Temps de Noël ou lendemains de fête ? Il n’est jamais très évident de vivre pleinement le temps de Noël… Pour beaucoup l’esprit est à la fête avant Noël : les magasins nous feraient presque croire que Noël commence aussitôt après Halloween… et qu’aussitôt la fête passée, on peut enlever nos sapins et reprendre le temps ordinaire. Heureusement qu’il y a le nouvel an pour nous maintenir dans l’esprit de fête au moins jusqu’au premier janvier ! La liturgie, quant à elle, nous signifie bien que le temps de Noël commence le 24 décembre au soir jusqu’à la fête du Baptême du Seigneur –date mobile suivant les années- ce n’est donc bien que mardi prochain, le 10 janvier, que commencera le temps ordinaire et que nous pourrons ranger nos décorations de Noël ! Ce n’est pas tellement par souci de « rubricisme liturgique » que je mentionne cela, mais en raison de l’étonnement, toujours renouvelé, de constater que la fête est bien plus présente en nos cœurs dans ses préparatifs (le temps de l’Avent) que dans sa réalisation (le temps de Noël)… Vous allez dire que je radote : mais quel puissant moteur pour notre vie que le désir ! Cela me fait penser à cette phrase du renard dans Le petit prince, pour justifier le fait de se donner une heure de rendez-vous : « Mais si tu viens n’importe quand, je ne saurai jamais à quelle heure m’habiller le cœur ! »
S’habiller le cœur pour la fête, préparer les cadeaux, le repas, envisager les retrouvailles : quelle joie ! Mais la réalité est toujours un peu décevante, le repas de fête tourne parfois à la dispute familiale, ce qu’on avait préparé avec soin n’est pas apprécié à sa juste valeur, le cadeau ne fait pas vraiment plaisir, etc. Alors comment vivre pleinement le temps des fêtes ? Je ne suis vraiment pas un spécialiste de la fête, aussi ma réponse vous paraîtra peut-être tout à fait à côté de la plaque, mais la liturgie me donne à penser que toutes les fêtes que nous célébrons ne sont que des prémices de la fête du Royaume de Dieu à laquelle nous sommes appelés. Et voici le retour du Désir : Ne pas vivre la fête comme un aboutissement, mais comme un galop d’essai, comme un lieu d’apprentissage pour la fête ultime ! Alors peut-être verrons-nous d’abord ce qui a bien réussi dans notre fête cette année, plutôt que ce qui fut un peu raté. Alors peut-être pourrons-nous nous émerveiller d’avoir pu vivre déjà la Joieà laquelle nous sommes appelés, malgré tout ce qui n’est pas vraiment drôle dans notre vie, dans notre entourage, dans notre monde ! Et si nous profitions de ce temps de Noël, jusqu’à lundi prochain, pour nous réjouir de l’amour partagé durant ce temps des fêtes, de ce que nous avons appris à travers nos retrouvailles et qui nous permettent déjà de nous habiller le cœur pour la seule fête et les seules retrouvailles qui nous combleront vraiment ?
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Dans quinze jours !
C’est devenu une boutade en communauté, cela fait maintenant presque deux mois que lorsqu’on nous demande « quand est-ce que vous déménagez ? » nous répondons « dans quinze jours » ! Vous savez ce que c’est, les travaux sont bien avancés mais les finitions prennent toujours du temps… Vous pouvez en tout cas vous rendre compte de l’avancement des travaux du nouveau Noviciat en regardant ces quelques photos. Le bâtiment vous paraîtra peut-être grand, mais la mission progresse à grand pas : 6 jeunes frères sont aux études, 4 novices sont avec moi, 8 jeunes pré-postulants sont à la communauté de Komah, et nous sommes en lien avec une vingtaine d’autres candidats… En plus des 10 frères déjà à l’œuvre dans cette « nouvelle mission » d’Afrique de l’Ouest. Cette maison, qui servira dans l’immédiat pour le Noviciat, aura bien d’autres fonctions possibles par la suite, et déjà l’année prochaine nous devrions être au moins dix à la communauté… Nous sommes donc dans l’imminence du déménagement : dans quinze jours!
D’abord mon coup de cœur : le Noviciat ! Mais c’est un HÔTEL ! ! Que c’est beau ! C’est sainte Thérèse d’Avila qui exigeait le beau pour les maisons de religieuses ; là, c’est pas raté ! Et puis, je remarque avec plaisir le rose de la balustrade de la galerie du rez-de-chaussée ! Une maison avec du rose, on ne peut pas se tromper !
Vous dites, P. Benoît : « Vous allez dire que je radote : mais quel puissant moteur pour notre vie que le désir ! » Vous faites bien de radoter sur le désir, il n’a pas fini de nous surprendre, celui-là ! Je le travaille de ce temps-ci et ce matin – cette nuit – j’ai imaginé que le désir devait être « un désir de quelque chose » ou il n’est rien. N’allez pas vous moquer de mon expression : d’abord cette expression n’est pas de moi mais de Husserl quand il parle de la conscience : toute conscience est « conscience de qqch », dit-il. C’est-à-dire, c’est un mouvement vers et non une fonction en attente. Encore moins un organe ! Bref, tout l’être du désir c’est d’être « de quelque chose de précis ». Autrement, c’est de la névrose. Conséquemment, un désir vague, flou, romantique, brumeux, angoissé, etc., ce n’est pas du désir, c’est de… l’ivresse ! Examiner cette puissance en nous, je crois que c’est une excellente porte d’entrée pour le « connais-toi, toi-même » dans toute sa profondeur humaine… que ne nous connaissons, vraiment, qu’à peine.
J’aime bien aussi votre référence au Petit prince « Mais si tu viens n’importe quand, je ne saurai jamais à quelle heure m’habiller le cœur ! » La littérature est pleine de ces clins d’œil au temps comme prometteur de joie et d’abondance. Ou de réponse précise à un désir précis. Ainsi mon La Fontaine préféré : « Je vous paierai, lui dit-elle, avant l’août, foi d’animal… » (La cigale et la f…) ; puis : « Remuez votre champ dès qu’on aura fait l’oût » (Le laboureur et ses enfants) ; etc. La Fontaine ne se gêne pas de mettre des moments précis pour encadrer le désir. Et la confiance, et l’espoir. Et la certitude.
Une question de l’examen en Platon demandait si le désir – ou l’amour compris comme manque -, cessait avec l’accomplissement de ses vœux. La réponse était non si ce qui est désiré dans le désir a une valeur élevée. Ce désir-là ne meurt jamais. C’est à croire que le bonheur réside dans ce sentiment du manque ou du pas encore, comme vous dites. Étonnant, en effet. Pourquoi est-ce ainsi ? Sans doute serait-ce parce que le désir est un moteur pour une direction, pour du sens ; un sens à la vie ?
Il faudra encore « radoter » sur le désir, je crois, P. Benoît, il mènera loin ! Les puritains en ont eu peur, votre Augustin, lui, en avait compris toute la force. Et puis, qui c’est qu’a mis en exergue de son site la belle phrase « Trouver Dieu, c’est le chercher sans cesse » d’Augustin ?
P.s. Que vous ne soyez pas un « un spécialiste de la fête », c’est peut-être une notion à revoir…