfigurer en Lui et l’humanité et le monde afin de les mener en Dieu.

Nombreux sont les théologiens qui demandent une reformulation de la vision pessimiste du monde,  c’est à dire de la conception classique occidentale du « péché originel », trop marqué par les reliquats d’une lecture fondamentaliste de la Genèse… Paul VI, dès 1966,  réclamait une “définition et une présentation du péché originel qui soient plus modernes, c’est-à-dire qui satisfassent davantage aux exigences de la foi et de la raison, telles qu’elles sont ressenties et exprimées par les hommes de notre temps” [1] . Vingt ans plus tard, lui faisaient écho les propos du cardinal J. RATZINGER qui reconnaissait : “L’incapacité de comprendre et de présenter le « péché originel » est vraiment un des problèmes les plus graves de la théologie et de la pastorale actuelle.” [2]

La création chemine vers sa Transfiguration !

Ce grand détour pour bien situer la question du rapport de l’être humain à la Création. En s’intéressant à l’écologie, il ne s’agit donc pas uniquement, même si cela est éminemment nécessaire, de lutter contre les effets pervers de notre vie moderne, de lutter contre la pollution, le réchauffement climatique, la disparition accélérée des espèces,  les conséquences dramatiques pour les peuples les plus vulnérables etc… sachant que de toute façon le monde est corrompu et sauvé par la grâce ! La véritable profondeur de l’écologie chrétienne se fonde dans cette vision renouvelée de la Création qui chemine vers sa Transfiguration : un monde habité dès le commencement par le Verbe de Dieu (par qui tout fut créé), c’est-à-dire orienté et capable de Dieu, un monde qui se déploie vers sa plénitude. Or les semences du Verbe, cachées dans les règnes minéral, végétal et animal deviennent explicites dans l’être humain créé à l’image du Verbe de Dieu. La mission de l’être humain n’est donc pas d’être uniquement gardien de la création mais co-créateur, « co-transfigurateur », du monde pour le mener, avec nous, en Jésus Christ vers sa plénitude : “ Le Christ, crucifié et ressuscité, a fait don à l’humanité de son Esprit sanctificateur, qui conduit le cours de l’histoire, dans l’attente du jour où le retour glorieux du Seigneur inaugurera « un ciel nouveau et une terre nouvelle » (2 P 3, 13) où résideront pour toujours la justice et la paix. Toute personne a donc le devoir de protéger l’environnement naturel pour construire un monde pacifique.” [3]

Souhaitons que ce cinquième Festival de la Bible, intitulé « L’écologie de la Bible à nos jours » soit l’occasion de mieux prendre conscience des racines profondes d’une écologie chrétienne. Gageons que ces journées nous permettront, non seulement, de renouveler notre agir, notre engagement environnemental mais plus fondamentalement encore notre spiritualité, notre vision de la Création et notre place dans le Cosmos !

Non, l’écologie n’est pas une mode !


[1] Paul VI, Allocution du 11 juillet 1966 aux participants du Symposium sur le péché originel

[2] Joseph RATZINGER, Entretiens sur la foi, Paris, Fayard, 1985, p.91

[3] Benoît XVI, Message pour la journée mondiale de la paix : Si tu veux construire la paix, protège la création, janvier 2010, §14

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