Des démarches en vue de la réintégration des intégristes, à la reprise en main des religieuses américaines qui sont allées trop loin – « plus loin que Vatican II »-, en passant par les associations de laïcs ou de prêtres sur le bord de la scission ou par ces nouveaux jeunes catholiques aux revendications identitaires marquées et/ou adeptes de la pop-louange… Il y a des moments où l’actualité de l’Église ne me fait guère rêver…
Cependant j’ai appris, par ailleurs, en m’attardant à ce qui résiste dans les textes bibliques, à ce qui pose question, à ce qui choque, que l’on peut dépasser les apparentes contradictions de l’Écriture et découvrir une vérité plus profonde, plus nourrissante… Ne pourrait-on pas employer la même approche pour ce qui nous gêne dans l’Église, car l’Écriture, comme l’Église, sont animées par l’Esprit Saint, non ? Pour certains, l’Église semble plutôt régresser vers les siècles passés que d’avancer vers les siècles à venir… Pour d’autres, elle n’est jamais assez intransigeante et beaucoup trop permissive à l’air du temps…
Quelles que soient notre position de départ et l’histoire de notre foi, nous avons tous à nous convertir à l’Évangile et à nous laisser guider par le souffle de l’Esprit. J’aime bien m’inspirer de la démarche de l’assemblée de Jérusalem pour réfléchir à notre façon de faire Église. Nous méditions ce texte des Actes des Apôtres au cours des liturgies de la semaine : fallait-il, ou non, imposer la circoncision au pagano-chrétiens convertis par Paul et Barnabé ?… Nous pouvons tirer deux enseignements majeurs de cette situation :
-D’une part, l’Église n’a jamais été un tronc unique qui se serait divisé ensuite en plusieurs branches. Mais, dès le début, les apôtres ont fondé des Églises diverses et variées, avec des façons de faire différentes, et seulement ensuite il a fallu assurer l’unité de ces Églises, comme, par exemple, avec cette assemblée de Jérusalem.
-D’autre part, le résultat de l’assemblée de Jérusalem n’a pas été de se mettre d’accord sur une unique façon de faire pour tous les chrétiens, mais de permettre aux pagano-chrétiens d’entrer dans l’Église sans suivre toutes les prescriptions du Judaïsme (circoncision et règles alimentaires), tandis que les judéo-chrétiens continuaient de vivre selon ces prescriptions !
Convertissons donc notre approche : l’Église ne fut jamais une réalité simple et uniforme, et la communion est possible tout en laissant place à certaines différences de sensibilités. Le rôle de l’évêque de Rome est de mettre en œuvre tous les moyens nécessaires pour assurer la communion, au risque d’une certaine uniformité, le rôle des communautés chrétiennes et de défendre leur façon de faire, leur histoire, leur sensibilité, au risque de la séparation : cette tension est nécessaire, elle évite, d’une part, à chaque groupe d’Église de se prendre pour le nombril du monde, et elle évite, d’autre part, à la hiérarchie de tomber dans l’uniformisation et le légalisme… Accueillons donc ces combats, ces tensions comme des manifestations de l’Esprit Saint qui ne se laisse ni enfermer dans l’uniformité, ni ne se satisfait de la division des chrétiens… À travers toutes ses tensions, le Corps du Christ se construit, non ?