7 août 2011, 19ème dimanche A, Mt 14,22-23 /
À travers cette question, se pose, en fait, notre capacité à reconnaître Dieu lors de son passage dans nos vies. Si nous désirons un Dieu puissant et grandiose, nous aurons tendance à l’associer aux évènements spectaculaires ou extraordinaires de nos vies, mais ne risque-t-on pas alors de projeter du divin sur ce qui ne relève que de phénomènes qui nous échappent ? Comment reconnaître le vrai visage de Dieu ?
Des ressorts archaïques…
Avant d’en arriver à l’évangile du jour, arrêtons-nous quelques instants à cette étonnante première lecture du livre des rois. Elie, sur la montagne de l’Horeb, va devoir faire ce travail de reconnaissance du passage de Dieu : « Tiens-toi devant le Seigneur, car il va passer ! » (1 R 19,11) Et on connaît la suite : « il y eut un violent ouragan […] mais le Seigneur n’était pas dans l’ouragan… puis un tremblement de terre, mais le Seigneur n’était pas dans le tremblement de terre… puis un feu, mais le Seigneur n’était pas dans le feu. » (1 R 19, 11-12) ; et enfin, suivant la traduction choisie, « le murmure d’une brise légère », « le bruissement d’un souffle ténu », « un bruit de fin silence », dans lequel Elie reconnut la présence du Seigneur ! Ce texte dénonce la propension des humains, de tous les temps, à associer Dieu aux phénomènes grandioses et souvent catastrophiques qui marquent notre monde. Ces manifestations autrefois divinisées – chez les grecs par exemple, avec Zeus (dieu du tonnerre), Poséidon (dieu des mers et des tremblements de terre) ou Héphaïstos (dieu du feu et des volcans) – sont aujourd’hui utilisées contre Dieu : « Si un Dieu bon existe, pourquoi ces tremblements de terre et autres catastrophes naturelles ? » Dans un cas comme dans l’autre, c’est le même ressort archaïque qui fonctionne, le même désir secret qui est à l’œuvre : celui d’une sacralisation de ce qui nous fait peur ou de ce qui nous échappe, et l’association systématique de Dieu à ce genre de phénomène ! Quel Dieu habite nos désirs ?
Des théophanies ambivalentes…
La Bible, dans le premier comme dans le second testament, témoigne de cette lente recherche d’adéquation entre les images humaines de Dieu et le vrai visage de Celui-ci qui cherche à se révéler à nous. Dans les Écritures inspirées, tout est de l’homme et tout est de Dieu ! C’est pourquoi les théophanies bibliques –les manifestations de Dieu racontées dans la Bible– sont ambivalentes : certaines relèvent plus des tâtonnements humains pour parler de Dieu tandis que d’autres, comme des rais de lumière à travers les nuages, laissent Dieu se révéler à nous. La nuée qui accompagne le peuple d’Israël, la montagne tonitruante du Sinaï ou le Fils de Dieu qui marche sur les eaux et apaise la tempête relèvent d’un divin qui nous convient aisément, et on le reconnaît comme tel : « Vraiment, tu es le Fils de Dieu ! » (Mt 14,23). Mais le « bruit de fin silence », le serviteur souffrant du livre d’Isaïe, l’enfant dans la mangeoire ou l’homme crucifié mourant en croix, sont bien loin de nos attentes. Seuls les cœurs disponibles reconnaîtront là le vrai visage de Dieu : un Elie, un Isaïe, quelques bergers ou le centurion au pied de la croix qui s’exclame, selon l’évangile de Marc : « Vraiment celui-ci était fils de Dieu ! » ( Mc 15,39) (Chez Matthieu par contre, ce sera de nouveau un tremblement de terre qui permettra au centurion de reconnaître Dieu dans le crucifié…) Pierre lui-même a besoin de ces signes : pêche miraculeuse, marche sur les eaux, etc… mais il sera le premier à s’opposer à l’idée d’une souffrance de Jésus : « Dieu t’en garde Seigneur » qui lui vaudra un cinglant : « Passe derrière moi, Satan ! » (Mt 16,23)… Quel Dieu habite nos désirs ?
Une vigilance incessante…
Convertir nos désirs de toute-puissance projetés en Dieu, se laisser enseigner parla Parole, et s’attacher résolument au vrai Dieu révélé par Jésus Christ demandent un combat, une vigilance de chaque instant ! Qu’il est difficile de croire en un Dieu serviteur, en un Dieu qui s’efface, en un Dieu dont toute la puissance dérive de son amour ! Quand les uns et les autres nous réclament un « Dieu qui soit Dieu, nom de Dieu ! » : quelle foi nous est demandée ! Elle est bien plus exigeante que celle nécessaire pour croire en un Dieu qui marche sur les eaux, cette foi capable de reconnaître sa présence dans un « bruit de fin silence », dans un malade qui agonise ou dans un humble geste d’amour !
Ne serions-nous pas mieux à même de reconnaître son passage,
si le vrai visage de Dieu habitait nos désirs ?
Quel Dieu habite nos désirs ?
7 août 2011, 19ème dimanche A, Mt 14,22-23 /
À travers cette question, se pose, en fait, notre capacité à reconnaître Dieu lors de son passage dans nos vies. Si nous désirons un Dieu puissant et grandiose, nous aurons tendance à l’associer aux évènements spectaculaires ou extraordinaires de nos vies, mais ne risque-t-on pas alors de projeter du divin sur ce qui ne relève que de phénomènes qui nous échappent ? Comment reconnaître le vrai visage de Dieu ?
Des ressorts archaïques…
Avant d’en arriver à l’évangile du jour, arrêtons-nous quelques instants à cette étonnante première lecture du livre des rois. Elie, sur la montagne de l’Horeb, va devoir faire ce travail de reconnaissance du passage de Dieu : « Tiens-toi devant le Seigneur, car il va passer ! » (1 R 19,11) Et on connaît la suite : « il y eut un violent ouragan […] mais le Seigneur n’était pas dans l’ouragan… puis un tremblement de terre, mais le Seigneur n’était pas dans le tremblement de terre… puis un feu, mais le Seigneur n’était pas dans le feu. » (1 R 19, 11-12) ; et enfin, suivant la traduction choisie, « le murmure d’une brise légère », « le bruissement d’un souffle ténu », « un bruit de fin silence », dans lequel Elie reconnut la présence du Seigneur ! Ce texte dénonce la propension des humains, de tous les temps, à associer Dieu aux phénomènes grandioses et souvent catastrophiques qui marquent notre monde. Ces manifestations autrefois divinisées – chez les grecs par exemple, avec Zeus (dieu du tonnerre), Poséidon (dieu des mers et des tremblements de terre) ou Héphaïstos (dieu du feu et des volcans) – sont aujourd’hui utilisées contre Dieu : « Si un Dieu bon existe, pourquoi ces tremblements de terre et autres catastrophes naturelles ? » Dans un cas comme dans l’autre, c’est le même ressort archaïque qui fonctionne, le même désir secret qui est à l’œuvre : celui d’une sacralisation de ce qui nous fait peur ou de ce qui nous échappe, et l’association systématique de Dieu à ce genre de phénomène ! Quel Dieu habite nos désirs ?
Des théophanies ambivalentes…
La Bible, dans le premier comme dans le second testament, témoigne de cette lente recherche d’adéquation entre les images humaines de Dieu et le vrai visage de Celui-ci qui cherche à se révéler à nous. Dans les Écritures inspirées, tout est de l’homme et tout est de Dieu ! C’est pourquoi les théophanies bibliques –les manifestations de Dieu racontées dans la Bible– sont ambivalentes : certaines relèvent plus des tâtonnements humains pour parler de Dieu tandis que d’autres, comme des rais de lumière à travers les nuages, laissent Dieu se révéler à nous. La nuée qui accompagne le peuple d’Israël, la montagne tonitruante du Sinaï ou le Fils de Dieu qui marche sur les eaux et apaise la tempête relèvent d’un divin qui nous convient aisément, et on le reconnaît comme tel : « Vraiment, tu es le Fils de Dieu ! » (Mt 14,23). Mais le « bruit de fin silence », le serviteur souffrant du livre d’Isaïe, l’enfant dans la mangeoire ou l’homme crucifié mourant en croix, sont bien loin de nos attentes. Seuls les cœurs disponibles reconnaîtront là le vrai visage de Dieu : un Elie, un Isaïe, quelques bergers ou le centurion au pied de la croix qui s’exclame, selon l’évangile de Marc : « Vraiment celui-ci était fils de Dieu ! » ( Mc 15,39) (Chez Matthieu par contre, ce sera de nouveau un tremblement de terre qui permettra au centurion de reconnaître Dieu dans le crucifié…) Pierre lui-même a besoin de ces signes : pêche miraculeuse, marche sur les eaux, etc… mais il sera le premier à s’opposer à l’idée d’une souffrance de Jésus : « Dieu t’en garde Seigneur » qui lui vaudra un cinglant : « Passe derrière moi, Satan ! » (Mt 16,23)… Quel Dieu habite nos désirs ?
Une vigilance incessante…
Convertir nos désirs de toute-puissance projetés en Dieu, se laisser enseigner parla Parole, et s’attacher résolument au vrai Dieu révélé par Jésus Christ demandent un combat, une vigilance de chaque instant ! Qu’il est difficile de croire en un Dieu serviteur, en un Dieu qui s’efface, en un Dieu dont toute la puissance dérive de son amour ! Quand les uns et les autres nous réclament un « Dieu qui soit Dieu, nom de Dieu ! » : quelle foi nous est demandée ! Elle est bien plus exigeante que celle nécessaire pour croire en un Dieu qui marche sur les eaux, cette foi capable de reconnaître sa présence dans un « bruit de fin silence », dans un malade qui agonise ou dans un humble geste d’amour !
Ne serions-nous pas mieux à même de reconnaître son passage,
si le vrai visage de Dieu habitait nos désirs ?