Dimanche de Pâques, année B, Jn 20,1-9 /
« Oui nous te rendons grâce car sa mort nous affranchit de la mort et dans le mystère de sa résurrection, chacun de nous est déjà ressuscité ! » (Extrait de la deuxième préface de Pâques) Comment vivre ce mystère de la résurrection de l’intérieur sans en rester aux mots ? Croyons-nous que nous sommes déjà ressuscités ? Le croyons-nous, c’est-à-dire, y adhérons-nous ? Cela change-t-il nos vies ?
Déjà ressuscités ?
Saint Paul a abondamment développé ce thème : « Ensevelis avec lui dans le baptême, avec lui encore vous avez été ressuscités. » (Col 2,12) « Alors que nous étions morts à cause de nos fautes, il nous a donné la vie avec le Christ… Avec lui, il nous a ressuscités et fait asseoir dans les cieux, en Jésus Christ » (Ep 2,5-6) ou encore : « De même vous aussi : pensez que vous êtes morts au péché et vivants pour Dieu en Jésus Christ. » (Rm 6,11) Toutes ces expressions relatives à notre résurrection reposent sur un petit mot essentiel : en (ou avec)… « avec lui vous avez été ressuscités » ; « vivants pour Dieu en Jésus Christ. » Puisque le baptême, en particulier, mais aussi les autres sacrements et nos « comportements évangéliques », nous agrègent au Corps du Christ et puisque le Christ est ressuscité, nous sommes donc déjà ressuscités en lui ! Pour le dire plus concrètement, tout ce qui nourrit notre intimité avec le Christ : la prière, les sacrements, les gestes d’amour, de solidarité, de fraternité, etc., participe de la vie du Christ et a déjà valeur d’éternité : « Votre vie reste cachée avec le Christ en Dieu. Quand paraîtra le Christ, votre vie, alors vous aussi paraîtrez avec lui en pleine gloire » (Col 3,3-4) En Christ nous sommes déjà ressuscités, la partie étincelante de chacun de nous brille déjà en Dieu ! Mais puisque la partie ténébreuse de chacun de nous devra être purifiée, notre « pleine gloire » demeure en devenir…
Déjà ressuscités ?
Lorsque Jésus ressuscité s’adresse à Marie-Madeleine par son nom : « Marie », celle-ci le reconnaît : « Rabbouni » (Jn 20,16)… Or, que signifie ce dialogue, sinon que la relation établie entre Marie et Jésus, durant la vie terrestre de celui-ci, existe de façon essentielle et éternelle dans le cœur de Dieu ? Et donc que Marie-Madeleine est déjà ressuscitée, même si elle n’a pas encore reçu son corps glorieux… Il en va donc de même pour nous : si nous cultivons notre intimité avec le Seigneur, nous existons pour lui, en lui, avec lui et nous sommes déjà ressuscités, même si nous n’avons pas encore reçu notre corps glorieux… Le croyons-nous ? Y adhérons-nous ? C’est-à-dire, mettons-nous toutes nos énergies à cultiver notre intimité avec le Seigneur ? Pas simplement en passant des heures en prières… mais en cultivant notre proximité avec les plus pauvres, les plus malheureux, les plus tristes, les plus malades, etc. « À chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ses petits qui sont mes frères c’est à moi que vous l’avez fait ! » (Mt 25,40 )
Déjà ressuscités ?
« Si donc vous êtes ressuscités avec le Christ, recherchez les réalités d’en haut. » (Rm 3,1 première lecture de ce dimanche) Croire que nous sommes déjà ressuscités, y adhérer, cela change-t-il nos vies ? Le principal changement devrait être un immense soulagement, une infinie liberté par rapport à toutes les réalités « d’en bas », non pas au sens d’une fuite de ces réalités, mais bien plutôt au sens d’un engagement dans le monde libre de toute entrave : nous n’avons rien à prouver ici-bas ni rien à craindre ! : « Qui pourra nous séparer de l’amour du Christ ? La détresse ? L’angoisse ? La persécution ? La faim ? Le dénuement ? Le danger ? Le supplice ? […] ni la mort ni la vie, ni les esprits ni les puissances, ni le présent ni l’avenir, ni les astres, ni les cieux, ni les abîmes, ni aucune autre créature, rien ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu qui est en Jésus Christ notre Seigneur. » (Rm 8,35…39) Puisque nous sommes déjà ressuscités, nous sommes totalement libres pour rechercher « les réalités d’en haut », et cela change passablement nos vies : un saint François d’Assise, un saint Maximilien Kolbe, une bienheureuse Mère Theresa de Calcutta… et des milliers d’autres figures humaines, reconnues ou non par l’Église, n’en sont-ils pas les illustres témoins ? Ne croyez-vous pas que par cette résurrection déjà acquise, chacune de nos vies, jour après jour, peut en être transfigurée ?
Oui, vous êtes déjà ressuscités !
Y croyez-vous ? Y adhérez-vous ?
Cela ne libère-t-il pas vos vies pour aimer ?
Joyeuses Pâques Père Benoît !
En ce dimanche de Pâques, les nouvelles en provenance de l’Afrique m’incitent à relire l’article de Pierre S. Adjété : « Togo : un pays à réinventer » (Relations, mars 2011).
Mille fois entendu par les ressuscités, m’apparaît en gros plan : « Que la paix soit avec vous ! » Thérèse L.-Vézina
« Croire que nous sommes déjà ressuscités, y adhérer, cela change-t-il nos vies ? « Y croyez-vous ? » Quelles questions compliquées… et engageantes ! Voyons voir : – En métaphysique, nous parlons de l’« être » des choses. Et l’être des choses n’est pas sensible donc ne se voit pas, il se saisit par l’intelligence, il est intelligible seulement. Mais cela nous est tellement familier que nous n’y prêtons pas attention : quand je demande à mes étudiants « Où est la douzaine dans une douzaine d’œufs ? », ils me croient trop bizarre. Et quand je demande « Où est la corde dans une corde de bois ? », alors là, c’est la panique ! Autant la douzaine que la corde sont des choses – disons-les « conceptuelles ». À cause de cela, chacune ne se saisit que par l’intelligence : il n’y a pas de chose matérielle « douzaine » dans la boîte d’œufs, et ne cherchez pas de corde dans une corde de bois ! Pourtant nous sommes très à l’aise de parler ainsi ; autrement il resterait à pointer, à grogner et à se lancer des objets ! Y croyons-nous ? Y adhérons-nous ? Cela change-t-il nos vies ? Cela nous libère-t-il pour autre chose ? Les mêmes questions se posent.
J’aime bien comprendre par comparaison, aussi j’essaie de comprendre le commentaire du dimanche de Pâques en comparant avec notre expérience de tous les jours. Si les sens nous servent, si l’intelligence nous sert à quelque chose d’autre, par quelle « faculté » allons-nous adhérer à la proposition que nous sommes déjà ressuscités ? Le romantisme n’est pas une faculté mais un travers ; donc ça ne peut pas être ça ! Une décision ? La « volonté », alors ? Ça ne me convainc pas. D’un autre côté, la volonté est une sorte de désir ; mais je ne crois pas qu’elle nous fasse désirer quelque chose d’aussi élevé, d’aussi noble que ce dont il est question dans votre commentaire, P. Benoît. J’ai le sentiment que ça prendrait autre chose ! Vous allez répondre que ça prend la foi, mais en même temps, qu’est-ce que cela, la foi ?
Peut-être que si je revenais à mes analogies, j’y trouverais quelques éléments de réponse : Soit mes exemples de la réalité de l’être des choses qui ne se « voit » que par l’intelligence. Les questions étaient les mêmes que celles que vous posiez : Y croyons-nous ? Y adhérons-nous ? Cela change-t-il nos vies ? Cela nous libère-t-il pour autre chose ? Aux questions «Y croyons-nous ? » et « Y adhérons-nous ? », nous devons bien répondre que oui, même si c’est pour nous une croyance et une adhésion implicite : la preuve, c’est que nous parlons avec ces concepts, pas autrement et jamais sans ces concepts « intelligibles ». – « Cela change-t-il nos vies ? – Pas mal, oui, autrement nous serions condamnés à la vie des bêtes, opaque, sans sens, sans but, sans joie. Enfin, la dernière question : « Cela nous libère-t-il pour autre chose ? » Eh bien, cela nous permet de parler ! Or l’homme est l’être créé avec la parole (« Il n’est pas bon que l’homme soit seul »), et ce sont les concepts qui permettent de parler. Et ça, c’est déjà le commencement de tout. De tout ce que vous dites, Benoît, dans votre commentaire, et qui est le fait des seuls humains… peut-être parce qu’ils sont avec Dieu, en Dieu et par Lui. Sinon par nature, du moins par le Fils venu parmi nous pour nous anoblir ! Il m’est difficile de nous représenter « ressuscités » mais de nous voir avec des facultés telles que les plus grandes choses sont accessibles à l’humain, il est plus facile de se « croire » ressuscités, c’est-à-dire sortis de l’opacité des êtres qui ne sont que des choses… d’en bas.
Puis-je me permettre de voir ça comme ça, P. Benoît ? Je vous l’ai dit plusieurs fois : ces thèmes-là, je les prends très au sérieux…
J’abuse du peu d’électricité que vous avez en écrivant trop long ; pardonnez-moi.
« Le principal changement devrait être un immense soulagement, une infinie liberté par rapport à toutes les réalités « d’en bas », non pas au sens d’une fuite de ces réalités, mais bien plutôt au sens d’un engagement dans le monde libre de toute entrave : nous n’avons rien à prouver ici-bas ni rien à craindre ! » Voilà, tout est dit. Sinon qu’à un immense soulagement s’associe aussi une immense reconnaissance.