27 mars 2011, 3ème dimanche de carême A, Jn 4,5-42 /
Quelle rencontre ! Éminemment humaine, éminemment divine : un homme, Jésus, fatigué par la route, assoiffé vient se reposer au bord d’un puits, lieu des rencontres et notamment des rencontres amoureuses. Une femme, sans nom -afin que l’on puisse mieux s’identifier à elle comme c’est souvent le cas dans l’évangile de Jean- en quête d’un amour insatiable, en quête de vérité, assoiffée elle aussi, vient chercher au bord du puits de quoi se désaltérer. Mais la scène qu’il nous est donné de contempler, parle surtout de la rencontre du Sauveur et de l’humanité, du rendez-vous entre Jésus Christ et chacun d’entre nous. Ferons-nous le même parcours que la Samaritaine ? D’abord assoiffée, puis désaltérée, elle permettra alors à d’autres d’accéder à la source d’eau vive.
Assoiffée !
Remarquons bien la double soif. C’est Jésus, en premier lieu, qui exprime sa soif et qui demande à boire. Il a soif de rencontrer l’humanité, d’être accueilli par elle et surtout de lui manifester l’amour inaliénable de Dieu envers elle, et ceci jusqu’à la croix : « J’ai soif ! ». D’autre part, c’est la soif de la Samaritaine qui permettra la rencontre. Ne vient-elle pas au bord du puits, lieu des rencontres amoureuses, pour trouver un autre mari, elle en à déjà eu cinq plus un sixième, assoiffée d’un amour idéal toujours inassouvi ? Mais sait-elle que cette quête nécessairement vouée à l’échec ici-bas n’est que l’expression de son désir d’absolu, de son désir de Dieu. C’est Jésus qui l’aidera à en prendre conscience et qui amènera la discussion sur un terrain plus essentiel. Alors qu’elle demeure à un niveau superficiel de sa soif, « Donne-moi de cette eau que je n’aie plus à venir puiser ici », Jésus va lui permettre de passer à un autre niveau : attention à ne pas me prendre pour ton septième mari : « Appelle ton mari… ». Et, sur cette demande, non seulement elle va faire une opération de vérité sur sa vie mais elle va, de plus, exprimer sa véritable quête qui est spirituelle : « où [et comment] faut-il adorer Dieu ? » Voilà, en fait, à quel niveau se situe son véritable désir ! Quant à nous, et à nos contemporains, dans les quêtes souvent partielles de bonheur, tendues vers tel ou tel objet, vers telle ou telle image du bonheur, qu’est-ce qui s’exprime en fait ? N’est-ce pas une recherche de plénitude ? De quoi sommes-nous assoiffés ?
Désaltérée !
La Samaritaine était venue, supposément, chercher de l’eau au puits, or voilà qu’elle repart en laissant sa cruche vide, sur place ! Sa soif a été assouvie ! Repérons bien à quel moment cela semble s’opérer. Il n’est évidemment plus question d’eau, car ni elle, ni Jésus ne puisent dans ce puits. Il n’est pas question non plus d’un nouvel amour de substitution, car Jésus ne se laisse pas prendre au jeu de la séduction et du septième mari. Ce ne sont même pas les propos de Jésus sur l’adoration de Dieu en esprit et en vérité qui déclenchent son départ. Celui-ci n’intervient qu’au moment où elle comprend que Jésus est le Messie qu’elle attend, le Sauveur, c’est-à-dire celui qui peut mener sa vie à sa plénitude ! Voilà sa véritable soif assouvie ! Croyons-nous cela possible aussi pour nous ?
Source à son tour…
Cependant l’itinéraire de la Samaritaine ne s’arrête pas là ! Comme sur le chemin d’Emmaüs, comme sur la montagne de la Transfiguration, le moment fugace de l’illumination laisse immédiatement place à la mission. En effet, dès que Jésus affirme clairement qu’il est le Messie, les disciples arrivent, viennent rompre le charme, d’une certaine manière, et introduire une rupture au sein de ce temps d’intimité et de face à face. La Samaritaine s’empresse alors d’aller partager aux siens ce qu’elle vient d’expérimenter : « Venez voir un homme qui m’a dit tout ce que j’ai fait [tout ce que je désire], ne serai-t-il pas le Messie ? » Et son expérience de rencontre de Jésus va permettre à d’autres de faire également leur propre expérience de Jésus Christ : « Ce n’est plus à cause de ce que tu nous as dit que nous croyons maintenant, nous l’avons entendu par nous-mêmes, et nous savons que c’est vraiment lui le Sauveur du monde. » Remarquez bien avec quelle finesse elle va transmettre sa foi, non pas en leur disant « j’ai trouvé le Messie », mais en suscitant la curiosité de ses interlocuteurs, c’est-à-dire en les ouvrant à leur propre soif : « ne serait-il pas le Messie ? » Quelle admirable pédagogie de transmission de la foi ! Finalement la Samaritaine a mis en œuvre la parole du Christ : « Celui qui boira de l’eau que je lui donnerai aura en lui une source jaillissante pour la vie éternelle ! » Ressourcée, elle devient une personne ressource pour conduire à l’unique source du Salut ! L’itinéraire de la Samaritaine n’interpelle-t-il pas le nôtre ?
Quelle est notre soif profonde ?
Croyons nous que le Christ puisse l’assouvir ?
Et faire jaillir, en nous, une source de vie pour nos frères et sœurs ?
Deux assoiffés !
Une même nécessité de l’eau vive pour nos deux assoiffés ! Cette belle métaphore de la Bible se laissse percevoir dans la «Liturgie des Heures» : Va, pèlerin, poursuis ta quête ; que rien ne t’arrête !
Tout un tracé de la mission du chrétien (religieux ou pas), tenant compte que « Le Divin conduit à l’humain quand il est recherché en vérité et en profondeur » (Fr. Antoine — Abbaye Sainte-Marie de la Pierre-qui-vire, St-Léger-Vauban, France).