14ème dimanche, année B, Mc 6,1-6 /
L’évangile de ce dimanche nous montre Jésus incapable de donner pleinement tout ce qu’il porte en lui-même, à cause du regard que l’on pose sur lui, des étiquettes qu’on lui accole et du rôle auquel on veut le restreindre. Non, Jésus n’est pas seulement un charpentier, il n’est pas seulement le fils de Marie, il n’est pas seulement un enfant de Nazareth… Mais nous pouvons aller plus loin : il n’est pas seulement un juif, ni seulement un rabbi, ni seulement un prophète, ni seulement un homme ! Quelle actualité ! N’est-on pas toujours prompt à enfermer l’autre dans un aspect de lui-même, dans une origine, dans une identité meurtrière[1] ? C’est un musulman… c’est un paysan… c’est un Hutu… c’est un homosexuel… c’est un noir… c’est un handicapé… etc. Comment s’ouvrir au mystère d’autrui ?
Pas seulement…
Les habitants de Nazareth évoquent trois aspects qu’ils connaissent de Jésus, et dans lesquels ils veulent l’enfermer : son métier, sa famille, son village : « Comment pourrait-il venir nous faire la leçon lui qui n’est qu’un charpentier, qu’un fils de cette Marie que l’on connait bien, qu’un gamin du village ? » Mais, avec le recul, nous le savons, nous, il était loin de n’être que cela ! Alors pourquoi, tandis que nous sommes prêts à qualifier ces habitants d’endurcis et d’aveugles, sommes-nous si enclins à retomber dans les mêmes travers ? Ne serait-ce, premièrement, que d’un point de vue purement humain, il nous faut prendre conscience de l’unicité et de la complexité de chaque être humain qui ne peut être réduit à une identité simpliste : suis-je seulement « un français », « un blanc », « un prêtre » ? Il se trouve que j’ai aussi la nationalité canadienne et que, pour l’instant, je vis au Togo, que sous ma peau, le reste de mon corps à la même couleur que celle de tous les humains et que je ne suis pas seulement un prêtre mais aussi un religieux, un fils de paysan, un musicien, etc. Amin Maalouf a longuement développé cela dans son essai intitulé Les identités meurtrières : vouloir réduire « l’identité à une seule appartenance, installe les hommes dans une attitude partiale, sectaire, intolérante, dominatrice, quelquefois suicidaire, et les transforme bien souvent en tueurs, ou en partisans des tueurs »[2]. N’enfermez-vous jamais l’autre dans une identité simpliste ? Il n’est pourtant pas seulement ceci ou cela, mais un être unique constitué, à cet instant précis de sa vie, de multiples appartenances et d’une histoire singulière !
Mais aussi…
Pour découvrir un peu de l’identité du Christ, cela prendra trois années à ses apôtres : un long compagnonnage couronné par l’éclairage nécessaire de l’Esprit. Sommes-nous prêts à ce long compagnonnage, à cet éclairage de l’Esprit, à saisir les occasions offertes pour approcher un peu du mystère d’autrui ? L’aventure du mariage donne cette opportunité, mais bien d’autres opportunités s’offrent à nous. Pour ma part, les différents étés où je fus animateur dans des camps de vacances pour personnes handicapées m’ont permis de grandir dans la découverte de frères et sœurs qui n’étaient pas seulement « des handicapés » mais des personnes bien spécifiques, avec chacune son caractère, son histoire, sa richesse…
Et plus encore…
Ce charpentier de Nazareth, fils de Marie, était aussi un prophète, un maître spirituel mais, plus encore, il était le Fils de Dieu ! Et puisque tout être humain est créé à l’image de Dieu, alors, chacun d’entre-nous est donc marqué, certes par son identité humaine complexe, multiple et singulière mais, encore, par son identité d’enfant de Dieu ! Jésus de Nazareth ne put faire, dans son village, que peu de miracles à cause du regard porté sur lui ; aussi, comment celui que l’on enferme par un regard qui juge, qui réduit, qui abaisse pourrait-il donner le meilleur de lui-même ? N’avez-vous pas, au contraire, expérimenté que poser un regard d’amour, de confiance, de bienveillance peut permettre à l’autre de se révéler dans toutes ses capacités et dans toute sa beauté ? Et, au-delà d’une simple technique pédagogique pour permettre à chacun de grandir, ce regard d’amour et de bienveillance est d’abord posé, sur chacun de nous, par Dieu lui-même, qui connaît le potentiel de chacun pour devenir toujours plus enfant de Dieu. Il nous invite donc à participer de son propre regard d’amour sur le mystère insondable de chaque être humain –le mien y compris–.
Jésus fut enfermé par ses co-villageois dans une identité, sinon meurtrière, du moins stérilisante,
Et pourtant il n’était pas seulement ce qu’on croyait connaître de lui, mais aussi un autre,
et plus encore un Tout Autre !
Saurons-nous donc prendre les moyens pour nous ouvrir à Son mystère et au mystère d’autrui ?
[1] Amin MAALOUF, Les identités meurtrières, Grasset, Paris, 1998
S’ouvrir au mystère d’autrui !
14ème dimanche, année B, Mc 6,1-6 /
L’évangile de ce dimanche nous montre Jésus incapable de donner pleinement tout ce qu’il porte en lui-même, à cause du regard que l’on pose sur lui, des étiquettes qu’on lui accole et du rôle auquel on veut le restreindre. Non, Jésus n’est pas seulement un charpentier, il n’est pas seulement le fils de Marie, il n’est pas seulement un enfant de Nazareth… Mais nous pouvons aller plus loin : il n’est pas seulement un juif, ni seulement un rabbi, ni seulement un prophète, ni seulement un homme ! Quelle actualité ! N’est-on pas toujours prompt à enfermer l’autre dans un aspect de lui-même, dans une origine, dans une identité meurtrière[1] ? C’est un musulman… c’est un paysan… c’est un Hutu… c’est un homosexuel… c’est un noir… c’est un handicapé… etc. Comment s’ouvrir au mystère d’autrui ?
Pas seulement…
Les habitants de Nazareth évoquent trois aspects qu’ils connaissent de Jésus, et dans lesquels ils veulent l’enfermer : son métier, sa famille, son village : « Comment pourrait-il venir nous faire la leçon lui qui n’est qu’un charpentier, qu’un fils de cette Marie que l’on connait bien, qu’un gamin du village ? » Mais, avec le recul, nous le savons, nous, il était loin de n’être que cela ! Alors pourquoi, tandis que nous sommes prêts à qualifier ces habitants d’endurcis et d’aveugles, sommes-nous si enclins à retomber dans les mêmes travers ? Ne serait-ce, premièrement, que d’un point de vue purement humain, il nous faut prendre conscience de l’unicité et de la complexité de chaque être humain qui ne peut être réduit à une identité simpliste : suis-je seulement « un français », « un blanc », « un prêtre » ? Il se trouve que j’ai aussi la nationalité canadienne et que, pour l’instant, je vis au Togo, que sous ma peau, le reste de mon corps à la même couleur que celle de tous les humains et que je ne suis pas seulement un prêtre mais aussi un religieux, un fils de paysan, un musicien, etc. Amin Maalouf a longuement développé cela dans son essai intitulé Les identités meurtrières : vouloir réduire « l’identité à une seule appartenance, installe les hommes dans une attitude partiale, sectaire, intolérante, dominatrice, quelquefois suicidaire, et les transforme bien souvent en tueurs, ou en partisans des tueurs »[2]. N’enfermez-vous jamais l’autre dans une identité simpliste ? Il n’est pourtant pas seulement ceci ou cela, mais un être unique constitué, à cet instant précis de sa vie, de multiples appartenances et d’une histoire singulière !
Mais aussi…
Pour découvrir un peu de l’identité du Christ, cela prendra trois années à ses apôtres : un long compagnonnage couronné par l’éclairage nécessaire de l’Esprit. Sommes-nous prêts à ce long compagnonnage, à cet éclairage de l’Esprit, à saisir les occasions offertes pour approcher un peu du mystère d’autrui ? L’aventure du mariage donne cette opportunité, mais bien d’autres opportunités s’offrent à nous. Pour ma part, les différents étés où je fus animateur dans des camps de vacances pour personnes handicapées m’ont permis de grandir dans la découverte de frères et sœurs qui n’étaient pas seulement « des handicapés » mais des personnes bien spécifiques, avec chacune son caractère, son histoire, sa richesse…
Et plus encore…
Ce charpentier de Nazareth, fils de Marie, était aussi un prophète, un maître spirituel mais, plus encore, il était le Fils de Dieu ! Et puisque tout être humain est créé à l’image de Dieu, alors, chacun d’entre-nous est donc marqué, certes par son identité humaine complexe, multiple et singulière mais, encore, par son identité d’enfant de Dieu ! Jésus de Nazareth ne put faire, dans son village, que peu de miracles à cause du regard porté sur lui ; aussi, comment celui que l’on enferme par un regard qui juge, qui réduit, qui abaisse pourrait-il donner le meilleur de lui-même ? N’avez-vous pas, au contraire, expérimenté que poser un regard d’amour, de confiance, de bienveillance peut permettre à l’autre de se révéler dans toutes ses capacités et dans toute sa beauté ? Et, au-delà d’une simple technique pédagogique pour permettre à chacun de grandir, ce regard d’amour et de bienveillance est d’abord posé, sur chacun de nous, par Dieu lui-même, qui connaît le potentiel de chacun pour devenir toujours plus enfant de Dieu. Il nous invite donc à participer de son propre regard d’amour sur le mystère insondable de chaque être humain –le mien y compris–.
Jésus fut enfermé par ses co-villageois dans une identité, sinon meurtrière, du moins stérilisante,
Et pourtant il n’était pas seulement ce qu’on croyait connaître de lui, mais aussi un autre,
et plus encore un Tout Autre !
Saurons-nous donc prendre les moyens pour nous ouvrir à Son mystère et au mystère d’autrui ?
[1] Amin MAALOUF, Les identités meurtrières, Grasset, Paris, 1998
[2] Idem p. 43